Des phénomènes semble-t-il en recrudescence
Ces dernières années, de grands écroulements rocheux ont affecté de nombreux massifs montagneux de haute altitude à travers le monde. Les Alpes ne sont pas épargnées. Les conséquences de ces phénomènes vont de la modification paysagère aux risques dits « naturels » en passant par des problématiques de maintenance des infrastructures implantées en haute montagne (refuges, remontées mécaniques). Il s’agit de phénomènes de faible fréquence (généralement quelques événements par massif de haute altitude et par an) mais de forte intensité.
En septembre 2002, dans le Caucase russe, un écroulement rocheux de 5 millions de m3 a raboté une gigantesque quantité de glace au niveau du glacier sous-jacent, engendrant une énorme « avalanche » qui a dévalé près de 19 km avant de se transformer, en partie, en une coulée de boue qui a encore parcouru une quinzaine de kilomètres, faisant 140 morts et des dégâts considérables.
Plus proche de nous, sur le versant italien du massif du Mont-Blanc, un volume rocheux de 2 millions de m3 s’est abîmé sur le glacier de la Brenva en janvier 1997. Comme pour de nombreux écroulements, cela aurait pu s’arrêter là, mais non, le phénomène a également déclenché une avalanche (de neige et de roche, cette fois) de grande dimension, dévalant le versant sur plus de 2300 m de dénivelé, et dont le souffle est remonté sur le versant opposé sur plusieurs centaines de mètres. L’avalanche a tué 2 skieurs.
Un champ de recherche nouveau
Aujourd’hui, de nombreux indices semblent corroborer une hypothèse développée à la fin des années 1990 selon laquelle le réchauffement climatique actuel serait l’un des facteurs responsables du déclenchement d’écroulements. Au-dessus de 2500-2800 m d’altitude, la température des versants rocheux alpins est généralement négative pendant au moins deux ans (secteurs à permafrost) et les fractures du rocher peuvent dès lors contenir de la glace. Celle-ci agit à la manière d’un ciment qui maintient l’unité et donc la stabilité des parois rocheuses. En dégradant ces joints de glace, le réchauffement climatique pourrait ainsi être en partie responsable du déclenchement des écroulements rocheux en haute montagne. Les autres facteurs d’instabilité tels que de fortes précipitations ou des séismes ne doivent pas être négligés pour autant, tout comme les caractéristiques des versants (topographie, géologie). Dans tous les cas, l’hypothèse de la dégradation du permafrost semble s’imposer. Ainsi, durant l'été caniculaire de 2003, beaucoup de déstabilisations rocheuses affectant des versants à permafrost ont été déclenchés sans la moindre goutte de pluie ni séismes et ont fait apparaître de la glace dans les zones de rupture, ce qui tend à renforcer l’hypothèse des chercheurs.
Des observations nécessaires
Bien que nos connaissances sur les écroulements évoluent, avec pour toile de fond une augmentation des températures de l’air de plus de 1°C dans les Alpes pendant le XXème siècle et une accélération de ce réchauffement depuis deux décennies, la fréquence et l'intensité des écroulements en haute montagne restent mal connues. Il est donc nécessaire de construire une base de données conséquente sur les écroulements passés et actuels. Cette base est indispensable pour une meilleure compréhension des paramètres qui entrent en jeu dans les déclenchements (date, localisation, exposition, géologie, conditions météo, volume...).
Aussi, si vous observez un éboulement/écroulement dans le massif du Mont-Blanc, merci de nous le signaler ! D’autre part, vos souvenirs concernant d’anciens éboulements/écroulements nous intéressent également : ils nous permettront de mieux comprendre l’évolution de ces phénomènes. Merci pour votre participation !
De nombreuses informations sur nos travaux de recherche et une fiche de signalement est disponible sur :
http://edytem.univ-savoie.fr/eboulements.
Conclusion
A terme, ce type de recherche, en croisant l’ensemble de ces données, apportera de nouvelles connaissances sur les conditions de déclenchement des écroulements (où, quand, comment ?) et devra permettre aux alpinistes comme aux pouvoirs publics une meilleure prise en compte de ces phénomènes.
Cet article a été rédigé par :
Ludovic Ravanel
Géomorphologue
Laboratoire EDYTEM
Cet article est en lien avec le sujet suivant :
http://www.camptocamp.org/forums/viewtopic.php?id=130719