Délires magnétiques
"Tiens, t'es là ?... Tu viens avec nous ?"
J'étais partie seule à ski de rando pour la Cîme de la Jasse en ce jour de temps maussade, et un groupe de copains avait eu la même idée de balade.
Nous sommes donc montés ensemble, mais ils allaient vraiment vite, j'avais beaucoup de mal à les suivre...
Petit à petit la brume est devenue brouillard et on n'y voyait plus guère. Le habert d'Aiguebelle fut dépassé à bonne allure et je dépensais pas mal d'énergie pour suivre ce train d'enfer et ne pas me faire trop larguer.
A un moment, j'ai réalisé qu'on allait beaucoup trop sur la droite :
"Hé ho, les gars, on va trop à droite, par-là, c'est le Col de l'Aigleton !"
Le résultat ne s'est pas fait attendre : virage rageur à 180 degrés du traceur de tête et passage à la vitesse supérieure. Il m'a bien semblé qu'on allait ensuite trop sur la gauche, mais je n'osais plus rien dire, et ça allait trop vite pour que je puisse vérifier avec mes instruments de bord.
Au bout d'une traversée qui m'a semblée interminable, le 1er s'est arrêté, a sorti sa carte, les autres l'on rejoint, il y a eu conciliabule, et au moment où je suis enfin arrivée à leur niveau... zou ! C'est reparti pour une traversée à fond les manettes.
Ils ont fini par s'arrêter, je les ai rejoints et j'ai senti comme des points d'interrogation qui flottaient dans l'air.
Quelqu'un a dit : "A votre avis, où est le Nord ?", et avec un bel ensemble, on a tous pointé l'index droit devant, puis on a consulté les boussoles : Elles indiquaient la direction opposée !
Alors on s'est tous mis à cogiter très fort :
"ça doit être les arvas qui font dévier les aiguilles des boussoles"
On a tous mis les boussoles à bout de bras loin sur le côté en se tordant le cou pour constater que ça n'améliorait rien du tout, le Nord restant obstinément dans notre dos !
L'un de nous a suggéré : "il faudrait arrêter les arvas pour être sûr"... Cris d'horreur du groupe ! Non, on n'arrête pas les arvas ! Ouf ! On avait des notions de sécurité, quand même !
On a ensuite pensé que peut-être le minerai de fer contenu dans les roches... Finalement, on a bien été obligés d'accepter que les boussoles avaient sans doute raison, et qu'on avait réalisé une belle traversée balayant tout le vallon en arc de cercle !
Après pas mal de tâtonnements, tangentes à la courbe, erreurs systématiques, on a fini par se retrouver au habert d'Aiguebelle, mais complètement de l'autre côté cette fois-ci, et là on s'est sentis très bons en orientation car c'est ce qu'on avait fini par comprendre !
En fait c'était très bien, car il s'était mis à neiger très fort, et c'était bien plus confortable de pique-niquer à l'abri plutôt qu'au sommet.
Il fut décrété à l'unanimité (moins une voix d'abstention) que c'était de ma faute, que ma remarque sur le Col de l'Aigleton avait perturbé le conducteur du groupe.
Bon, j'dirai plus rien...
L'orientation à la Jasse par temps de brouillard est un cas d'école traité dans le livre "Les Sports de Neige" édité par le Caf.
Texte publié sur le forum skirando en décembre 2002