Monographie des Aiguilles de l'Argentière, par Émile Gaillard et Régis Du Verger.
Paru dans La Montagne (revue du CAF), le 20 juillet 1911.
Si, pour vos vacances prochaines, vous cherchez une villégiature alpine qui soit en même temps une station à la mode, ne suivez pas le chemin que nous nous proposons de tracer ici. Mais, si vous aimez la montagne pour elle-même, et si vous ne lui demandez que ce qu'elle peut donner de plus beau, et qu'elle refuse aux foules : des sensations d'une délicatesse exquise dans une vie simple et libre, si vous aimez contempler au soleil couchant les jeux de lumière dans les rochers fissurés, et voir finir le jour sur les grands pâturages, alors que meurent les sonnailles des troupeaux. Si vous ne recherchez pas la cohue des touristes, mais simplement l'impérissable beauté de la nature alpestre, allez passer quelque temps dans le massif de l'Argentière, vous ne le regretterez pas assurément.
Une douzaine d'aiguilles, offrant au grimpeur d'émouvantes escalades, dans lesquelles on peut trouver réunis, pour ainsi dire sous la main, tous les degrés de difficulté que présente le rocher. Un massif d'explorations intéressantes, où l'amateur de courses nouvelles trouvera encore quelques lauriers à cueillir. Une superbe région alpine, où sans peine, le touriste peut aller admirer les aspects de la haute montagne : telles sont les Aiguilles de l'Argentière.
Si nous rappelons que ce massif se trouve desservi par une route carrossable se déroulant à ses pieds. Qu'un bon refuge gardé permet de faire, à 2h à peine de la base des aiguilles, un séjour agréable. Si nous ajoutons que cette région est encore sinon inconnue, du moins délaissée d'une façon presque complète par les alpinistes, nous aurons résumé tout ce qui fait son charme Et si, enfin, cette petite étude contribue à y conduire quelques fervents, nous nous estimerons trop heureux.
- I. Description et Toponymie
- II. Géologie
- III. Histoire alpine
- IV. Itinéraires et voies d'ascension - Horaires
- V. Cartographie
- VI. Bibliographie
- VII. Illustrations
- Aiguilles de l'Argentière et bassin supérieur de la Combe Madame
- Aiguilles de l'Argentière - Face S, Col du Glandon et vallée supérieure de l'Eau d'Olle
- Aiguilles de l'Argentière - Face N
- Aiguilles de l'Argentière - Face E
- Aiguilles de l'Argentière - Face S
- Grandes Aiguilles Occidentales de l'Argentière et Glacier de la Combe Madame
- Aiguilles de l'Argentière vues du Rocher Blanc des Sept-Laux
- Carte topographique des Aiguilles de l'Argentière au 1:20000
I. Description et Toponymie
Le groupe de l'Argentière est la portion du massif des Sept Laux délimitée par les cols de la Croix au N, du Glandon à l'E, de la Combe Madame à l'W, et par les vallons de la Croix au N, du Glandon à l'E, de la Combe d'Olle et du Rieu Claret au S, du Pin et de la Combe Madame à l'W.
Ce groupe comprend essentiellement :
- Une arête élevée et très déchiquetée — les Aiguilles de l'Argentière proprement dites — adossée, par un nœud orographique important, au coude que fait la crête faîtière du massif des Sept Laux, venant du Rocher Blanc à l'W, pour se diriger au N vers le Bec d'Arguille et Puy Gris.
- La portion de cette dernière crête coudée, comprise entre le Col de la Combe Madame et le Col de la Croix.
- Un contrefort qui étaye vers le S le nœud orographique ci-dessus.
La carte et les photographies qui accompagnent ces pages rendent superflue une description topographique détaillée du groupe de l'Argentière. Nous allons simplement passer en revue les diverses crêtes, et traduire en langage courant le figuré de la carte ci-jointe. Au fur et à mesure, nous indiquerons les raisons sur lesquelles nous appuyons la toponymie que nous avons adoptée.
Et d'abord, d'où vient le nom attribué aujourd'hui à ce groupe orographique ?
La haute vallée de l'Eau d'Olle et les massifs qui l'enferment contiennent des gisements de minerais les plus divers, en particulier d'or et d'argent. Les difficultés d'accès n'ont malheureusement jamais permis d'y établir une exploitation avantageuse. Cependant le souvenir de ces entreprises s'est transmis, et le nom de l'Argentière en est une manifestation évidente.
Ce nom se trouve déjà, à deux reprises, dans le cadastre Sarde de 1730 (commune de Saint-Colomban-des-Villards). Sur la mappe on trouve en effet le « Rocher dit Largentière » et dans la Tabelle des contenances le « Mas de Lagentiera » sous le numéro 11390. CASALIS, dans son Dictionnaire des États Sardes, mentionne en 1833 « la mine d'argent de l'Argentière à l'W de Saint Sorlin-d'Arves » (1). La carte sarde, après Casalis, a donné à tout le massif des Aiguilles le nom de Rochers de l'Argentière, nom qui fut reproduit par G. DE MORTILLET en 1877, dans la 3e édition de son guide (2), et qui fut définitivement consacré par la carte de France au 1:80000.
Cette dénomination, aujourd'hui admise, ne l'a cependant pas toujours été. La mappe cadastrale de 1730 réserve le nom de « Rocher dit Largentière », à la partie E des Aiguilles, que nous appelons les Petites Aiguilles de l'Argentière. Les Grandes Aiguilles, ou partie W, se nomment sur ce cadastre « Rocher dit la Combaz », et Cassini, dans sa carte de 1800, répète ce nom sous la forme « Roc de la Combe » et néglige entièrement la dénomination actuelle.
Notes
- Casalis : Dizionario geografico-slorico-slatistico-commerciale degli Stati di S. M. il Re di Sardegna (31 vol.); Turin 1833; Vol. 18, p. 753 : « Evvi un antica miniera d'argento detta l'Argentière a ponente di questo luogo (Saint-Sorlin-d'Arves) la quale da lungo tempo più non coltivasi. »
- Savoie et Haute Savoie, par G. DE MORTILLET, 36 édition; Chambéry, 1877.
Entre les pages 30 et 31 se trouve encarté un panorama des Alpes vues des «Monts de Saint-Louis a (Monts de Lémenc, près Chambéry). On y voit très distinctement le massif qui nous intéresse sous le n° 48 : « Rocs d'Argentières et Glacier de la Croix. »
A. Crête du Col de la Combe Madame au Col de la Croix
Le Col de la Combe Madame (2645 m) fait communiquer le vallon de ce nom au N avec celui du Pin au S. Sur son versant N s'étale un petit glacier, le Glacier de la Combe Madame, dont les moraines frontales, témoins attardés de ses diverses périodes de glaciation, s'étendent jusqu'au-dessus des pauvres pâturages de Marmotane. (1)
Ce passage, assez fréquenté, faisait partie de l'ancienne frontière du Dauphiné. Les armes des maisons de France et de Savoie s'y trouvent encore profondément gravées dans le rocher, avec la date 1823. La carte du Diocèse de Grenoble, de Beaurain (1741), appelle ce passage « Col de Bolian », déformation du nom de Billian, qu'on trouve dès 1730 dans le cadastre de Saint-Colomban-des-Villards, appliqué au versant S de ce col, sous la forme « le fond de Billian », et qui est celui du torrent, issu du fond de l'Agnelin et dont la réunion avec le torrent du Pin forme le Rieu Claret (2). Les propriétaires des chalets de la haute combe d'Olle appellent encore aujourd'hui ce col « Col de Billian ».
Le nom plus généralement admis de Col de la Combe Madame a été donné par les habitants du versant de la Ferrière.
La ligne de partage des eaux entre la Combe Madame et la Combe d'Olle se relève brusquement à l'E du Col de la Combe Madame jusqu'à une pointe de rochers noirs, présentant vers le N de belles plaques à peine fissurées, mais dont les autres faces offrent une ossature beaucoup plus tourmentée. C'est l'Aiguille de Marcieu (2908 m) où s'attache la chaîne des Aiguilles de l'Argentière.
Au N de l'Aiguille de Marcieu s'ouvre un véritable col, faisant communiquer la Combe Madame avec le vallon de la Croix : la Brèche de l'Argentière (2720 m), ainsi nommée parce qu'elle donne accès, presque de plain-pied, sur le glacier occidental de l'Argentière.
La crête continue ensuite vers le N, dans des quartzites blancs qui contrastent vivement avec la couleur des roches avoisinantes. Puis elle s'abaisse pour former la double Brèche de Marmotane, à laquelle on accède depuis les pâturages de ce nom par un long couloir en Y dont les deux branches conduisent aux deux passages. Celui du N est à 2570 m, il est le plus fréquemment employé. Le versant E. des brèches de Marmotane descend faiblement vers les moraines du Glacier occidental de l'Argentière.
Toute cette crête, d'ailleurs, a son versant occidental abrupt et élevé au-dessus de la Combe Madame, tandis que son versant oriental n'a qu'un faible relief. Ce n'est de ce côté que le rebord légèrement relevé du grand talus adossé à la charpente puissante des Aiguilles de l'Argentière, talus qui va se prolonger jusqu'au-dessus de la vallée des Villards, et dont le bord septentrional dominant le haut vallon de la Croix se trouve constitué par une curieuse croupe qui s'étale largement de l'W à l'E. Les roches moutonnées et polies de cette croupe nous font songer à l'époque sans doute peu éloignée où le Glacier de l'Argentière les recouvrait encore.
Au N de la Brèche de Marmotane, la crête forme un mamelon arrondi (2661 m) couvert de maigres gazons, puis un 2e sommet plus aigu (2605 m) dominant le Col de la Croix.
Le Col de la Croix est, lui aussi, un des passages fréquentés de cette région. Comme celui de la Combe Madame, il était sur la frontière du duché de Savoie et du Dauphiné et, comme lui également, il porte sur son faîte, creusés dans un rocher posé sur le col même, les lys de France et la croix de Savoie.
Selon toute probabilité, ce passage tire son nom de ce dernier emblème, qui fut gravé sur le col en 1683. En tous cas, ce nom est porté sur le cadastre de 1730 et, dès cette époque, il s'est étendu au torrent qui s'écoule dans la Combe des Villards, ainsi qu'aux pâturages avoisinants. Les cartes de Capitaine en 1787, de Cassini en 1800, de Raymond en 1820, de Chaix en 1832, les diverses cartes sardes et celles plus modernes reproduisent toutes ce nom. Des pentes assez raides de gazon et d'éboulis constituent le versant dauphinois du Col de la Croix, sur lequel quelques restes de chemin en lacet rappellent que les armées ont à diverses reprises utilisé ce passage.
Une courte pente mène, sur le versant savoyard, au joli Lac de la Croix, joyau de ce sévère massif, véritable saphir, tantôt serti par quelques griffes de rochers gris dans l'émeraude des pâturages, tantôt délicatement posé sur la blancheur des névés.
Notes
- La carte de l'E. M. F. indique, à la cote 2034 m, dans la Combe Madame, le « chalet de la Marmotane ». Ce chalet n'est plus aujourd'hui qu'une ruine, méritant à peine le nom d'abri.
- On appelle aujourd'hui Rochers Billian la crête qui s'étend entre le Col de la Combe Madame et le Rocher Blanc des Sept Laux.
B. Crête du Pin
Nous appelons ainsi le contrefort S de l'Aiguille de Marcieu, qui forme la rive gauche du ruisseau du Pin, puis du Rieu Claret. Cette crête rappelle par sa constitution générale celle précédemment décrite au N de l'Aiguille de Marcieu. Comme celle-ci, elle est d'un relief peu accusé vers l'E, et comme elle, elle est plus dégagée sur son versant occidental. Elle forme divers clochetons caractéristiques, et vient finir par une dernière tour massive, cotée 2458 m, au-dessus des chalets supérieurs de Rieu Claret, que le cadastre de 1730 appelle, sans doute à cause de ce voisinage, Chalets de Pierre Grosse.
Vis-à-vis de cette tour 2458 m, sur la rive droite du Rieu Claret, se trouve un chalet appelé par la carte de l'E. M. F. « le Soleil », ce qui ne signifie pas grand'chose, au lieu de « le Soliet », c'est-à-dire le chalet isolé (Voir le cadastre de 1730, Mappe).
Cette crête peut être franchie en plusieurs endroits, notamment à la Brèche du Pin (2635 m), qui fait communiquer la région dite la Casse de l'Argentière (au S des Aiguilles de l'Argentière) avec le ruisseau du Pin, et plus aisément à une échancrure qui s'ouvre au N de la tour 2458 m.
C. Aiguilles de l'Argentière proprement dites
La chaîne des Aiguilles de l'Argentière proprement dites est orientée E - W. C'est une succession de sommets rocheux, une sorte de muraille couronnée de gendarmes et de créneaux. Le soubassement en est constitué au N par les glaciers de l'Argentière, au S par un vallonnement, rempli de débris morainiques, et que l'on appelle la Casse de l'Argentière. Celle-ci forme tout le long des aiguilles, et à une grande hauteur au-dessus de la vallée de l'Eau d'Olle, une large terrasse inclinée de l'W vers l'E et sur laquelle on distingue très nettement une série de moraines latérales formant des plis parallèles et plusieurs moraines frontales marquant diverses époques du développement glaciaire.
Très abrupte sur ses deux versants, la muraille des aiguilles de l'Argentière est environ deux fois plus élevée du côté S que du côté N. Sur le versant septentrional, en effet, les glaciers de l'Argentière arrivent presque à hauteur des cols principaux de l'arête (Col Dulong de Rosnay et Col de la Combe), tandis que sur leur versant méridional on n'accède à ces cols que par de longs couloirs.
- Ainsi que nous l'avons vu, la première des Aiguilles de l'Argentière, en commençant par l'W, est l'Aiguille de Marcieu (2908 m), (ainsi appelée du nom de son 1er vainqueur), nœud orographique dominant à la fois les trois bassins secondaires de la Romanche, de l'Arc et du Bréda.
- Une profonde coupure sépare cette aiguille de la suivante à l'E. C'est le Col Cadiat (du nom du 1er touriste qui le franchit), après lequel le faîte s'élève à l'Aiguille Michel (2917 m) : les guides Michel accompagnaient la première caravane qui atteignit cette pointe. Celle-ci est une sorte d'immense feuillet de roche dont l'arête sommitale a une cinquantaine de mètres de longueur.
- A l'Aiguille Michel fait suite une brèche coupée à pic sur le versant N, origine d'un couloir étroit et incliné sur le versant S.
- L'Aiguille Baroz (2904 m) qui lui succède porte le nom du 1er guide qui foula son sommet.
- Quant au clocheton suivant, c'est une indentation très aiguë de la crête, cotée 2900 m par Paul Helbronner, et que l'on peut, si l'on veut, considérer comme un sommet distinct, bien qu'elle ait une personnalité moins accusée que les autres aiguilles.
- Puis vient l'Aiguille Dulong de Rosnay (2918 m) (ainsi nommée en l'honneur du principal explorateur du massif), dont l'importance s'accroît du fait que son arête orientale s'abaisse, en la dégageant superbement, presque jusqu'au niveau du Glacier de l'Argentière, à une échancrure relativement large (1) : le Col Dulong de Rosnay (2811 m).
- Nettement séparée des précédentes par le col, s'élève ensuite l'Aiguille Saint-Phalle 2901 m.
- Cette belle dent rocheuse est bien dégagée à l'E également par une brèche profonde, la Brèche Saint-Phalle, qui la sépare de la Pointe d'Olle.
- Celle-ci n'a que 2885 m d'altitude, c'est la plus basse et la plus orientale des Grandes Aiguilles de l'Argentière.
- Une crête prolonge vers l'E la chaîne des Grandes Aiguilles, par une série de dentelures variées jusqu'à la profonde dépression du Col de la Combe (2649 m) qui sépare les Petites Aiguilles de l'Argentière (partie E. du massif) des Grandes Aiguilles que nous venons de décrire.
Les Grandes Aiguilles projettent vers le S l'arête du Pin (dont il a été question précédemment), issue de l'Aiguille de Marcieu. Vers le N, elles détachent une courte arête rocheuse séparant la nappe glaciaire de l'Argentière en deux glaciers d'inégales dimensions. Celui de l'W est de beaucoup le plus important des deux. Pour les différencier, nous les avons appelés Glacier oriental et Glacier occidental de l'Argentière (2). Le contrefort qui les sépare est issu d'un point situé un peu au NE de l'Aiguille d'Olle et coté 2859 m.
La ligne de partage des eaux entre les bassins de l'Arc et de la Romanche quitte, à un sommet coté 2813 m et situé immédiatement au SW du Col de la Combe, l'arête des Aiguilles de l'Argentière. Hérissée de fantastiques indentations, cette ligne de partage s'abaisse très rapidement au SE, puis se continue par un bourrelet à peine sensible, simple entassement morainique peut-être, ou bien produit par l'érosion des eaux descendues du Col de la Combe. Quoi qu'il en soit, ce bourrelet suffit à départager les eaux des deux bassins de l'Arc et de la Romanche. Il aboutit au seuil 2106 m, un peu au-dessous et au SE des chalets de la Combe, puis l'arête de pâturages se relève légèrement au mamelon du Carrelet (2145 m) et va s'abaisser au Col du Glandon (1933 m), borne orientale de notre massif.
Ainsi, les Petites Aiguilles de l'Argentière, qui, au point de vue de leur structure, continuent si bien l'aspect des Grandes Aiguilles, ne sont, topographiquement parlant, qu'un contrefort de l'arête principale.
Le Col de la Combe a donc ses deux versants tributaires du torrent des Villards. C'est pour cette raison que nous n'avons pas cru devoir lui conserver le nom, qu'on lui avait primitivement attribué, de Col de Rieu Claret, le torrent de ce nom étant tributaire de l'Eau d'Olle. Le nom de Col de la Combe est d'ailleurs l'appellation locale, et il a l'avantage de rappeler l'ancienne dénomination, que le cadastre de 1730 et la carte de Cassini étendaient à l'ensemble des Grandes Aiguilles de l'Argentière.
Le Col de la Combe, au niveau duquel arrive, sur son versant septentrional, le Glacier oriental de l'Argentière, est formé par deux brèches (celle du SW a 2649 m, celle du NE 2652 m, et le rocher qui les sépare a 2681 m d'altitude). À chacune de ces brèches aboutit sur le versant S un couloir rocheux (l'oriental est le plus aisé à gravir).
La crête des Petites Aiguilles de l'Argentière se relève à l'E du Col de la Combe pour former l'Aiguille de la Combe (2752 m), qui projette vers le N l'unique éperon des Petites Aiguilles.
Celui-ci se redresse en une belle pointe rocheuse, l'Aiguille Reynier (2721 m), séparée de l'Aiguille de la Combe par la Brèche Reynier (Louis Reynier est le 1er touriste qui gravit cette aiguille).
Puis ce contrefort se coude vers le NE et, avant de disparaître, dessine un curieux sommet rocheux en forme de pain de sucre (2563 m).
À l'E de l'Aiguille de la Combe, la crête des Petites Aiguilles se poursuit par une arête déchiquetée, formant un petit sommet, la Pointe Elisabeth (2714 m), avant de s'abaisser presque subitement à une profonde brèche en coup de sabre (2622 m).
Une superbe pointe, cotée 2714 m, se dresse à l'E du coup de sabre, ses rochers sombres, tachés de quelques tons jaune soufre, dominent l'étroite brèche de près d'une centaine de mètres. Nous l'avons appelée Clocher du Piniollet, afin de rappeler à la fois sa forme en clocheton et les alpages du Piniollet qui s'étendent à ses pieds, tout au fond du vallon des Villards (3). De même nous avons appelé Glacier du Piniollet le glacier à l'état embryonnaire qui se forme au pied N de ce sommet.
La crête du Clocher du Piniollet s'abaisse vers l'E par quelques brusques ressauts jusqu'à la Brèche du Piniollet (2552 m) à laquelle on accède sur chacun de ses versants par de grandes pentes d'éboulis.
Après quelques dernières dentelures, la crête s'achève par deux grosses têtes rocheuses et se termine brusquement au-dessus du torrent du Glandon ou des Villards. Nous avons appelé ces deux derniers sommets, cotés respectivement 2586 m et 2530 m, Têtes des Cos, du nom des chalets (4) qui se groupent à leur pied oriental.
Notes
- Le Col Dulong de Rosnay se présente comme une large baisse, entre l'Aiguille Dulong de Rosnay et l'Aiguille Saint-Phalle. Mais dans cette baisse il y a diverses échancrures très étroites dont la plus basse est le col topographique.
- La carte sarde donne le nom de Glacier de la Croix au Glacier occidental de l'Argentière. Elle appelle de même Glacier de la Croix un petit glacier logé au pied SE du Bec d'Arguille (nommé sur cette carte Aiguille Equard). Ceci nous permet de supposer que ce nom de Glacier de la Croix s'appliquait au début à un seul et même glacier. En effet, sur tout le versant N des Aiguilles de l'Argentière jusqu'au-delà du Vallon de la Croix, l'action de l'érosion glaciaire demeure manifeste : les roches moutonnées y abondent, et il est facile de se figurer la période où le Glacier de l'Argentière, dont nous ne voyons plus aujourd'hui que d'infimes restes, allait en affleurant par endroits la crête principale et en débordant par-dessus le seuil du rameau de la Sambuis (Collet de la Sambuis), remplir d'une seule et vaste nappe glaciaire les hauts vallons de la Croix et de Tépey.
- Les alpages du Piniollet sont nommés sur le cadastre de 1730.
Ce sont les pâturages compris entre la rive droite du torrent de la Croix et la rive gauche du torrent des Villards, près du confluent de ces deux rivières. - La carte de l'E. M. F. nomme ces chalets l' Hécoz. Cette orthographe est défectueuse. Il vaut mieux écrire les Cos, qui signifie les Cols. En effet, les habitants de la région appellent ainsi l'ensemble de leurs chalets de la haute vallée du Glandon, et en particulier « le Col dessus », les chalets situés sur le Col du Glandon, et « le Col dessous », ceux du versant N de ce col. Sur le cadastre de 1730, ces derniers chalets sont nommés « dessoubs le Cot ».
II. Géologie
Les Aiguilles de l'Argentière sont comprises dans une bande de gneiss amphiboliques, à laquelle appartiennent aussi la partie NE des Rochers Rissiou, le Rocher d'Arguille, le Roc de Monteit, etc.
Ces gneiss résultent de l'injection granulitique d'amphibolites puissantes, et sont analogues à ceux du Pelvoux et des environs du Mont Blanc (1).
Toutefois, les contreforts orientaux et méridionaux du massif vers le Col du Glandon et Rieu Claret sont formés de schistes cristallins micacés.
Au point de vue tectonique, c'est le grand anticlinal axial de la chaîne de Belledonne (2).
- Il existe, en effet, une grande analogie dans la nature de la roche, dans la situation et même dans les altitudes, entre le massif de l'Argentière et certaines parties des Aiguilles Rouges de Chamonix. Cette analogie a d'ailleurs été déjà signalée pour le massif d'Allevard en général, par Paul Helbronner, dans l'Annuaire du C. A. F. pour 1903.
- Ces renseignements nous ont été fournis, d'après la carte géologique de France, par Monsieur Lory, Chargé de conférences à la Faculté des sciences de Grenoble. Nous tenons à l'en remercier tout particulièrement ici.
III. Histoire alpine
Avant l'année 1885, les Aiguilles de l'Argentière semblent à peu près ignorées dans la littérature alpine.
Vers cette époque seulement elles attirent d'abord l'attention de quelques alpinistes, qui viennent reconnaître les abords du massif.
Dans la période suivante, de 1889 à 1901, les Grandes Aiguilles sont successivement gravies, presque sans coup férir, malgré d'assez sérieuses difficultés.
À partir de 1902, la conquête du Massif est complétée par celle des Petites Aiguilles et par la reconnaissance d'un certain nombre de variantes et d'itinéraires nouveaux.
L'histoire alpine des Aiguilles de l'Argentière peut donc se résumer dans l'exposé sommaire de leurs premières ascensions suivant l'ordre chronologique.
En dehors de celles-ci, nous ne citerons que les ascensions plus récentes pouvant ajouter quelque chose à la connaissance du groupe.
Pour éviter toute confusion, nous emploierons les noms adoptés sur la carte et les illustrations ci-jointes, en rappelant toujours, s'il y a lieu, les noms employés dans les différentes relations de courses.
Une des premières courses, dont nous connaissions quelques détails, fut faite en 1885 par Victor Cadiat, de la Section de Paris (1). Venant de la Combe Madame par le Col de la Croix, Monsieur Cadiat fit la reconnaissance du Glacier de l'Argentière.
Dans sa relation (2), il signale déjà deux brèches (brèches de Marmotane et de l'Argentière) pour descendre rapidement du Glacier de l'Argentière sur la Combe Madame.
Le glacier lui paraît détaché des rochers par des « bergschrunds inabordables » et, dans son admiration pour « de vraies et larges crevasses avec de belles parois bleues où le regard cherche vainement le fond », il se fait descendre dans 1 une d'elles par son guide Jean Baroz.
Cela nous porte à croire que le glacier a dû se modifier profondément depuis cette époque, car on n'y trouve plus actuellement que des crevasses insignifiantes, en partie recouvertes, même à l'arrière-saison.
Pendant les années suivantes, Monsieur Cadiat, accompagné du guide Baroz, revient sur le Glacier de l'Argentière, qui l'a décidément séduit. Il atteint le col, qui a conservé son nom, entre les Aiguilles Michel et de Marcieu. Mais il renonce à l escalade de cette dernière qu'il projetait depuis le col, et qui, de fait, ne peut guère se gravir de ce côté.
En 1889, il donne un nouvel assaut à l'Aiguille de Marcieu : cette fois, depuis le Col de la Combe Madame, qu'il atteint en partant du Curtillard. Malgré l'instabilité des roches, il remonte un couloir assez raide descendant sur le Glacier de la Combe Madame et coupé en plusieurs endroits.
Il laisse son porteur près d'un grand clocheton sur la droite, et après plus de 2h de pénibles efforts, il arrive, avec Baroz, non loin du sommet, près d'un rocher en forme de mur droit et lisse, qu'il juge infranchissable (3).
Le succès était réservé, la même année 1889, à Monsieur De Marcieu qui, deux jours plus tard, venant des Sept Laux par le Col d'Amianthe, passait probablement la Brèche du Pin, pour aborder les Aiguilles par le S. Comme Monsieur Cadiat, il échouait d'abord dans une tentative d'ascension depuis le Col Cadiat, mais prenant ensuite des couloirs ou cheminées face au SE, il atteignait sans grande difficulté le point culminant de « l'Aiguille Occidentale de l'Argentière » (2908 m), appelée par ses guides, Michel et Ginet, « Aiguille de Marcieu », nom qui lui est resté (4).
Les ascensions de Monsieur Dulong de Rosnay en 1892 et 1893 comptent parmi les plus hautes et les plus difficiles du massif de l'Argentière. C'est lui qui gravit le 1er la pointe la plus élevée, et deux autres des Grandes Aiguilles.
Dans les relations détaillées de ces ascensions, parues dans deux Annuaires du Club Alpin Français (5), Monsieur Dulong de Rosnay divise les Grandes Aiguilles de la façon suivante : un groupe de quatre Aiguilles Occidentales, numérotées de l'E à l'W, un Pic Central et une Aiguille Orientale.
Nous établirons donc, à propos de chacune de ces ascensions, la correspondance entre cette nomenclature et celle qui a été définitivement adoptée.
Le 24 Août 1892, Monsieur Dulong de Rosnay, après avoir couché dans les chalets de Rieu Claret, remonte au N à travers des pâturages et la Casse de l'Argentière vers le pied S des Aiguilles. Les indications des montagnards et ses observations personnelles le portent à croire que le sommet le plus élevé est l'Aiguille de Saint-Phalle, qu'il appelle Pic Central ou Grand Pic.
C'est vers cette cime qu'il va diriger ses efforts. Mais l'examen de la face S ne lui laisse aucun espoir : « pas le moindre couloir, pas la plus petite saillie, partout le rocher lisse ». Alors il avise un couloir situé à l'E de l'Aiguille, et qui offre cependant de sérieuses difficultés, étant sans cesse barré par des rochers coincés entre ses parois.
Après de longs efforts, il arrive enfin, avec le guide Michel, sur une selle entre les Aiguilles de Saint-Phalle et d'Olle.
C'est la Brèche de Saint-Phalle où il n'y a plus désormais qu'une seule voie d'ascension possible : l'arête ENE.
Celle-ci, en lame de couteau, entre deux grands escarpements, n'a pas un aspect très engageant. Toutefois « elle est plus effrayante que méchante ». Après quelques passages vertigineux, elle livre bientôt le chemin de la cime (2901 m).
Malheureusement, le temps étant devenu très nuageux et menaçant, la caravane ne tarda pas à redescendre. Peut-être cela nous explique-t-il que du sommet même, Monsieur Dulong de Rosnay ne se soit pas aperçu de son erreur en attribuant la plus haute altitude à l'Aiguille de Saint-Phalle, cependant inférieure de 17 m à sa voisine.
Revenu à la Brèche de Saint-Phalle par la même arête, il se décide à en descendre par la face N, et à gagner le Glacier de l'Argentière. Par des couloirs peu commodes orientés vers l'W, il y arrive enfin, et regagne la Combe Madame et le Curtillard.
Cependant, en 1893, au cours d'une ascension au Bec d'Arguille, Monsieur Dulong de Rosnay reconnaît son erreur de l'année précédente : il voit que la pointe la plus élevée n'est pas celle qu'il a déjà gravie, mais bien celle qu'il appelle la Première Aiguille Occidentale et qui portera son nom plus tard. Dès lors « il n'y a rien de fait ».
Cette constatation le décide aussitôt à retourner sur « les terribles rochers de l'Argentière ».
Huit jours après, le 1er août, il couche, avec les guides Baroz et Michel, dans les chalets de la Combe Madame, et, le lendemain à 8h du matin, il est sur le glacier.
L'examen de son aiguille lui inspire bientôt quelque inquiétude : l'arête W se termine en haut par un surplomb, la face N offre dans le bas une paroi presque verticale : quant à l'arête E, très raide aussi, elle est coupée par un à-pic de 30 m à sa base.
Malgré la difficulté de la face N, ou plus exactement NE, il se décide à l'emprunter jusqu'au-dessus de l'à-pic de l'arête E. Après un 1er mauvais pas pour franchir la rimaye et attaquer le rocher, il exécute sur la face N une marche en écharpe. Puis il s'élève par deux très mauvais couloirs « d'une inclinaison extraordinaire » et « où les prises font défaut ». Ce sont les passages les plus difficiles de l'ascension.
L'arête E, qu'il rejoint ensuite, au-dessus de l'à-pic, est encore très inclinée et vertigineuse. Elle le mène cependant relativement vite au sommet (2918 m) qui n'est pas large et où l'on a peine à se grouper.
Le retour par la même arête offre les mêmes difficultés. Mais craignant de ne pouvoir descendre les deux mauvais couloirs, la cordée continue à suivre l'arête E jusqu'à l'à-pic, qu'elle franchit avec beaucoup de peine, en partie à l'aide d'un rappel de corde.
Elle arrive ainsi sur une selle dans l'arête principale de la chaîne : c'est le Col Dulong de Rosnay (2811 m).
D'après le récit de Monsieur Dulong de Rosnay, le dernier passage de sa descente fut un des plus émouvants qu'il ait jamais rencontrés (6).
En revenant sur la Combe Madame à travers le Glacier de l'Argentière, il remarqua de nouveau les nombreuses crevasses dont parlait Monsieur Cadiat en 1886.
La même année 1893 lui permit encore de faire la première ascension de l'Aiguille d'Olle, qu'il désigne sous le nom d'Aiguille Orientale d'Argentière.
Partant du 2e chalet de la Combe Madame, il gagne le 28 Août le Glacier de l'Argentière avec le guide Baroz.
Delà, l'Aiguille d'Olle semble offrir deux voies d'accès possibles par ses arêtes NE et SW. C'est la dernière qu'il choisit, en raison de sa proximité. Mais après avoir atteint la Brèche de Saint-Phalle et fait quelques pas sur l'arête SW, il se heurte à une immense dalle infranchissable. Il redescend alors jusqu'au glacier et prend un couloir de la face N tout en glace vive.
Après un dur travail de taille de marches au piolet, pendant lequel il manque être entraîné avec son guide par une avalanche de pierres, Monsieur Dulong de Rosnay s'élève par une rimaye et des rochers instables jusqu'à l'arête NE. Celle-ci, facile, le mène presque au sommet (2885 m) qui est atteint en réalité par un couloir SE. Le retour paraît s'être effectué par la même voie sans difficulté.
Après le succès de Monsieur Dulong de Rosnay, l'attention des alpinistes reste quelque temps attirée sur ce massif.
En 1894, Monsieur G. Kuss fait avec Baroz la 2e ascension de l'Aiguille de Saint-Phalle (7).
En 1895, ce sont Messieurs Reynier et Verne qui réussissent, avec les guides François et A. Michel, la première ascension de la 3e Aiguille Occidentale (2917 m) qui s'appellera désormais Aiguille Michel. Cette ascension s'effectue par la face W, la caravane étant montée en 8h de la Grande Maison au pied S des Aiguilles (8). Il est permis de croire cependant qu'elle passa d'abord dans le voisinage du Col Cadiat, qu'on est presque obligé d'atteindre pour aborder la face W.
Ce n'est qu'en 1901 que s'achève la conquête des Grandes Aiguilles signalées par Monsieur Dulong de Rosnay.
Avec le guide Joseph Baroz, Maurice Paillon et Mlle A. Mounier-Chadebec touchent enfin le sommet de la 2e Aiguille Occidentale que nous appelons Aiguille Baroz. Venant des Sept Laux par le Col d'Amianthe et la Brèche du Pin, ils empruntent à la montée le couloir immédiatement à l'E de l'Aiguille Michel, couloir rapide et étroit, encombré de produits d'érosion, et fréquemment barré par des blocs rocheux instables. « Vers le haut du couloir, les touristes prennent dans la face SW », et par des rochers abrupts et une grande dalle ils arrivent au sommet (2904 m) à midi, après, 3h environ d'escalade.
Malheureusement, une tentative de descente par le couloir oriental les conduit à un à-pic de 60 m dans le bas. Ils sont forcés de remonter jusqu'au sommet pour reprendre le couloir occidental. Cet incident les oblige à terminer leur descente dans la nuit et à bivouaquer au pied des rochers (9).
À partir de 1902, les amateurs de pointes vierges se tournent vers les Petites Aiguilles de l'Argentière encore peu explorées.
Louis Reynier, venant du Curtillard avec le guide Baroz en 1902, traverse les glaciers de l'Argentière de l'W à l'E et arrive ainsi au pied de l'Aiguille qui porte maintenant son nom. Après une escalade de 2h dans une cheminée verticale de la paroi W, il atteint le sommet de cette pointe (2721 m) (10).
Cependant, les Grandes Aiguilles sont encore visitées à diverses reprises.
En 1903, Paul Helbronner, pendant sa campagne géodésique dans les massifs d'Allevard et des Sept Laux, dont il sera question plus loin, fait monter ses guides sur les Aiguilles Michel et de Marcieu, où ils élèvent des signaux de 1,80 m de hauteur.
On reprend aussi vers cette époque l'ascension de l'Aiguille de Marcieu par la face NW, dans laquelle avait échoué Monsieur Cadiat en 1886. La muraille infranchissable qui l'avait arrêté près du sommet est contournée par le NW.
En 1904, Régis Du Verger seul, venant du Rocher Blanc, suit cet itinéraire jusqu'au sommet en 1h20 depuis le Col de la Combe Madame et en redescend en 55min.
Monsieur Ferrand, en 1906, fait diverses randonnées dans les environs du Glandon, en particulier autour du massif de l'Argentière, et consigne d'intéressantes observations dans l'Annuaire de la Société des Touristes du Dauphiné pour 1907.
L'Aiguille Reynier est pour la 2e fois atteinte le 30 Juin 1907 par Messieurs Gaillard, Maige, Paillon et Du Verger, mais cette fois depuis la Brèche de l'Aiguille Reynier et par la face S assez abrupte (11).
La même année, en août, Émile et Joseph Gaillard font l'ascension de l'Aiguille d'Olle par le chemin le plus direct depuis le Col du Glandon, c'est-à-dire en traversant d'abord le Col de la Combe et le Glacier Oriental de l'Argentière. Ils montent ensuite par un couloir NE jusqu'au point 2859 m.
Après avoir atteint la cime par l'arête NE et la face N, ils explorent la crête principale entre les points cotés 2859 m et 2836 m (12).
Un peu plus tard, la descente directe de l'Aiguille de Marcieu sur le Col Cadiat est effectuée par Régis Du Verger à l'aide d'un rappel de corde. L'année suivante, par le même procédé, Messieurs Deplasse, Gaillard et Du Verger descendent de l'Aiguille Michel jusqu'au Col qui la sépare de l'Aiguille Baroz.
Au commencement de mai 1908, Messieurs Capdepon et Comberousse font la première ascension du Clocher du Piniollet (2714 m), dans les Petites Aiguilles. Partant des chalets des Cos, cette caravane atteint le Col du Piniollet (2552 m) à l'E du Clocher : de là, l'arête principale est généralement suivie, sauf en deux endroits où il faut emprunter la face N (13).
Le mois suivant, Monsieur Deplasse gravissait l'Aiguille de la Combe (2752 m), la plus haute des Petites Aiguilles, par les gradins de la face W.
La Pointe Elisabeth (2714 m), escaladée l'année suivante par Mlle Capdepon, et Messieurs Capdepon et Piaget, se rattache à l'Aiguille de la Combe, d'où partit la caravane en suivant sensiblement l'arête E (14).
À l'heure actuelle, à l'exception de l'indentation 2900 m située entre les Aiguilles Baroz et Dulong de Rosnay, toutes les Aiguilles principales du massif ont été gravies.
On peut donc dire que la reconnaissance des Aiguilles de l'Argentière est à peu près terminée.
Cependant l'alpiniste, aimant à donner libre cours à sa fantaisie, pourra sans crainte d'avoir à fouler des chemins battus, visiter ce massif aux aspects si divers, dans lequel il peut être assuré de trouver des impressions nouvelles et même de l'inédit.
Notes
- D'après le Guide Joanne 1890, Monsieur G. Bartoli serait venu également en 1885 dans les environs des Aiguilles. Il n'est guère question cependant que de son passage du Col de la Combe Madame.
- Annuaire du CAF 1886 - p. 693-696
- Annuaire du CAF 1889 - p. 69-77
- Annuaire de la STD 1889
- Annuaire du CAF 1892 et Annuaire du CAF 1893
- Annuaire du CAF 1893
- Annuaire de la STD 1894
- Revue Alpine - 1895 - p. 290
- Revue Alpine - 1901 - p. 306
- Annuaire de la STD 1902
- La Montagne - 1907 - p. 328
- La Montagne - 1907 - p. 571
- Revue Alpine - 1908 - p. 358
- Revue Alpine - 1909 - p. 326-327
IV. Itinéraires et voies d'ascension - Horaires
Pour faciliter les recherches de ceux qu'attireraient les escalades courtes et amusantes du massif de l'Argentière, nous avons groupé dans ce paragraphe un certain nombre de renseignements complétant la carte au 1:20000 ci-jointe.
Le massif de l'Argentière, déversant ses eaux dans trois vallées différentes, peut être abordé en remontant chacune d'elles. Nous envisagerons donc les divers itinéraires répartis en trois groupes : versant du Bréda, versant de l'Eau d'Olle et versant du Glandon.
Après une étude générale des voies d'accès jusqu'aux abords immédiats des rochers, nous donnerons des indications pour chaque pointe.
1. Itinéraires jusqu'au pied des Aiguilles
A. Versant du Bréda
La dernière localité où l'on accède de ce côté par une route est le Curtillard (1000 m env.), à 14 km d'Allevard.
Malgré son éloignement relativement considérable du massif et sa faible altitude, cette station peut servir de point de départ.
Mais on préfère généralement aller coucher plus haut, soit dans les chalets de la Combe Madame, soit même à l'auberge des Sept Laux.
La Combe Madame constitue la voie d'accès la plus naturelle. Le chemin muletier qui la remonte traverse des pâturages, où viennent en été des moutons de Provence, et conduit successivement à deux chalets.
On trouve dans le 2e chalet (1790 m) (3h du Curtillard, 1h40 à la descente), un gîte médiocre pour la nuit.
Un peu plus haut se trouve l'abri de Marmotane (2029 m), devenu à peu près inutilisable (50min depuis le 2e chalet, 30min en sens inverse).
De là, suivant la course que l'on se propose de faire, les chemins diffèrent :
Grandes Aiguilles - Face N
Pour aborder les Grandes Aiguilles par leurs faces N, remonter la partie supérieure de la Combe Madame et son Glacier. À 100 m environ au-dessous du col de même nom, prendre sur la gauche un couloir pierreux assez raide. On atteint ainsi la Brèche de l'Argentière (2720 m), presque au pied des Grandes Aiguilles.
2h20 depuis Marmotane, 1h10 en sens inverse
Grandes Aiguilles - Face S
Pour atteindre les faces S, il faut. franchir d'abord le Col de la Combe Madame (2645 m) (2h15 depuis Marmotane, 1h à la descente), aisément accessible par le glacier de même nom, descendre environ 150 m plus bas dans le Vallon du Pin, et remonter à la Brèche du Pin (2635 m) par où l'on accède à la Casse de l'Argentière, à proximité du versant S des Aiguilles.
45min environ du Col de la Combe Madame, même temps en sens inverse.
Petites Aiguilles
Si l'on se propose de gagner les Petites Aiguilles, il est préférable, depuis Marmotane, de ne pas aller jusqu'au Glacier de la Combe Madame, mais de prendre un peu plus bas sur la gauche un long couloir, raide et étroit, souvent enneigé, aboutissant à la Brèche double de Marmotane (2570 m à son débouché N).
1h50 environ depuis l'abri de Marmotane, 50min en sens inverse.
De là, par une marche transversale dans la partie inférieure des deux glaciers, on arrive en 30min au Col de la Combe (2649 m), à portée des différentes faces des Petites Aiguilles.
30min dans les deux sens.
Col de la Croix
Enfin, pour passer simplement de la Combe Madame dans le Vallon de la Croix, il suffit de traverser le Col de la Croix (2533 m) en utilisant par endroits des traces de sentiers.
1h15 de Marmotane, 45min en sens inverse.
Depuis l'auberge des Sept Laux 2187 m
Chercher à gagner le Ruisseau du Pin, soit par le Col d'Amianthe (2813 m), soit par celui de l'Agnelin et la Brèche du Lieutenant. On montera de là à la Brèche du Pin (4 à 5h depuis les Sept Laux), pour aborder la Casse de l'Argentière, ou bien, traversant le Col de la Combe Madame, on prendra la Brèche de l'Argentière, afin d'arriver sur le Glacier Occidental.
5h30 environ.
B. Versant de l'Eau d'Olle
Les chalets de Rieu Claret (1750 m env.), à 10 km, par la route, du Rivier d'Allemont (1280 m), servent également de point de départ de ce côté, à moins que l'on ne remonte la vallée jusqu'au Glandon.
Plus en aval, on peut aussi trouver un gîte à la Grande Maison (1545 m).
Grandes Aiguilles - Face S
De Rieu Claret on s'élève assez rapidement par un sentier muletier en lacets jusqu'à la Casse de l'Argentière. De là, au milieu du relief tourmenté laissé par un ancien glacier, on se dirige vers le pied S des Aiguilles.
3h environ, 1h30 en sens inverse.
Grandes Aiguilles - Face N
Pour atteindre les faces N, il faudrait remonter le Rieu Claret et le ruisseau du Pin par des sentiers et pistes de troupeaux jusqu'au Col de la Combe Madame (3h env.), et passer ensuite la Brèche de l'Argentière (40min).
Petites Aiguilles
Toutefois, pour l'ascension de l'Aiguille d'Olle par le Glacier Oriental et pour la plupart des courses dans les Petites Aiguilles, le chemin le plus court consiste à gagner d'abord, par un chemin muletier en lacets, la terrasse gazonnée située au-dessous de la Casse de l'Argentière. Contourner par le N une croupe herbeuse, en laissant à l'E les chalets de la Combe, et se diriger toujours vers le N jusqu'à un passage facile (un peu à l'E de la cote 2485 m) débouchant sur le haut vallon de la Combe presque au pied du col de même nom.
3h environ.
C. Versant et Col du Glandon
Lorsqu'on vient de la Maurienne en remontant par la route la vallée des Villards, on préfère généralement dépasser Saint-Colomban (1109 m) et s'arrêter aux chalets du Sapey, de Sous le Col ou des Cos (1792 m).
Mais le meilleur point de départ, celui que l'on choisit presque exclusivement maintenant, c'est le chalet-hôtel du Glandon (1912 m) situé en réalité sur le versant de l'Eau d'Olle, un peu à l'E du Col du Glandon (1933 m).
Au commencement de l'été ou à l'arrière-saison, quand le chalet-hôtel n'est pas ouvert, on peut aussi trouver un gîte dans les chalets mêmes du Col du Glandon.
Nous ferons partir nos divers itinéraires du chalet-hôtel. Il sera d'ailleurs facile de les modifier, si l'on a choisi un des autres points de départ indiqués ci-dessus.
Grandes Aiguilles - Face S
Pour atteindre du chalet-hôtel la face S des Grandes Aiguilles, il faut se diriger vers la Casse de l'Argentière et aller d'abord aux chalets de la Combe par un bon sentier muletier contournant par le S le mamelon gazonné du Carrelet (2145 m) (40min environ).
De là, on atteint un peu plus haut un petit lac. On gravit ensuite le front d'une ancienne moraine, et en longeant des bourrelets pierreux parallèles à la direction générale des Aiguilles, on arrive au pied des rochers.
2h à 2h30 du chalet-hôtel, 1h40 en sens inverse.
Sept Laux, Combe Madame
Si l'on veut gagner le Ruisseau du Pin, soit pour aller vers les Sept Laux, soit pour atteindre le Col de la Combe Madame, l'itinéraire le plus aisé et le plus rapide consiste à suivre vers l'W, depuis les chalets de la Combe, des sentiers ou pistes sensiblement horizontaux à travers des pâturages.
Lorsqu'on arrive près de l'extrémité S de la Crête du Pin, dans une dépression en forme de cuvette, on peut contourner cette crête par le S : mais il est préférable de s'élever par un clapier et un talus d'éboulis jusqu'à une brèche entre la tour cotée 2458 m et le point 2490 m.
Après une courte descente, assez forte au début, on atteint rapidement sur la droite le ruisseau du Pin.
D'autres brèches plus au N, y compris la Brèche du Pin, permettent également de franchir ce même chaînon, mais elles exigent plus ou moins la traversée fatigante de la Casse de l'Argentière, et une descente plus longue sur le Ruisseau du Pin.
Petites Aiguilles - Face S
Après avoir suivi le chemin des chalets de la Combe jusqu'au-dessous du mamelon du Carrelet, prendre un sentier redescendant légèrement sur les pentes N jusqu'au ruisseau du Glandon, remonter le long de ce ruisseau par un sentier inégalement tracé jusqu'à une prise d'eau.
S'élever ensuite sur la droite par des pentes gazonnées de plus en plus semées de pierres dans le vallon de la Combe.
On arrive à sa partie supérieure dans une casse d'où l'on aperçoit très bien au fond la double échancrure du Col de la Combe. Suivre une bande herbeuse sous l'Aiguille de la Combe : atteindre ainsi l'échancrure NE (2652 m) par laquelle on débouche en quelques minutes sur le Glacier oriental de l'Argentière. L'accès de l'échancrure (2649 m) paraît être plus pénible.
2h du Col du Glandon, 1h20 à la descente.
Grandes et Petites Aiguilles - Face N
Il n'est pas nécessaire de redescendre jusqu'aux chalets des Cos pour atteindre les faces N des Aiguilles par le vallon de la Croix.
Du Col du Glandon, prenant vers l'W le sentier des chalets du Glandon, on laisse bientôt à sa gauche le chemin des chalets de la Combe, et on redescend quelque temps vers le ruisseau du Glandon, comme pour aller au Col de la Combe. Au-delà du ruisseau, traversant des ravinements par des pistes de troupeaux, on vient contourner exactement la base des derniers rochers E des Têtes des Cos. Enfin, en continuant en courbe de niveau, on atteint le ruisseau de la Croix.
Des pistes mal tracées longent le ruisseau jusque près d'un palier nettement marqué dans le vallon (cote 2147 m).
Pour atteindre le Glacier du Piniollet et le cirque des Petites Aiguilles qui l'entoure, un peu avant d'arriver à ce palier, il faut s'élever à gauche sur des pentes très rapides, coupées de rochers, jusqu'à une terrasse morainique d'où l'on accède sans peine au glacier (1h45 env.).
Pour gagner les deux Glaciers de l'Argentière et les Aiguilles qui les dominent, longer le pied des escarpements d'un contrefort de l'Aiguille Reynier (sommet coté 2563 m), remonter vers l'W des pentes assez fortes coupées de ressauts rocheux. On accède ainsi à un vallonnement pierreux faiblement incliné.
- On aborde le Glacier Oriental en s'élevant immédiatement au S par un talus morainique. Par là on rejoindrait aussi le Col de la Combe (2649 m).
2h30 à la montée, 1h30 à la descente. - En dépassant le contrefort N qui sépare les deux glaciers, on ne tarde pas à rencontrer l'extrémité inférieure du Glacier Occidental.
La traversée de ce glacier jusqu'au pied des Aiguilles ou à la Brèche de l'Argentière n'offre pas maintenant de difficultés et ne demande guère plus de 30min.
2h40 environ du chalet-hôtel.
On peut aussi aborder de ce côté les Aiguilles en franchissant d'abord le Col de la Combe : mais pour l'Aiguille de Saint-Phalle et les Grandes Aiguilles Occidentales, la durée du trajet est sensiblement la même par les deux itinéraires.
En continuant à remonter le vallonnement pierreux qui borde au N le glacier, on arrive à la Brèche de Marmotane (2570 m).
2h30 à la montée, 1h30 en sens inverse.
Col de la Croix
Si du palier 2147 m sur le ruisseau de la Croix, on continue à remonter le talweg principal, on s'engage bientôt dans un couloir étroit, resserré entre deux parois rocheuses, puis on débouche dans un petit bassin encaissé paraissant complètement fermé. Gravir sur la droite des pentes assez raides au-delà du déversoir du Lac de la Croix. On ne tarde pas à arriver sur des terrasses rocheuses à l'W du Lac (2420 m). Des pentes d'éboulis faciles mènent de là au Col de la Croix (2533 m).
2h30 du Glandon, 1h30 à la descente.
2. Voles et Horaires d'ascension des Aiguilles proprement dites
A. Aiguille de Marcieu 2908 m
Face NW
Du Col de la Combe Madame (2645 m), redescendre quelques mètres le long de la base de l'Aiguille sur le Glacier de la Combe Madame. S'élever par un des couloirs faciles que l'on rencontre bientôt.
Presque à hauteur du grand clocheton, très visible sur l'arête W de l'Aiguille, passage de plaques.
On retrouve au-dessus un couloir assez incliné, très encombré de pierres instables. Le suivre jusqu'à son extrémité supérieure, où l'on débouche sur une sorte de palier dans l'arête W.
Au-dessus de ce palier, une paroi lisse et verticale de 10-15 m semble barrer l'accès du sommet. La contourner par le NW sur des corniches étroites. On arrive bientôt sur une crête facile menant en quelques minutes au sommet.
1h30 à 2h du Col de la Combe Madame, 1h à la descente, 4h30 à 5h du 2e chalet de la Combe Madame ou de Rieu Claret.
Face SE
Parvenu au sommet de la Casse de l'Argentière dans une sorte de cuvette, on prend un couloir se dirigeant franchement vers l'W et encombré de pierres. On arrive ainsi assez rapidement sur l'arête, à l'origine de la Crête du Pin.
Peu après, on rejoint le chemin de la face NW au pied de la paroi verticale.
1h du pied des rochers, 40min à la descente — 3h30 du Glandon, 2h30 en sens inverse.
B. Col Cadiat et Aiguille Michel 2917 m
L'Aiguille Michel n'a encore été gravie que par le SW depuis le Col Cadiat, dont l'échancrure en forme d'U se remarque de loin.
Du sommet de la Casse de l'Argentière, prendre un large couloir assez incliné, descendant du N entre les Aiguilles de Marcieu et Michel. On atteint ainsi l'étroite brèche du col (40 à 50min).
De là, s'élever sur la droite par des cheminées SW d'accès relativement aisé, permettant de rejoindre sur la face S des gradins faciles par où se termine l'ascension.
La montée depuis le col ne représente guère plus de 50 à 60 m de différence de niveau, et demande environ 20min.
1h du pied des rochers — 3h30 depuis le Glandon, 2h30 en sens inverse.
La descente du Col Cadiat sur le Glacier de l'Argentière s'effectue d'abord par un couloir rempli d'éboulis ou de neige.
On l'abandonne dans le bas pour emprunter sur la droite la paroi assez raide et lisse de l'Aiguille Michel.
Suivant la saison et l'état de la neige, l'abord du glacier peut offrir quelques difficultés
40 à 50min depuis le glacier, 25min à la descente.
C. Aiguille Baroz 2904 m
Prendre sur la face S le principal couloir entre les Aiguilles Michel et Baroz. Ce couloir, raide et étroit, présente des ressauts et des blocs coincés assez malaisés à franchir.
Vers le haut du couloir, monter par la face SW dans des rochers très abrupts. Une grande dalle mène au sommet étroit de l'Aiguille.
2 à 3h du pied des rochers, même temps à la descente — 5h environ du Glandon, 3h30 à 4h en sens inverse.
Il faut signaler ici un intéressant parcours d'arête qui pourrait se faire du Glacier de la Combe Madame jusqu'à l'Aiguille Baroz, en traversant les Aiguilles de Marcieu et Michel. Les deux descentes sur les Cols Cadiat et Michel-Baroz nécessitent des rappels de corde.
D. Aiguille et Col Dulong de Rosnay 2918 m et 2811 m
Versant S
Il faudrait commencer de ce côté par franchir le Col Dulong de Rosnay pour rejoindre la voie d'accès habituelle de la face NE.
Un long couloir très encaissé et relativement raide semble devoir mener sans trop de difficulté de la Casse de l'Argentière au Col Dulong de Rosnay (2811 m) (moins de 2h paraissent suffire). On débouche immédiatement à son sommet sur le Glacier Occidental de l'Argentière.
Aussi préfère-t-on généralement prendre l'ascension de ce côté en remontant le glacier.
Versant N
Aborder la face NE à quelques minutes au-dessous du Col Dulong de Rosnay. Suivant l'état du glacier, le 1er passage pour atteindre une étroite corniche horizontale peut offrir quelques difficultés.
Suivre quelques pas cette corniche dans la direction du col. On se trouve bientôt en présence de ressauts très raides sillonnés d'étroites fissures. Il faut gravir ces ressauts, en ayant soin d'éprouver la solidité douteuse du rocher, et en cherchant à rejoindre l'arête E. C'est la partie la plus délicate de l'ascension. Ensuite, suivre l'arête E, très inclinée et vertigineuse jusqu'au sommet.
1h30 à 2h du pied des rochers.
La descente peut s'effectuer par la même voie, ou, comme l'a fait Monsieur Dulong de Rosnay, en allant sur l'arête E jusqu'à un à-pic dominant le col. Descente difficile sur le col à l'aide de rappel de corde.
Cette escalade et celle de l'Aiguille Baroz peuvent être rangées parmi les plus difficiles du massif de l'Argentière.
E. Aiguille et Brèche de Saint-Phalle 2901 m
Versant S
Il faut rejoindre d'abord la Brèche de Saint-Phalle par un long couloir très incliné séparant les Aiguilles de Saint-Phalle et d'Olle. Ce couloir, qui a près de 300 m de haut, à son pied marqué, même à l'arrière-saison, par un petit névé d'avalanche. De nombreux produits d'érosion augmentent encore la fatigue de cette longue montée.
Versant N
L'ascension du Glacier occidental à la Brèche de Saint-Phalle se fait par un large couloir coupant la face N du Pic, et d'une inclinaison modérée. Il est plus facile et beaucoup moins long que celui de la face S.
Depuis la Brèche, l'ascension se poursuit par l'arête ENE, sauf pour quelques ressauts que l'on contourne par le N. Cette arête, étroite et vertigineuse, est formée d'assez bons rochers.
1h30 à 2h depuis le Glacier — 3h depuis la Casse de l'Argentière.
F. Aiguille d'Olle 2885 m
Cette ascension peut se faire depuis l'un ou l'autre des deux glaciers de l'Argentière. On aboutit des deux côtés sur l'arête près du point 2859 m, d'où part le contrefort N séparant les deux glaciers.
Du Glacier occidental, prendre au pied de l'Aiguille un couloir regardant sensiblement vers l'W. Ce couloir, souvent encombré de neige ou de glace, peut offrir quelques difficultés suivant la saison : il mène très près du point 2859 m.
Il est préférable, surtout si l'on vient du Glandon, de prendre l'ascension par le Glacier oriental, après avoir franchi le Col de la Combe (2649 m).
De ce col, remonter complètement le glacier vers l'W. À son extrémité supérieure, on a devant soi plusieurs couloirs également praticables. Le plus direct, regardant le NE, et souvent enneigé, mène rapidement au point 2859 m.
De ce point, suivre l'arête NE de l'Aiguille, sauf dans les derniers mètres, où l'on contourne par le SE un ressaut rocheux. On atteint en quelques minutes le sommet.
40min du Col de la Combe, 30min à la descente, même temps environ de l'autre côté à partir du pied des rochers.
G. Aiguille de la Combe 2752 m
Du Col de la Combe (2649 et 2652), suivre durant quelques mètres le pied de l'Aiguille sur le Glacier Oriental de l'Argentière. S'élever ensuite par les gradins faciles de la face W.
25min du Col de la Combe, 15min en sens inverse.
H. Aiguille Reynier 2721 m
Bien que la première ascension de ce sommet ait été faite par la paroi W, il semble préférable et sûrement plus rapide de gagner d'abord, depuis le Glacier Oriental, la Brèche de l'Aiguille Reynier, au S de cette pointe.
S'élever ensuite par la paroi S de l'Aiguille au-dessus de la Brèche. On arrive au sommet après quelques minutes d'amusante escalade.
30min du Col de la Combe.
I. Clocher du Piniollet 2714 m
Ce sommet, dont la forme attire particulièrement l'attention dans les Petites Aiguilles, ne semble guère accessible que par son arête E.
Gagner d'abord sur l'arête principale le Col du Piniollet coté 2552 m. On y accède sans difficulté par l'un des deux couloirs descendant dans les vallons de la Combe et de la Croix (1h30 env. du Col du Glandon, 1h à la descente). Du col, suivre la crête rocheuse étroite et hérissée de gros blocs de rochers. En contourner quelques-uns par le N. L'escalade du sommet se termine par la montée du couloir SE.
1h depuis le col 2552 m, 2h30 depuis le Glandon, 1h50 en sens inverse.
J. Têtes des Cos 2586 m et 2530 m
Ces derniers sommets, marqués par des pyramides, à l'extrémité E de la chaîne des Aiguilles, semblent pouvoir être facilement atteints par les couloirs remplis d'éboulis de leur face S.
1h30 à 2h depuis le Glandon.
V. Cartographie
Les différents travaux se rapportant à la cartographie des Aiguilles de l'Argentière sont les suivants :
1. Mappe du cadastre 1730
L'inscription « Rocher dit la Combaz » y est portée sur la position approximative des Grandes Aiguilles, et « Rocher dit Largentière » sur celle des Petites.
2. Carte de Beaurain 1741
Le Col de la Combe Madame y est désigné sous le nom de « Col de Bolian ».
3. Carte de Cassini 1800
L'ensemble du massif porte le nom de « Roc de la Combe ».
4. Carte de Chaix 1832
Elle n'indique que les Cols du Glandon et de la Croix.
5. Carte de Bartolomeis 1841
Il y est fait mention d'une Montagne Abismée (on sait que les anciens cartographes désignaient ainsi le Massif des Sept Laux) ou Roc de Billian.
6. Carte Sarde 1852
C'est la première carte sur laquelle les crêtes soient figurées et désignées sous le nom de « Rochers de l'Argentière ». On y trouve aussi un Glacier de Badeau ou de Madame, un Glacier de la Croix. Le Col du Glandon et le Golet de la Croix y sont nommés.
7. Carte de Dijoud 1858
C'est une copie plus ou moins fidèle de la carte sarde. Elle indique aussi le Col du Glandon et le Golet de la Croix, le Glacier de Madame, le Ruisseau de Billian et un sommet sur la rive droite de la Combe de Billian.
8. Carte d'État Major au 1:80 000
Cette carte, si remarquable dans son ensemble pour l'époque où elle parut, semble encore moins précise que la carte sarde dans le détail du massif qui nous occupe. La crête principale, entre les Cols de la Croix et de la Combe Madame, y est figurée d'une façon complètement fausse : 36 hectares de trop sont attribués au versant du Bréda.
Le Glacier de la Combe Madame, qui seul y figure, a beaucoup trop d'importance et une forme inexacte. Enfin, à la place de la Casse de l'Argentière, on y trouve une crête rocheuse inexistante. Ces erreurs, déjà signalées par Paul Helbronner dans l'Annuaire du Club Alpin Français pour 1903, rendent cette carte à peu près inutilisable pour notre massif. L'échelle du 1:80000 était d'ailleurs insuffisante.
9. Triangulation géodésique des Massifs d'Allevard et des Sept Laux, par Paul Helbronner 1903
Il ne pouvait être question de rectifier la carte d'État-Major : trop de points, d'ailleurs, y étaient à reprendre dans toute la chaîne d'Allevard et des Sept Laux. Mais pour pouvoir dresser une nouvelle carte répondant mieux aux besoins des alpinistes, il fallait des bases sûres, des points trigonométriques sur lesquels le topographe pût s'appuyer.
Ce fut Paul Helbronner qui, le premier, dans sa campagne géodésique de 1903, établit un canevas de points trigonométriques assez dense pour permettre l'exécution de cartes alpines à grande échelle.
Il détermina en particulier dans notre massif les positions des principales aiguilles et leurs véritables altitudes, rectifiant aussi la crête principale au S du Col de la Croix (1).
10. Carte au 1:20000 des Aiguilles de l' Argentière, par Régis Du Verger
Cette carte, ci-jointe, établie en faisant une large utilisation des perspectives photographiques d'après les principes exposés par Messieurs Vallot dans leur ouvrage Application de la photographie aux levées topographiques en haute montagne, repose sur les bases suivantes (2) :
- 18 points trigonométriques déterminés par Monsieur Helbronner dans sa triangulation des Massifs d'Allevard et des Sept Laux.
- Un canevas formé de 20 stations photographiques réparties sur le pourtour et à l'intérieur du massif. Ces stations ont été déterminées par relèvement à la règle à éclimètre sur les signaux Helbronner.
- 12 autres stations complémentaires à la règle à éclimètre servant principalement de points de rattachement pour le levé des talwegs importants.
- Des levés directs exécutés sur le terrain avec un carnet décliné, un clisimètre et un baromètre.
Les tours d'horizon photographiques, pris de chacune des 20 stations, comprennent au total 110 clichés 6 1/2x9, dont une cinquantaine agrandis en 13 X 18, ont donné par la restitution plus de 350 points de détail sur lesquels s'appuient en général le tracé des arêtes et le dessin des courbes horizontales. On pourra juger du degré de précision des opérations d'après les remarques suivantes : les stations du canevas sont déterminées par six ou sept visées au moins à la règle à éclimètre. Les écarts maxima entre les altitudes obtenues pour un même point varient de 2 à 4 m, c'est-à-dire que les altitudes sont exactes à 1 ou 2 m près.
Les points de restitution sont généralement déterminés par l'intersection de trois directions ou plus. Les écarts entre les altitudes obtenues par un même point varient suivant le degré de visibilité de ce point, mais en aucun cas l'écart ne dépasse 10 m, c'est-à-dire que l'altitude des points de détail est toujours fixée à moins de 5 m près.
Il faut ajouter que, grâce à ce procédé, la rédaction de la carte proprement dite, représentant environ une surface de 12 km2, a pu se faire entièrement dans le bureau, d'après les documents recueillis sur le terrain en dix-sept à dix-huit journées effectivement employées.
La proximité du chalet-hôtel du Glandon a grandement facilité ce dernier travail.
Notes
- L'auteur de la carte est heureux de pouvoir adresser ici tous ses remerciements à Henri Vallot, qui a toujours été pour lui un guide bienveillant et sûr, et dont la grande expérience, si généreusement offerte, lui a seule permis d'accomplir la tâche entreprise.
- Annuaire du Club Alpin Français, pour 1903.
VI. Bibliographie
- Annuaire du CAF 1886 - p. 693-696 - Victor Cadiat
- Annuaire du CAF 1889 - p. 69-77 - Victor Cadiat
- Annuaire de la STD 1889 - p. 51, 107-112 - De Marcieu
- Joanne - Alpes Dauphinoises - 1890 - p. 210-211, 217
- Bulletin du CAF 1892 - p. 326, 331 - Dulong de Rosnay
- Annuaire du CAF 1892 - p. 73-85 - Dulong de Rosnay
- Annuaire de la STD 1892 - p. 102 - Dulong de Rosnay
- Annuaire du CAF 1893 - p. 36-46, 54-58 - Dulong de Rosnay
- Annuaire de la STD 1893 - p. 63-64 - Dulong de Rosnay
- Bulletin du CAF 1893 - p. 248 - Dulong de Rosnay
- Bulletin du CAF 1894 - p. 66 - Dulong de Rosnay
- Annuaire de la STD 1894 - p. 98 - G. Kuss
- Revue Alpine - 1895 - p. 290 - Reynier et Verne
- Annuaire de la STD 1895 - p. 70 - Reynier et Verne
- Guide Ball, The Western Alps - 1898 - p. 134
- Revue Alpine - 1901 - p. 306 - Maurice Paillon
- Annuaire de la STD 1902 - p. 181-182 - Reynier
- Annuaire du CAF 1903 - p. 484-492 - Paul Helbronner
- Bulletin du CAF 1904 - p. 264 - Paul Helbronner
- Annuaire de la STD 1906 - p. 144-146 - Henri Ferrand
- La Montagne - 1907 - p. 328 - Maurice Paillon
- La Montagne - 1907 - p. 571 - Émile Gaillard
- Revue Alpine - 1908 - p. 356 - Jean Capdepon
- Revue Alpine - 1909 - p. 226-228 - Jean Capdepon
Émile Gaillard et Régis Du Verger.
VII. Illustrations
Les différentes illustrations relatives aux Aiguilles de l'Argentière ont été faites d'après photographies de Régis Du Verger.
Elles proviennent de clichés 6 1/2 × 9 dont la restitution a servi à l'établissement de la carte ci-jointe. Ces clichés ont été obtenus avec un block-notes de la maison Gaumont à double décentrement, objectif Protar-Zeiss demi grand-angle ne travaillant pas au-dessus de f/18.
Diaphragme employé : f/45.
Verre jaune : 20 f. la pause.
Les plaques employées ont été les plaques Lumière ortho et ortho antihalo.
Aiguilles de l'Argentière et bassin supérieur de la Combe Madame
- Fin juillet 1909
- Photographie prise au-dessus de l'abri de Marmotane, sur les dernières pentes du Rocher d'Arguille.
Aiguilles de l'Argentière - Face S, Col du Glandon et vallée supérieure de l'Eau d'Olle
- Fin juillet 1909
- Ce panorama, où l'on reconnaît au-dessous des Grandes Aiguilles la crête et le vallon du Pin, a été pris d'une station située sur un chaînon issu du Pic de l'Agnelin, se dirigeant vers l'E.
Aiguilles de l'Argentière - Face N
- Fin septembre 1908
- Photographie prise près de la Cime W de la Sambuis.
Aiguilles de l'Argentière - Face E
- Fin septembre 1908
- Photographie prise entre le Col du Glandon et l'Ouillon.
Aiguilles de l'Argentière - Face S
- Fin septembre 1908
- Photographie prise au-dessous de la Croix de Plchoux, rive gauche de l'Eau d'Olle.
Grandes Aiguilles Occidentales de l'Argentière et Glacier de la Combe Madame
- Fin septembre 1909
- Cette photographie, qui montre toute la face NW de l'Aiguille de Marcieu, au-dessus du Col et du Glacier de la Combe Madame ainsi que la Brèche de l'Argentière, a été prise depuis un contrefort du Rocher Badon.
Aiguilles de l'Argentière vues du Rocher Blanc des Sept-Laux
- 4 Octobre 1908
- On aperçoit au-dessus des Aiguilles les glaciers de la Vanoise (Grande Casse, Chasseforêt, etc.).
Carte topographique des Aiguilles de l'Argentière au 1:20000
- En 4 couleurs, par Régis du Verger