Six mois de cyclo-grimpe en Espagne : retour d’expérience

Activités :
Catégories : récits, mobilité douce
Type d'article : individuel (CC by-nc-nd)
Contributeur : Julien

Retour d’expérience sur la combinaison du cyclotourisme et de l’escalade sur un voyage au long cours : matériel, parcours, sorties.. on espère que ça vous donnera envie de planifier de belles aventures du même type !

En 2023, nous voulions partir, pas forcément loin mais longtemps. Et à vélo, une évidence pour s’affranchir au maximum des énergies fossiles, prendre notre temps et profiter de chaque étape du voyage. Rajouter à cela la découverte de nouvelles falaises ajoutait un vrai défi à ce voyage. Nous avions déjà expérimenté la « cyclo-grimpe » sur une semaine, mais nous nous interrogions sur le fait de transporter tout notre matériel sur une aussi longue durée. 7 mois et 7000 kilomètres plus tard, nous sommes revenus conquis par cette manière de voyager, et voulons continuer à imaginer de nouveaux itinéraires mêlant sports de montagne et mobilités douces. Pour toutes celles et ceux qui s’interrogent sur ce type d’aventures, nous espérons que cette petite lecture vous donnera envie et vous aidera dans la préparation de ce changement d’approche !

Préparation et matériel

Tapas, soleil et falaises mythiques : c’est assez vite que nos regards se tournent vers la péninsule ibérique pour cette première aventure de cyclo-grimpe au long cours.
Nous avons commencé à préparer le voyage quelques mois à l’avance, avec l’aide de nos amis, notamment pour trouver nos deux fidèles destriers qui nous feront avancer pendant tout le périple.

Natacha optera pour un Fuji Touring d’occasion tandis que je conserve mon brave Kalkhoff Voyager de nos précédentes escapades dans le Verdon et le Vercors. Des selles confortables, des portes bagages avant et arrière, une cassette avec 8 ou 9 vitesses et 34 dents sur le grand pignon pour pouvoir bien mouliner dans les raidards espagnols, et ces deux vélos seront prêts !

Pour préparer notre itinéraire, nous avions acheté le magnifique livre Donde Escalar en Espana, qui décrit 1227 sites dans le pays, une véritable bible pour trouver les meilleures falaises de chaque région. Pour des topos plus précis, entre The Crag et les ressources mises en lignes par les grimpeurs locaux, nous avons souvent réussis à trouver assez d’informations pour nous lancer à l’assaut des falaises.

La veille du départ, il est temps d’empaqueter tout notre matériel dans nos sacoches. Un sac de 35 litres sur le porte bagage, cinq sacoches chacun, dont des sacoches avant fabriquées par une amie couturière en Ariège, et nous voilà équipés ! Environ 22 kilos de matériel chacun, hors nourriture et eau, le matériel d’escalade pèse 10 kg à nous deux : c’est lourd mais ça reste supportable !

_Comment gérer ses affaires quand on part grimper ? _

A l’approche de chaque site d’escalade, une grande question logistique se pose : que fait-on de nos sacoches pleines d’affaires de camping ? Nous avons testé différentes stratégies durant le voyage, plus ou moins adaptées en fonction de chaque site :

1 : Miser sur une approche courte et tout amener en bas des voies. Stratégie la plus sûre mais fatigante même lorsque l’approche est de moins de 5 min, car il nous fallait trois allers retours pour tout ramener.

2 : Cacher les sacoches dans les buissons. C’est la stratégie pour laquelle nous avons le plus adopté, elle est possible dans la plupart des cas. Nous n’avons jamais eu aucun problème, les voleurs ne sont pas légions dans les spots de grimpe perdus dans la montagne! Reste tout de même toujours une appréhension lorsqu’on est sur le retour...

3 : Camper proche du spot et laisser tout dans la tente. Nous n’avons jamais fait cela mais avons croisé Jonah, un cyclo-grimpeur allemand qui faisait ça depuis un an et demi sans soucis. Cela nous semble possible uniquement lorsque le bivouac est toléré dans les environs.

4 : Demander à d’autres grimpeurs de stocker les sacoches dans leur van. Très pratique sur les spots renommés où l’on croise forcément du monde toute l’année. Il faut juste avoir confiance en son interlocuteur.ice.

5 : Laisser les affaires à un commerçant du coin. Pratique, les commerçants sont souvent sympas. Mais en Espagne ils sont souvent fermés entre 14 et 17h, donc il faut bien planifier sa séance.

6 : Trouver un hébergement ou un logement à proximité. Les campings nous ont souvent laissé poser la tente jusqu’à la fin de notre séance de grimpe même si nous partions en fin d’après-midi.

Quant à nos vélos, avec 2 cadenas en U et un câble Kryptonite, ils étaient facilement attachables à n’importe quel tronc d’arbre !

Le 3 mars 2023, nous voilà prêts à partir, direction les Pyrénées depuis Latour de Carol vers le Cap de Creus. Après une petite semaine de vélo pour se mettre en jambe, nous arrivons à Begur, où un ami nous a laissé les clés d’une agréable maison. L’occasion de sortir une première fois les cordes sur le petit site de Llafranc, en bord de la mer Méditerranée, très facile d’accès pour une sortie à la journée depuis notre logement.

Nous continuons ensuite par traverser le parc de Montseny et atteignons Moia, où nous allons grimper sur le secteur Montbru. L’approche à vélo depuis Moia est facile, et l’approche à pied étant très courte, nous amenons nos affaires en bas de la falaise pour affronter le calcaire déversant de ce secteur caché dans la forêt.

Nous filons ensuite vers la Serra de Montsant. Première session à Vilanova de Prades, où pour la première fois nous cachons nos sacoches avec succès. Puis nous arrivons dans les mythiques gorges de Siurana. Les pentes redoutables font de l’approche à vélo un vrai défi, mais le décor et la qualité des voies en vaut la peine ! Un paradis pour grimpeurs où nous rencontrons Jonah, unique autre cyclo grimpeur croisé lors de ce voyage, qui a posé sa tente ici pour quelques mois. Les gorges de Siurana sont emplies de vans de grimpeurs, c’est donc idéal pour camper et profiter de quelques jours de varappe en toute tranquillité.

Une journée de vélo nous amène ensuite sur l’autre spot célèbre du coin, Margalef. Nous posons cette fois nos valises au camping aménagé pour les grimpeurs afin d’éviter que l’ensemble de la vallée soit emplie de vans. 3 € la nuit, cela reste bon marché et les responsables sont très sympas. Les secteurs de grimpe sont très faciles d’accès à vélo et nous passons deux jours sur le beau calcaire conglomératique de Margalef, au milieu de grimpeurs de très bon niveau, mais aussi de quelques débutants comme nous !

La Serra de Montsant se prête donc vraiment bien à la cyclo-grimpe, avec de nombreux secteurs proches les uns des autres, et des villages qui se sont organisés pour accueillir les grimpeurs du monde entier dans de bonnes conditions ! Les lignes de train depuis Tarragone permettent également de se rapprocher facilement de la région.

Notre itinéraire se poursuit ensuite vers le sud, direction la Communidad Valenciana, en passant (malheureusement sans s’arrêter) devant les belles parois de la Horta de San Joan. Après quelques journées de vélo émaillées de nos premières et finalement seules crevaisons du voyage, nous nous retrouvons aux abords de Villafranca del Cid. Nous en profitons pour grimper dans le canyon de la Gotera, un joli site, peu fréquenté et facile d’accès où il est possible de camper au départ de l’approche, voire au pied des voies. Nous avons la chance de voir nos premiers bouquetins ibériques du voyage ! Ils deviendront ensuite de vrais compagnons lors de nos pérégrinations à vélo.

Notre trajet est ensuite modifié à cause d’un incendie qui ravage la zone de Montanejos et que nous allons observer depuis le sommet de la Penyagolosa. Sur notre route déviée vers Castellon, nous nous arrêtons découvrir le joli site d’Atzaneta del Maestrat, où nous campons avec des équipeurs du site la veille de notre session de grimpe. Ils nous conseilleront les meilleures voies de notre niveau le lendemain, pratique !

Après une visite de Valence, nous rejoignons ensuite Teruel en train pour traverser la Serra de Albarracin, le « ‘Bleau » local. Le camping est malheureusement interdit dans toute la zone, alors que les vans sont autorisés sur deux zones proches des blocs.. nous passons une nuit dans une de ces zones sans savoir si un risque d’amende existe réellement. Nous partons ensuite en direction de Cuenca, et nos arrêtons à Frias de Albarracin, un petit secteur sans autre intérêt que d’être en bord d’une route peu passante, donc parfait pour une pause de cyclistes. Après une traversée sur des routes magnifiques et peu fréquentées, nous arrivons dans les gorges de Cuenca, encore un site d’importance où les grimpeurs viennent du monde entier, et très facile d’accès avec tout notre équipement.

Nous revenons vers Montanejos, une zone qui regorge de falaises de grande qualité, proche les unes des autres, avec différents styles de grimpe dans des environnements parfois grandioses et parfois plus intimistes. Nous commençons par deux jours dans le Canyon d’Olba, accueillis dans le refuge Alto Mijares de XX, qui a ouvert la grande majorité des voies du site. Nous repartons ensuite pour Montanejos, aux parois grandioses mais bien plus touristiques et moins accueillant pour la cyclo grimpe et le bivouac. L’approche réduite du secteur Iniciacion nous permet tout de même de profiter des falaises. Après un petit col, nous arrivons sur une voie verte qui nous mènera au site de Jerica puis d’Altura. Pour ce site, l’idéal est de s’arrêter au niveau des piscines naturelles pour monter ensuite à pied en fin d’après midi quand la température devient plus agréable. Un régal.

Nous arrivons après à Chulilla, où malgré les interdictions affichées, le bivouac au milieu des vans semble toléré. Nous passons trois jours avec deux amis, profitant du van de Jack pour stocker nos affaires tandis que nous explorons différents secteurs des gorges impressionnantes qui entourent le village. Nous ne sommes qu’en avril, mais la planification des journées commence à se complexifier avec la chaleur qui s’abat l’après-midi. Les faces sud sont déjà à proscrire pour la suite du voyage, à moins de grimper tôt ou tard dans la journée.

Nous attaquons ensuite un assez long raid à vélo vers le sud, à travers la sierra de Segura, le désert de Tarbernas et les paysages volcaniques du Cabo de Gata Nijar. Nous ne ressortons les cordes qu’après un petit séjour à Almeria, au Barranco de Cacin. Un site magnifique sur lequel nous arrivons à faire quelques voies en fin d’après midi. Malheureusement, il devient déjà difficile de grimper à cette latitude début mai, voire même de rouler dans la même journée. Entre 11h30 et 18h, il fait vraiment chaud. Los Cahorros, à proximité de Grenade, et ses gorges profondes et encaissées, nous offrent tout de même une très belle journée de grimpe, méritée après le dénivelé réalisé la veille pour s’approcher du spot, où nous avons été obligés de bivouaquer discrètement, le premier camping étant situé beaucoup plus haut.

En continuant vers l’est, nous nous arrêtons à Vilanueva del Rosario, très joli site mais compliqué d’accès en vélo malheureusement. Puis nous montons vers le Torcal de Antequera, où nous préférons randonner que grimper. Mais quelle que soit l’activité choisie, le décor splendide vaut l’effort rude des 700 mètres de dénivelé à monter. D’autant plus qu’une belle aire de pique nique situé juste en bas, en limite du parc naturel est parfaitement adaptée pour une arrivée tardive et un bivouac.

Spot mythique de l’Andalousie, El Chorro n’est malheureusement plus réellement praticable en cette saison, il y a par ailleurs peu de sources d’eau et de magasins pour se ravitailler proche des sites de grimpe. Le Caminito del Rey rend cette zone un peu étouffante car démesurément touristique. Nous choisissons de continuer vers la falaise récemment équipée de Canete la Real pour une nouvelle séance dans une zone plus tranquille.

Après une rapide visite de la spectaculaire ville de Ronda, nous rejoignons la zone la plus humide d’Espagne, la sierra de Grazalema. Un décor qui tranche avec les paysages secs traversés les dernières semaines. Les températures plus clémentes nous permettent de grimper plus facilement, d’autant que la région regorge de falaises équipées et accessibles. Après une petite séance à Benaocaz, nous choisissons de monter jusque Grazalema, un superbe village blanc avec de belles falaises de calcaire à proximité. Nous nous basons au camping pour pouvoir grimper plus tranquillement dans ce parc très protégé, ce qui nous permet d’avoir un point de repli pour faire face aux premières gouttes de pluie du voyage. Ce sera notre dernière session de grimpe espagnole, car nous décidons de filer vers le Portugal, afin de profiter de la splendide côté de l’Algarve avant le début de l’été.

Considéré comme le parent pauvre de l’Espagne en termes de falaises, le Portugal va agréablement nous surprendre par la diversité des secteurs de grimpe, la qualité de l’équipement rencontré et les nombreuses ressources en ligne disponibles. Rapidement, nous quittons la côte sud pour une incursion dans les terres sur la falaise de Rocha da Pena. Une falaise de très bonne qualité, avec un bar au hameau situé en contrebas. Malgré un prix excessif pour le café, le patron accepte de garder un œil sur nos affaires le temps de notre session de grimpe.

Notre route continue le long de la côte vers Sagres, où nous avons pour la première fois l’occasion de grimper en bord de mer, dans un environnement magnifique. Une approche à vélo facile, et la possibilité de combiner baignade, voire surf, à une journée de grimpe ! Le Portugal est vraiment accueillant pour notre manière de voyager.

Le surf prend d’ailleurs le dessus sur l’escalade le temps de remonter la Costa Vicentina, et d’arriver dans la région de Setubal. La Serra de Arrabida va nous réserver une magnifique surprise. Nous grimpons dans 4 sites en bord de mer, en commençant tranquillement à Outao pour se mettre en jambe avant de rejoindre les sites spectaculaires de Gruta das Morcegos, Sesimbra Velha puis Cova Mijona. Trois belles expériences de grimpe, seuls au monde. Avec une petite préférence pour Sesimbra Velha et les baignades faciles d’accès. Les nombreuses grottes sur ces trois sites font qu’il est possible de grimper le matin, attendre à l’ombre ou les pieds dans l’eau durant les heures chaude, puis regrimper le soir avant un retour vers les vélos et les sacoches cachées non loin pour viser un spot de bivouac en bord de mer.

La région de Lisbonne offre également de belles opportunités d’escalade. La falaise de Farol da Guia, très fréquentée mais dans une bonne ambiance, offre des voies physiques sur un calcaire assez patiné en bord de mer, tandis que les dalles de granit de Sintra, sous le château de maures, proposent de belles envolées sur une dalle lisse aux points espacées et aux cotations sèches.

Nous quittons ensuite la côte portugaise pour nous diriger doucement vers le massif culminant du Portugal, la Serra de Estrela. En chemin, nous nous arrêtons grimper sur des falaises historiques du pays : d’abord Montejunto, puis Reguengo do Fetal et enfin el Vale de Poio. Trois sites que nous pouvons enchainer assez facilement avec une journée de vélo entre chaque session, qui nous permet de bivouaquer proche du site et de grimper tranquillement dans la fraicheur de la matinée sur de belles parois calcaire, offrant pour chaque site des orientations variées et de voies pour quasiment tous les niveaux.

Nous arrivons ensuite au point culminant du Portugal, la Serra de la Estrela, au cœur de laquelle se trouve le magnifique Cantaro Magro et ses belles parois de granit. Pas de grande voie en trad pour nous mais un joli site de couenne au cœur d’un couloir de roche équipé sur ses deux faces de très belles voies : El Corredor dos Mercadores. A l’ombre quasiment tout la journée et proche des 2000 mètres d’altitude, c’est une très bonne option pour de l’escalade estivale.

Puis nous repartons vers Porto par la belle vallée du Douro, depuis laquelle on atteint facilement deux spots très proches de la deuxième ville du Portugal : Nossa Senhora do Salto et Serra do Valongo. Le premier offre une grimpe originale sur une roche schisteuse, dans un environnement agréable proche d’une rivière et d’un sympathique bar. Le second propose des falaises dispersées, dont la Fraga Lisa qui se situe en bord de rivière, idéale pour passer une après-midi à l’ombre en attendant que la température soit agréable pour grimper.

Ce seront nos dernières sessions de grimpe de ce voyage, rejoignant des amis en Galice, à qui nous allons laisser nos cordes afin de s’alléger pour rentrer en France et traverser par la route des cols de Pyrénées.

ANNEXES

Tableau du matériel emporté et des poids associés : envoyez moi un mail : julienmingot64@hotmail.fr

Liens ressources externes :
https://www.desnivel.com/librosdesnivel/donde-escalar-en-espana/
https://www.thecrag.com/
https://climbingaway.fr/fr/
https://organicmaps.app/fr/
https://montanhaescalada.com
http://www.ct4bb.com/escalada/psports.html
http://www.gmesintra.com/
https://www.cartowall.com/en/home
https://escaladagranada.blogspot.com/

Commentaires

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Epicure 2 years ago

Salut à vous 2 et félicitations pour ce Road trip original …
Les photos sont magnifiques mais avec parcimonie …
En avez vous mis sur un site de partage ?
Avez vous un croquis de l’itinéraire suivi pour ce périple ?
Merci d’avance, Jean Michel

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fanoitbeny 2 years ago

Je ne l’ai pas identifiée sur les photos…

Photos superbes. Avez vous une trace GPS de l’ensemble du périple ?