Elizabeth Hawkins-Whitshed : Les hautes Alpes en hiver ou, L'alpinisme à la recherche de la santé, 1883

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Catégories : récits
Type d'article : collaboratif (CC by-sa)

Les hautes Alpes en hiver, ou, L'alpinisme à la recherche de la santé, 1883:

Préface:

En été 1881, je suis venu à Chamonix pour la première fois. J'y suis arrivé en mauvaise santé. Quant à l'alpinisme, je n'en savais rien et je m'en souciais encore moins. Cependant, après une quinzaine de jours passés au bon air de la montagne, je fus, un jour, incité par des amis à les accompagner à Pierrepointue. Le temps était beau, le glacier au-dessus avait l'air invitant. Mlle H et moi avons continué jusqu'aux Grands Mulets. L'excursion ne me fatigua pas, et une semaine plus tard j'y retournai pour faire l'ascension du Mont Blanc. Le mauvais temps m'a empêché d'atteindre le sommet et j'ai quitté Chamonix peu après.
Le 12 juin 1882, j'étais de nouveau installé dans mes anciens quartiers à l'hôtel d'Angleterre. Pas avec l'intention de faire de l'alpinisme, cependant. Mais très vite, le désir de " monter quelque chose " devint trop fort pour que je puisse y résister. Pourtant, je n'ai rien fait de notable. Pendant cette saison, mes seules ascensions furent le Mont Blanc (par un jour sans nuage), et les Aiguilles du Belvédère et du Tacul, jusqu'à ce qu'une bagatelle change toutes mes idées. Un ami avait traversé le Mont Blanc du côté italien, par les Aiguilles Grises, et, à ma question de savoir comment il avait apprécié l'ascension, il répondit : " C'était d'un ennui ! Je ne le referais pas pour sauver ma vie ! "Cette réponse n'était certainement pas encourageante. Néanmoins, elle a eu pour effet de m'inciter à suivre son exemple. Deux jours plus tard, j'ai franchi le col du Géant pour rejoindre Courmayeur, puis je suis revenu à Chamonix par le Mont Blanc. Malgré les rochers glacés, les pas interminables à couper sur les pentes, et une seconde caravane qui traînait en longueur et dont la patience était mise à rude épreuve, car nous ne pouvions avancer seuls sans déloger des pierres sur leurs têtes, je m'amusais énormément. Mais c'était à cause de l'incompétence des guides. Le monsieur qu'ils accompagnaient grimpait admirablement. Nous n'osions pas nous tenir loin devant, le danger de déloger des pierres qui pouvaient tomber sur ceux d'en bas était trop grand.
Une semaine plus tard, j'ai fait l'ascension des Grandes Jorasses. J'ai placé le récit de cette excursion dans le chapitre d'ouverture. Toutes les autres excursions mentionnées ont eu lieu pendant l'hiver 1882-83. À la fin du mois d'octobre, j'ai encore passé quinze jours à Chamonix, mais je suis parti le 1er novembre, après le Col et l'Aiguille du Tour, pour Montreux, dégoûté par le mauvais temps persistant. Six semaines d'humidité au bord du lac Léman, c'était trop pour moi. Malgré les avertissements bienveillants contre dix pieds de neige, la famine, l'isolement, la grisaille et bien d'autres maux, je suis rentré à Chamonix le 18 décembre et je ne l'ai pas regretté. Deux jours plus tard, j'ai commencé mes ascensions hivernales.
Si ceux qui suivront mes pas considèrent que les choses sont dans certains cas exagérées, dans d'autres trop peu mises en valeur, qu'ils se souviennent que tous les hivers ne sont pas semblables. En 1882-83, il est tombé beaucoup de neige, facilitant parfois, mais rendant souvent plus difficiles les ascensions entreprises. Comme j'ai trouvé les montagnes, je les présente à mes lecteurs. J'ai toujours eu pour habitude d'employer les meilleurs guides, et de nombreux obstacles ont été, sans aucun doute, surmontés grâce à l'habileté des hommes qui m'accompagnaient. Si l'alpinisme en hiver devient populaire, comme il le mérite, de nombreux inconvénients que j'ai rencontrés seront évités. Les chalets et les auberges de montagne seront habités, les routes maintenues en bon état, et les diligences circuleront entre le quartier général et les grandes villes ; les guides, eux aussi, seront plus habitués à parcourir ces régions en hiver, et à donner des renseignements sur les ascensions à cette saison.

J'ajouterai seulement : " Essayez l'alpinisme en hiver,
et vous ne serez pas déçu".

Hôtel du Mont-Blanc, Chamonix,
Mars 1883.

I/ ASCENSION DES GRANDES JORASSES ET VINGT-QUATRE HEURES DANS LA NEIGE

Un couloir dangereux - Absence d'ustensiles de cuisine - Une vue magnifique - Une descente précipitée -
L'aveuglement - La fin de notre bougie - Une nuit de lassitude - La cabane enfin - M. Whymper a échappé à une avalanche...

Les Grandes Jorasses sont sans doute bien connues de mes lecteurs qui ont visité Montanvert. Depuis la Mer de Glace, elles ressemblent à une immense pyramide dont les parois perpendiculaires ferment le regard vers l'Italie, jusqu'au glacier à ses pieds. De ce côté-là, elles semblent tout à fait inattaquables. Et en vérité elles le sont, car si le touriste veut atteindre son haut sommet, c'est de Courmayeur qu'il doit faire l'ascension.

Dans ce joli village le temps était beau, ce qui est étonnant, car l'été avait été jusque-là si misérablement humide. Je revenais d'une visite à l'hospice du Grand Saint-Bernard, et j'avais très envie de faire l'ascension des Grandes Jorasses avant que le temps ne change. Je regrettais de ne pas avoir eu le temps de télégraphier à Chamonix à mon guide, Édouard Cupelin. Cependant, j'ai engagé Proment de Courmayeur et deux porteurs, et leur ai dit d'être prêts à partir à huit heures le lendemain matin.

Comme nous partions, une autre caravane sortit de la ville. Ils étaient, semble-t-il sur une course très différente de la nôtre. Leur but était de prendre le petit déjeuner dans les bois de pins, quelques kilomètres plus loin dans la vallée. Plusieurs dames aux vêtements somptueux faisaient partie du groupe, et un porteur marchait devant avec un énorme panier de provisions en équilibre sur le haut de son sac à dos, un lourd panier dans chaque main. Il regardait avec envie mes compagnons, qui se dirigeaient vers les régions supérieures fraîches et enneigées, et qui le taquinaient sur son agréable occupation. Notre chemin montait à travers des bois sombres et passait devant des parterres de fraises sauvages. Les fruits avaient l'air délicieusement frais, et nous en avons cueilli une quantité pour notre dîner. Les baies étaient plus grosses que toutes celles que j'avais vues auparavant, poussant à l'état sauvage. Cette végétation luxuriante nous a rappelé avec force la différence de température sur le côté italien de la chaîne. Car Courmayeur, bien que 500 pieds plus haut que Chamonix, est beaucoup plus chaud ; et je me souviens bien, en traversant le Col du Géant, de la désagréable sensation de descendre dans la vallée de l'autre côté ! On aurait dit l'atmosphère d'un bain turc.

Une fois au-dessus des bois, il fallait gravir un morceau de moraine, puis un petit couloir des plus désagréables. Il s'est formé là où le bord du glacier s'accroche à une grande plaque de roche inclinée. Des pierres tombent continuellement de la glace en surplomb. Cet endroit ne peut être évité par tout le groupe, mais lorsqu'un guide est monté, il peut lâcher la corde au-dessus de la paroi de la falaise et les autres peuvent se hisser à l'aide de celle-ci. Une pierre est tombée juste avant mon passage, et une autre immédiatement après. En observant cet événement, je résolus, en descendant, de faire descendre les guides le long de la paroi rocheuse, afin d'éviter cet endroit.

La cabane fut atteinte quelques minutes plus tard - un petit endroit confortable, neuf et propre. Il y avait aussi du foin, ce qui était un luxe après la dureté des planches de la cabane des Aiguilles Grises. Une corde fixe serait utile à cet endroit, et quelques encoches dans les rochers pour les pieds. Un inconvénient, cependant, a été rapidement découvert. Tous les ustensiles de cuisine avaient été volés ! Nous avions beaucoup de thé, de café et de soupe en gelée avec nous, mais comment allions-nous les chauffer ? C'était un casse-tête. Nous n'avions pas apporté de lampe à alcool, et une petite tasse et trois cuillères étaient tout ce qui restait dans la cabane. Finalement, une idée géniale vint à l'esprit d'un des guides. Nous avions deux gourdes à vin avec nous. Une seule suffirait pour le lendemain. Ils pourraient découper le côté de l'autre et faire la cuisine dedans. Le plan réussit admirablement, et le souper mijota bientôt sur le feu.

Le lendemain matin, à deux heures le temps était plutôt incertain. Mais à 3h30, le brouillard qui planait s'est dissipé et nous avons pu nous mettre en route. L'un des guides portait un morceau de bougie, suffisant pour une heure ou deux. Notez bien ce fait, car il y a là une histoire à raconter ! Au début, la neige était dure, mais elle se transforma rapidement en glace ; et, avant même d'atteindre les premiers rochers, nos haches avaient déjà commencé leur travail. Les rochers inférieurs terminés, il fallait franchir une pente abrupte - si abrupte que des trous pour les mains ainsi que des marches étaient nécessaires. La progression était plutôt lente. Je n'étais pas habitué à mes guides, et ils n'étaient pas habitués à moi. Souvent, ils ne savaient pas où j'avais besoin d'un coup de main et où je pouvais me déplacer seule. Nous avons gravi d'autres rochers, puis une autre longue pente abrupte de glace, et ce n'est qu'à 11 heures du matin que nous avons enfin atteint le sommet. La brume était apparue peu après notre départ de la cabane. Cependant, elle s'est levée pour un moment, et en avançant jusqu'au bord de la corniche, j'ai eu une bonne vue. En contrebas, on apercevait les gracieux méandres de la Mer de Glace et, sa rive gauche, l'hôtel de Montanvert se distinguait nettement. Sur la mer de glace, les lignes sombres produites par l'irrégularité de sa progression étaient très bien marquées, et m'ont fait penser à l'amusante description que Mark Twain a faite de son voyage sur le glacier du Gorner, lorsqu'il s'est placé au milieu pour descendre en "express" jusqu'à Zermatt, et les bagages à côté, en "petite vitesse". Mais revenons à la vue. À droite, la forme majestueuse de l'Aiguille Verte attire immédiatement le regard ; elle semble presque au même niveau que notre point de vue et surplombe tout le reste à cette extrémité de la chaîne. Tandis qu'à gauche, le grand dôme blanc scintillait dans un rayon de soleil perdu au-dessus d'un océan de nuages cotonneux.

Le rideau brumeux s'est de nouveau baissé, et nous avons commencé à descendre en toute hâte, car il était très important d'atteindre la cabane avant la nuit. Pas une seule fois nous ne nous sommes arrêtés et pourtant, au moment où nous descendions les derniers rochers, la nuit nous a rattrapés. Il nous restait notre bout de bougie, mais quel petit bout de bougie pour faire l'heure et demie qui nous restait. Nous perdîmes cependant un peu de temps, car les guides essayèrent un raccourci, ce qui impliqua beaucoup de coupes et plusieurs " mauvais pas ", que je ne voudrais pas franchir à nouveau. La bougie ne devait pas durer le temps qui devait s'écouler avant que nous puissions espérer atteindre la cabane ! Nous l'économisâmes tant que nous pûmes. Au début, nous avions nos pas dans la glace pour nous guider, et nous pouvions les sentir avec nos pieds. Puis vint la neige dure, les crevasses abondaient, et nous dûmes allumer notre précieuse bougie. Pendant une demi-heure, nous descendîmes à sa lumière, marchant aussi vite que possible ; mais les nombreux "shrunds" nous firent perdre beaucoup de temps, et trop tôt notre lumière commença à vaciller. Tendrement, nous l'avons placé sur la tête d'un piolet, en prenant soin de rassembler toutes les gouttes de graisse autour de sa mèche. Nous avons continué à avancer. Le glacier ne finirait-il jamais ? Nous venions de traverser une grande crevasse, mon tour était venu de ramper sur le pont de neige fracturé quand notre bougie s'est éteinte, et, une fois de plus, l'obscurité nous a envahis ! Nous avons erré pendant un certain temps encore (pendant lequel j'ai mentalement enregistré le vœu que rien ne me pousse à faire une autre une autre ascension sans Cupelin). Puis mes craintes ont eu raison de moi.
J'ai refusé d'avancer d'un seul pas ! Le porteur derrière moi marmonnait : " Mieux vaut passer la nuit ici que de se casser le cou dans une crevasse ! "

Les autres ont dit qu'il serait certainement plus sage de rester où nous étions.

-- Si madame n'est pas gelée ? "

-- Certainement pas, répondis-je.

La nuit était chaude. Le brouillard empêchait le vent de souffler. Nous avons commencé à organiser notre bivouac improvisé. D'abord, un trou profond a été creusé dans la neige. On y a placé un sac à dos pour que je m'y assoie. J'ai enlevé mes bottes, enroulé un mouchoir de soie autour de mes pieds et les ai mis dans un autre sac. Notre stock de provisions a ensuite été examiné. Tout le vin était épuisé, mais il restait encore une demi-flasque de brandy, de la viande et des biscuits. Nous n'étions donc pas si mal lotis. Quant aux vêtements, j'avais un chaud châle indien rouge. Au bout d'une demi-heure, Proment s'impatienta. Il voulait prendre un des porteurs, essayer de trouver la cabane, et revenir vers nous avec des bougies.
Je l'ai supplié de ne rien faire d'inconsidéré. Il a répondu:

-- Nous deux, nous sommes solides, il n'y a pas de danger pour nous !

Il était alors 10 heures du soir. Ils se mirent en route avec toute la longueur de la corde entre eux. Après vingt minutes, ils reviennent ; il est impossible d'avancer à cet endroit. Ils essayèrent alors l'autre côté, et bientôt ils appelèrent le porteur, qui était avec moi, à venir les aider. Ils descendaient une pente raide, au fond de laquelle se trouvait une crevasse. Il posa son piolet en haut, enroula la corde autour, les fit descendre, puis revint vers moi.

Quel moment ennuyeux nous avons eu là-haut. D'abord, nous avons discuté pendant une demi-heure environ du bon dîner que nous aurions en arrivant à Courmayeur. Puis nous avons essayé de faire en sorte que les autres nous entendre pour découvrir comment ils se procuraient de l'huile.

-- Pas trop bien ! ils ont dit en réponse.
-- Il ne sert à rien de s'inquiéter pour eux, a dit mon porteur. Ils arriveront bien à temps. Si madame voulait bien souper ?

L'idée était bonne ; on sortit les plats, et on leur rendit amplement justice. Le souper terminé, j'ai essayé de dormir un peu. Le porteur, lui aussi, s'arrangea aussi confortablement que les circonstances le permettaient, la tête sur la calebasse à vin, et les bottes que j'avais enlevées, sous lui. Il semblait très étrange, chaque fois que j'ouvrais les yeux, de voir cette étendue de neige sauvage autour de moi, et de penser, "Nous devons rester ici jusqu'à ce que quelqu'un vienne nous chercher."

Finalement, je me suis endormi. En me réveillant, il m'est apparu que j'avais dormi pendant plusieurs heures. J'ai décidé de rester éveillé au cas où les autres appelleraient, car il était important que nous soyons prêts à répondre. Alors que je réfléchissais à la question, un cri se fit entendre. l'esprit, un cri se fit entendre. Je me suis levé d'un bond, faisant tomber le flacon sur mon genou et sur le nez du porteur, qui a crié, pensant que c'était une avalanche. En dessous brillait une lumière. Elle avançait régulièrement, et à 3 heures du matin, nos compagnons sont arrivés, bien pourvus de bougies. Nous sommes descendus immédiatement à la cabane, et nous y sommes arrivés à 4h30.

Comme elle semblait confortable après notre logement primitif dans la neige ! Je me suis jeté sur une botte de foin, et j'ai dormi profondément pendant deux heures. Puis nous partîmes pour Courmayeur. En arrivant au sommet du petit couloir, j'annonçai mon intention de me laisser descendre le long de la paroi du rocher,

-- Mais, madame, il n'y a pas de danger ! m'ont dit les guides.

-- Danger ou pas, je refuse de passer ce couloir, répondis-je.

Voyant que j'étais déterminé, Proment s'apprêta à me faire descendre et s'assit au sommet, s'appuyant pour ses pieds sur un morceau de rocher. La corde a ensuite été déroulée. Je me suis attaché à l'extrémité de la corde et il a commencé à me lancer par-dessus le bord. Le moment qui a suivi n'était pas des plus heureux. Je savais que la corde était solide, mais ma position n'était pas agréable. C'est soulagé que j'ai senti mes pieds arriver à nouveau sur le sol. J'ai défait la corde, Proment l'a ramassée et a couru dans le couloir pour me rejoindre. Deux secondes après qu'il l'ait passé, une masse de pierres gigantesques est tombée de la glace au-dessus.

-- Ah ! quelle chance ! s'exclame-t-il.

-- Mais, vous savez, il n'y a pas de danger ! fut ma réponse.

Nous avons continué notre route vers Courmayeur. Le temps était parfaitement tropical, et nous avons fait une longue halte dans une pinède, où nous avons dévoré plusieurs livres de fraises. J'ai constaté qu'une grande inquiétude s'était emparée de la ville à la suite de notre absence prolongée, et plus particulièrement de celle de ses enfants, d'autant plus qu'aucune lumière n'avait été aperçue dans la cabane la deuxième nuit.

Je recommande vivement l'ascension des Grandes Jorasses à tous les alpinistes de niveau acceptable. Les rochers sont charmants, solides, et donnent de bonnes prises de pied et de main. Les pentes de glace sont raides, comme je l'ai déjà dit, et seraient très risquées après une neige fraîche. Ceux qui ont lu " Ascent of the Matterhorn " de M. Whymper se souviendront du petit incident qui lui est arrivé lors de la première ascension des Grandes Jorasses:

" Les pentes étaient raides et couvertes de neige fraîche, semblable à de la farine et à du sable. Dans la montée, nous l'avions méprisée, et nous avions fait avec beaucoup de précautions, sachant bien que la perturbation de sa base ferait s'écrouler tout ce qui se trouve au-dessus. En descendant, les esprits les plus audacieux conseillaient de s'en remettre à la chance et à une glissade. les prudents préconisaient d'éviter les pentes, et de traverser jusqu'aux rochers situés de l'autre côté.
Ce dernier avis l'emporta, et nous avions à moitié traversé la neige pour gagner la crête, lorsque la croûte glissa et nous suivîmes. * Halte ! a éclaté des quatre, à l'unanimité. Les pointes de hache ont volé en rond alors que nous nous lancions dans cette glissière involontaire. C'était inutile, ils ont glissé sur la glace sous-jacente, sans résultat. ' Halte ! ' tonna Croz, tandis qu'en enfonçant à nouveau son arme avec une énergie surhumaine. On ne put s'arrêter, et nous glissâmes lentement, mais d'un mouvement accéléré, soulevant des des vagues de neige devant nous, qui sifflent tout autour. Heureusement, la pente s'est adoucie à un endroit, les hommes de tête sont intelligemment sortis de la neige en mouvement, les autres ont suivi, et la jeune avalanche que nous avions déclenchée, qui continuait à couler, est tombée dans une crevasse béante et nous montra où notre tombe aurait été si nous étions restés cinq secondes de plus en sa compagnie.
"

CHAPITRE II. PREMIER PASSAGE DU "COL DU TACUL".

Brouillard à Genève - Temps magnifique à Chamonix - Décider pour le col du Tacul- Mes raisons - Beauté du Montanvert en hiver - Le couloir enfin - Un dur morceau d'escalade - Retour à Chamonix - Départ pour le Mont-Blanc - Doutes sur le temps - État des Grands Mulets - Départ pour la cime - Gymnastique involontaire - Obligé de rebrousser chemin - Un saut formidable- Descente de Pierrepointue.

Le 18 décembre 1882, je suis arrivé à Chamonix pour l'hiver. Rien ne pouvait surpasser l'aspect lugubre de Genève lorsque nous l'avons quittée ce matin-là. Elle avait été enveloppée du plus épais et du plus humide des brouillards pendant la semaine que j'y ai passée, et le froid était intense.
Cependant, au Châtelard, où j'ai changé la voiture pour un traîneau, les choses ont commencé à s'éclaircir. Un clair de lune inondait la vallée de Chamonix pendant que nous la remontions, et la clarté de l'air était un contraste délicieux avec l'influence déprimante de l'endroit que nous avions quitté. À 8h30, nous sommes arrivés au village. Mon guide nous attendait pour nous recevoir, et examinait le baromètre avec une satisfaction évidente.

" Un temps superbe, madame ! "
" Je crois qu'il faut en profiter le plus vite possible n*est-ce pas, Cupelin
" Madame, c'était mon idée."
" Bien, OK demain ! "

Le lendemain se leva, lumineux et sans nuage, à l'exception d'une brume blanche qui emplissait la vallée. Elle se dispersa devant le soleil levant, et lentement, comme si elle descendait du ciel, les pointes étincelantes des Aiguilles et le puissant sommet du Mont Blanc apparurent au-dessus de nos têtes. Les contours devenaient de plus en plus nets, le fond bleu délicat devenait de plus en plus sombre, jusqu'à ce qu'enfin toute la brume disparaisse de l'atmosphère et que tout devienne distinct.

À l'heure dite, Cupelin est arrivé. J'étais indécis quant à l'excursion à entreprendre. Depuis quelques mois, mon souhait était de franchir ce qui était peut-être le seul col encore vierge de la chaîne du Mont-Blanc. Il est vrai qu'il ne partait de rien, de nulle part, mais c'était un col si frappant et si agressif que quelqu'un devait bien le franchir un jour. Donc, si je faisais le premier passage, je devrais accomplir trois actions louables. Premièrement, je devrais en priver "quelqu'un d'autre" ; deuxièmement, je réunirais les glaciers du Léchaud et du Géant par un passage impliquant un détour d'environ cinq heures de la route ordinaire ; et troisièmement, l'Aiguille du Tacul serait gravie par une voie tout à fait nouvelle.

Voyons maintenant où se trouve cette route commode (une sorte de "route d'altitude" vers le col du Géant). Elle est placée entre l'Aiguille du Tacul et le Mont Malet, et j'en avais fait l'ascension en montant la première montagne pendant l'été. La descente vers le Glacier de Léchaud n'avait pas l'air engageante, et, comme je l'ai dit, personne n'était monté ni descendu de ce côté. Ma vanité était flattée de penser que je pourrais l'accomplir en hiver. Cupelin croyait qu'"il peut se faire" Nous avons proposé de monter à partir du glacier de Lechaud, et espérions trouver un couloir au-dessus d'un petit glacier latéral, que, faute d'un meilleur nom, j'ai appelé le "glacier du Capucin", d'après les rochers à proximité.

Cet après-midi-là, nous sommes montés à Montanvert. La neige était dure et en bon état. Nous sommes arrivés à 5 heures de l'après-midi. Le clair de lune, qui ruisselait sur la Mer de Glace, éclairait ces régions de neige éternelle d'une beauté exceptionnelle. Ce couloir n'est visible que si l'on remonte le Glacier de Léchaud sur une certaine distance au-delà du point où il faut le quitter pour le passage du Col. La photographie qui fait face à cette page a été prise au cours d'une excursion consacrée exclusivement à la photographie.

La pyramide du Dm se détachait sur le ciel, tandis que les vagues scintillantes du glacier se nichaient à leurs pieds. Le départ est fixé à cinq heures le lendemain matin. Un ciel étoilé nous a accueillis joyeusement lorsque nous sommes sortis à l'heure prévue, et nous a promis une journée d'une splendeur peu commune. Une coupe fatigante le long des "Fonts" suivit notre départ, puis nous restâmes une heure sur la moraine enneigée, évitant l'Angle. Devant l'Aiguille du Tacul, nous avons tourné à gauche, en remontant le Glacier de Léchaud. A 9h30, nous sommes au pied du Glacier du Capucin, et commençons à monter sur sa moraine gauche. Nous avons dû gravir des marches jusqu'à ce que nous arrivions sur le petit plateau, juste au-dessus de la chute de glace. Nous nous sommes installés près des rochers et avons pris notre petit-déjeuner. L'air était calme et chaud, l'atmosphère merveilleusement transparente. Les gants étaient inutiles, et les couvertures chaudes superflues. Le petit déjeuner terminé, nous avons entrepris de traverser la tête du glacier. Notre excitation était intense. À chaque instant, nous nous attendions à voir le couloir que nous espérions, menant au col. Si ce couloir existait, tant mieux. Sinon, nous étions battus. Car les rochers, très lisses en tout temps, et maintenant à moitié enfouis dans la neige, étaient hors de question. Nous avons continué, notre excitation augmentant à chaque pas.
" Voilà ", m'écriai-je enfin, alors qu'un mur de glace noire à l'aspect vitreux apparaissait.
" Ça commence ! " s'exclama Cupelin.
Quelques mètres plus loin, le centre de notre couloir se montrait, raide, glacé, gardé par l'inévitable bergschrund, mais ne présentant aucune difficulté insurmontable. Une ligne de ciel bleu au-dessus de la neige nous indiquait notre destination.

" Tu es mort, tu es mort. Col du Tacul ! " s'écrient les guides, et nous nous mettons au travail avec une volonté de fer ; le col est à nous ! En quelques minutes, le bergschrund, à moitié étouffé par la neige, fut franchi. Au-dessus, nos difficultés commencent. D'abord quelques rochers glissants, que nous contournons en zigzaguant d'une manière peu agréable. Puis une pente raide de neige. Notre attention était entièrement occupée, et ce fut avec surprise que, levant les yeux, nous vîmes le col à une dizaine de pieds seulement au-dessus de nous. Ah ! ces dix pieds ! Ils n'allaient pas être gagnés si facilement. La pente devenait de plus en plus raide, une corniche planait au-dessus de nous. Nous étions dans l'ordre suivant. D'abord Auguste Cupelin, puis Édouard, son frère, j'étais le troisième, et le portier, Michel Saviox, à la fin. Auguste s'est glissé sous la corniche, et nous a dit de garder la tête basse, pendant qu'il la coupait. C'est ce que nous avons fait, mais, impatient, j'ai levé la tête, et j'ai reçu un rappel sur le nez, sous la forme d'un morceau de glace, qui m'a fait très mal sur le moment, et a laissé une marque longtemps après. Avec des haches profondément enfoncées dans la neige, la corde passée autour d'eux, et nos corps aplatis contre la pente, nous attendions.

Enfin, un grand "hourra !" annonça qu'Auguste avait réussi à passer ses mains. Mais il était moins facile pour lui de les suivre. Cependant, à l'aide de violentes poussées du piolet de son frère, il se releva, et nous entraîna bientôt à sa suite. C'était fait, et notre couloir bien connu de l'autre côté semblait bien facile après notre dernière partie d'escalade raide.

Je regardais la pente que nous avions remontée avec une énorme satisfaction, d'autant plus que nous n'allions pas descendre par là ! L'altitude du col est d'environ 11 000 pieds ; nous n'avons mis que trois heures à monter depuis le Glacier de Léchaud. Le passage serait très dangereux avec de la mauvaise neige, et une avalanche pourrait facilement être déclenchée dans le couloir raide. La descente a été accomplie avec facilité, et Montanvert a été atteint à 18h30. Le lendemain, nous sommes retournés à Chamonix, en passant par la Mer de Glace. Le "mauvais pas" était impraticable, et nous avons coupé le long de la pente en dessous, qui était une couche de glace.

J'avais espéré partir immédiatement pour le Mont-Blanc, mais le mauvais temps s'est installé, et ce n'est que le 4 janvier qu'il y a eu une chance que mes souhaits soient satisfaits. Le matin du 5 janvier, nous sommes partis, au milieu de nombreux pressentiments superstitieux de la part des domestiques de l'hôtel, car c'était un vendredi. Il était 4h15 du matin lorsque notre petite armée traversa le village endormi. Les étoiles brillent au-dessus de nos têtes, l'air est clair, "mais à peine assez froid", font remarquer les guides. Inutile de décrire notre marche jusqu'à Pierrepointue. Qu'il suffise de dire que nous avons trouvé la neige excellente, que nous avons coupé des marches pendant la dernière heure et que nous y sommes arrivés avant huit heures. Notre moral n'était cependant pas monté avec l'élévation de notre altitude ; car une couche de nuages d'aspect noir, qui planait sur le Jura, avait donné lieu à une grave inquiétude. On fit une longue halte au chilet pour s'assurer des intentions du temps.

Au bout d'une heure et demie, les choses parurent plus rassurantes. Il y avait peu ou pas de vent, une neige excellente (jusqu'à présent), et le temps avait autant de chances d'être beau que mauvais. Comment s'étonner, alors, que nous ayons décidé de continuer ? Nous avons mis la corde et nous nous sommes lancés dans le coin, le long de la pente de neige qui remplaçait le chemin auquel le touriste d'été est habitué. L'endroit aurait été désagréable avec une mauvaise neige ou des guides moins efficaces. Mais mes hommes s'y sont faufilés sans broncher, et ont ri de bon cœur de ma mine déconfite. Pourtant, un mur de neige, et un précipice en dessous qui descend à une profondeur invisible, ne sont pas une combinaison agréable, si le touriste timide doit passer le long de la face du premier comme une mouche sur une vitre ! Cinq cent cinquante marches ont été coupées ; puis nous sommes arrivés à la tête du ravin, l'avons traversé, en coupant des marches cette fois dans la glace solide, jusqu'à la moraine de l'autre côté. Pierre-a-réchelle a été laissée au-dessus, et nous avons pris le glacier à un point plus bas. Toutes les crevasses étaient bien couvertes, et la neige encore solide. À la jonction, le vin a fait le tour, nous nous sommes félicités de l'apparence prometteuse du temps, et nos esprits se sont élevés de plus en plus en pensant qu'avant que vingt-quatre heures se soient écoulées, nous serions debout sur ce monticule blanc (qui ressemble à un pudding, ai-je entendu un jour un touriste faire une remarque profane), qui semblait si incroyablement proche.

Un léger bémol s'est produit lors de la montée du " cdte " des Grands Mulets. Il n'y avait aucun doute sur le fait que la neige dans les régions supérieures était tout simplement atroce !

" Tant pis, dit Cupelin, la mauvaise neige ne nous fera pas reculer."

Nous nous enfonçons de plus en plus, jusqu'à ce que soudain notre camarade au bout de la corde se retrouve jusqu'aux épaules.

" Qu'est-ce qui se passe ? " demandai-je.
" Je ne sais pas, madame, mais je pense que c'est une crevasse ! "

Nous tirâmes, et il se mit à quatre pattes ; un gouffre s'ouvrait en bas, dont les parois verdâtres de glace descendaient, semblait-il, à jamais. Une crevasse, c'est vrai, mais notre seule crevasse. Nous avons pataugé vers le haut, et bientôt nous avons gagné les rochers et la cabane. Nous avons passé un quart d'heure à enlever la neige qui avait dérivé contre la porte. Lorsque, enfin, nous avons pu l'ouvrir et entrer, quelle désolation s'offrit à nos yeux 1 Des tas de neige sur les étagères, une couche de glace sur le plancher, et tout était gelé. Des bouteilles de vin brisées par la congélation, la cheminée pleine de neige, et la suffocation lorsque nous avons essayé d'allumer le feu. Simon y a versé des litres de pétrole, mais en vain. Cependant, après une heure de travail, l'endroit a commencé à paraître plus confortable et, mieux que tout, le temps était maintenant tout ce que nous pouvions souhaiter. Avant la tombée de la nuit, les guides sont partis pour faire les pistes "sortir des rochers".

Nous étions arrivés à la cabane avant 3 heures du soir. Le lendemain matin, à 3h30, les guides frappèrent à ma porte en disant : "Il fait un temps magnifique" et en ajoutant : "Nous allons tuer la grande machine." Le thermomètre de ma chambre est resté au point de congélation pendant la nuit. À l'extérieur de la cabane, il y avait treize degrés de gel. A quatre heures et demie, nous
départ. Une légère brume avait commencé à se montrer sur Genève, et s'étendait lentement de tous côtés.
"Qu'en pensez-vous ?" J'ai demandé aux guides.
" Madame, nous espérons que le brouillard ne sera pas sérieux, mais nous ne pouvons pas encore en être sûrs."

Nous avons donc continué à poursuivre notre chemin vers le haut. Sur la pente en dessous du Petit Plateau, un sac à dos fut ouvert pour sortir notre vin. J'étais le troisième sur la corde : quelque chose de blanc passa devant moi, et fut perdu de vue.

-- Où est le pain ? " demanda Auguste. Peut-on l'avoir oublié ? "

Le mystère était expliqué par ce que je venais de voir. La poursuite était sans espoir. Nous avons déploré sa perte, mais notre stock de biscuits est resté.

'Et nous n'allons pas manger beaucoup aujourd'hui !' remarqua Cupelin.

Quelques crevasses se sont ouvertes sous nos pieds, mais le Grand Plateau a été atteint à huit heures sans difficulté sérieuse, bien que la douceur de la neige ait rendu l'ascension fatigante. Sur le Grand Plateau, le thermomètre marquait vingt-trois degrés de gel, et une fine neige avait commencé à tomber. Cependant, les brumes étaient encore légères, et nous espérions pouvoir lutter sans risque jusqu'à notre destination. Mais par quelle route ? Auguste pensait que les fosses seraient les meilleures. Je le pensais aussi ; mais les risques d'y être gelés étaient trop grands, et l'idée fut abandonnée. "L'ancien passage nous ferait gagner deux heures, et avec une bonne neige nous l'aurions sans doute choisi. Dans les circonstances actuelles, il n'en était pas question. Il restait donc le long et fastidieux Corridor. Nous avons peiné à travers le Grand Plateau. Il semblait interminable, en ce matin d'hiver, alors que nos yeux, rivés sur le cône blanc au-dessus de nous, enveloppé dans la plus légère des brumes, nous calculions le nombre de kilomètres à parcourir. le plus léger des brouillards, nous calculions les chances pour et contre notre fortune. La pente du Corridor arriva enfin, et nous commençâmes à la gravir ; mais un puissant bergschrund balaya toute sa largeur, et un seul pont traversa le gouffre béant, et nous indiqua notre passage. Ce n'était pas du tout un pont solide. Supporterait-il le poids d'un corps humain ?} C'était le point à décider. Notre chef, Auguste, s'est mis à quatre pattes pour l'essayer. Les autres sont restés en retrait et ont observé. Il a atteint le milieu sans encombre - il était passé. Mais non. Pour le crack ! - Il a disparu, ainsi que le pont. Un trou dans la neige nous a dit que notre chef était en bas dans la crevasse. Nous avons tiré, il a crié. Nous avons redoublé d'efforts, jusqu'à ce qu'une exclamation de "Ne tirez pas comme ça, à moins que vous ne vouliez fabriquer un tunnel à travers la rive !" nous fit arrêter. Cupelin s'avança, s'allongea, et regarda par-dessus. Son frère était tombé sur une petite corniche commode, d'où, par notre zèle erroné, il avait été soulevé. La corde s'était profondément enfoncée dans la berge et l'avait, par conséquent, tiré contre le côté de la crevasse. Une petite coupe judicieuse de son bord l'a libéré, et il est sorti, pas plus mal pour ce que les autres ont sarcastiquement appelé sa gymnastique. Pendant de nombreuses semaines, ils le taquinèrent sans ménagement à ce sujet, et ce n'est qu'un mois plus tard que l'occasion de retourner la situation contre son frère se présenta.

Notre pont disparu, il fallait trouver un autre passage. Nous avons jeté un coup d'œil de haut en bas, et avons bientôt remarqué un endroit où la largeur n'était pas trop grande pour sauter. Il y avait cependant un inconvénient. Nous devions partir d'une arête de couteau glacée au-dessus d'une pente, menant à de nombreuses crevasses, variant de la taille des douves d'un ancien château à celle de l'intérieur de l'Albert Hall. Un saut vers le haut, également, n'est jamais agréable.

Qu'à cela ne tienne, il fallait sauter, et un saut énergique entraîna notre chef, qui nous entraîna à sa suite. Nous gagnâmes le plateau du Corridor et traversâmes deux autres crevasses, toutes deux profondes, étroites et aux parois polies et lisses. En passant devant la seconde, je me souvins de la triste tragédie qui s'était produite à cet endroit précis et qui avait entraîné la mort de la pauvre Mme Marks et d'un porteur.
Au pied du Mur de la Côte, la coupe commença et se poursuivit pendant une heure. A 1 heure de l'après-midi, nous sommes arrivés sur le plateau.

M. et Mme Marks et une sœur de cette dernière, accompagnés de deux guides et d'un porteur, étaient partis des Grands Mulets pour faire l'ascension du Mont Blanc. En arrivant au Corridor, les dames étaient fatiguées et souhaitaient y rester. M. Marks a continué l'ascension avec les deux guides. Trouvant le froid éprouvant, les dames descendirent un peu, et le porteur donna son bras à Mme Marks, qui était très fatiguée. Après quelques pas, une crevasse couverte s'ouvrit sous leurs pieds, et elles furent instantanément précipitées dans ses profondeurs. La sœur de Mme Marks, qui se trouvait derrière, fut sauvée par la rupture de la corde. Ses cris incitèrent M. Marks à revenir immédiatement, mais rien ne put être fait pour les malheureuses victimes, dont les corps ne furent jamais retrouvés.

Les circonstances n'étaient pas agréables. Une neige battante, un brouillard épais, un thermomètre à quatre sous zéro, et toujours en train de sombrer. Un conseil a été tenu. Les risques de se perdre dans la descente étaient trop grands pour qu'il soit prudent de continuer, bien que, de cet endroit, une heure à peine suffise pour atteindre le sommet du Mont Blanc. Un porteur regardant en arrière
observe que nos traces sur la partie supérieure du Mur sont déjà effacées. La question est donc réglée. C'est avec tristesse que nous avons fait demi-tour et commencé notre descente. Nous avons bien fait de prendre cette résolution. Nos pas dans la glace subsistaient, il est vrai, mais il fallait les tâter du pied, ils étaient remplis de neige fraîche. En bas, sur le Corridor, pas une trace, pas une trace de notre passage une heure et demie auparavant. Un demi-pied de neige fraîche s'étendait sur tout. Nous continuons. Le bergschrund fut atteint au milieu, cette fois, et un petit plateau de l'autre côté attendait de nous recevoir de la pente supérieure. Les deux porteurs ont sauté, l'un après l'autre. Puis mon tour est venu. J'ai regardé de l'autre côté. La distance semblait s'être doublée.

" Cupelin, je ne peux pas sauter ça ! " Je me suis exclamé.

" Fini pour vous, madame ! "

J'ai rassemblé tout mon courage. Je me suis débattu et, après ce qui m'a semblé une éternité, je me suis retrouvé de l'autre côté. Nous pataugeâmes avec persévérance pendant le reste de notre voyage et arrivâmes aux Grands Mulets à 17h30. Mais un autre petit incident se produisit environ une heure avant notre arrivée à destination. Une petite crevasse, sur laquelle se trouvait un pont traître, se trouvait sur notre chemin. Un par un, nous nous sommes assis pour la traverser, le guide devant tirant la corde de son voisin qui était derrière. La corde entre Simon et moi s'est détachée lorsque mon tour est arrivé ; il ne s'en est pas aperçu dans l'obscurité.

" Tirez ! "criai-je. Il crut que je disais "Ne tirez pas", et ne bougea pas.

Crackle ! crackle ! fit le pont sous mon poids, tandis que, les épaules d'un côté de la cre- vasse et les pieds de l'autre, j'essayais de m'équilibrer.

" Tirez ! "Je m'écriai, et il le fit enfin, au moment où le dernier vestige de mon pont disparaissait.

Il s'est beaucoup excusé quand il a vu ce qui s'était passé, mais nous avons pensé qu'il était temps d'allumer les lanternes.

Le lendemain matin, nous avons quitté la cabane à huit heures. La descente de Pierrepointue à Chamonix était vraiment délicieuse ; on pouvait glisser presque tout le long. Le temps avait complètement changé. Le temps était maintenant clair et lumineux, mais très froid.