L'Escalette 1856 m, petite montagne avec un grand M...
Apologie monographique, d'un humble sommet des Pyrénées Garonnaises, polymorphe.
Escalette, Hourquette, Montagnette, Espuguette, Tourette, expriment dans leur forme toponymique Occitane diminutive, cette petitesse caractéristique qui redimensionne à échelle humaine, la géographie montagnarde. Ce minimalisme attendrissant confère à ces lieux, une accessibilité relative.
Le pic de l’Escalette est dilué dans un cordon d’arêtes qui s’étire d’Ouest en Est entre Pic du Gar, Col de Caube et Cagire. Son lumineux versant Sud, domine de ses pelouses et de sa hêtraie-sapinière le Col de Menté, le vallon de Larreix et son « jardin d’altitude » ferme harmonieusement son versant Nord au caractère plus austère. Ce modeste détail orographique de 1856m, assure l’arrière-plan de la vallée qui, plein Est depuis Saint Beat, Lez et Boutx, via La D44, relie le Col de Menté. Ce fragment de bitume qui dénivèle sur 850 m, est une institution dans le monde cycliste. Le « Virage de Luis Ocana » et sa plaque commémorative, étant là, pour nous rappeler les grandes heures de ce rituel et quelque peu intrusif Tour de France dans nos vallées…
Une puissante diffluence (étalement d’un glacier en pleine action érosive sur des couches de roches tendres superficielles) du glacier de la Garonne est à l’origine du modelage de cette petite vallée axée Est-Ouest, perpendiculaire au bassin principal. L’érosion glaciaire active à profilé les versants, révélant affleurement rocheux et mouvement de terrain. Le substrat calcaire homogène ne présente aucun verrou glaciaire susceptible de retenir un lac ; sa perméabilité ne pouvant à ce titre conserver l’eau en surface. Seules quelques résurgences font office de sources.
Au Nord de la chaine axiale, sa position offre une évidente explication de l’orographie et l’hydrographie des Pyrénées Centrales. Le sommet est un belvédère absolu sur les 150 km d’interface centrale entre « Pyrénées Jaunes » Orientales et « Pyrénées Vertes » Occidentales. La leçon de géographie sur les principaux massifs est intégrale et didactique.
Sa structure générale oppose un anticlinal découpant une face Nord verticale et complexe, à un synclinal qui projette au Sud, ses pentes à l’inclinaison plus conviviale. Ce versant s’organise ses mouvements de terrain, entre affleurements redressés, dolines et ravins d’effondrement ou de creusement caractéristiques de ce relief karstique.
Les composantes géophysiques de L’Escalette sont en fait une subtile synthèse des différents faciès et terrains montagnards incontournables : forêts, pelouses, landes arbustives, éboulis, arêtes et structures rocheuses, cirques d’altitudes, cols de passage, couloirs…etc. L’opposition « Soulane » et « Ombret »(ou « Barguère ») est marquée, le versant sud invite à une contemplation de la haute chaine entre Couseran, Aran, Catalogne, Aragon, Haut Comminges, Aure et Bigorre ; la « Thébaïde » du versant Nord appelle à l’isolement méditatif.
Le critère altitudinal organisant le paysage montagnard en étageant la végétation, harmonise ici les différentes fonctions et vocations de cette montagne. La structure et la disposition architecturale des affleurements rocheux confèrent à l’ensemble une luminosité caractéristique que seuls, possèdent les massifs calcaires. De ce fait, cette pelouse steppique d’altitude aux caractère calcicole, convient optimalement pour le pacage ovin. Nards, Fétuques, Brachypodes, Paturins…et autres graminées se combinent aux Tréfles, Potentilles, Hélianthèmes, Gentianes et Réglisses, plantes génériques de l’estive, pour subvenir au millier de brebis Tarasconnaises du Groupement Pastoral de L’Escalette orchestré par Frédéric Artigue son président, enfant de Boutx, qui reste lui aussi, attaché viscéralement à sa montagne.
La toponymie locale fait état des singularités et des fonctions géographiques de ces quartiers d’estives, ainsi que des particularités géomorphologiques: entre le Col de Caube et l’Escalette se développe cette longue ligne de crête appelée « la Maillède », sur laquelle se succèdent : « Peyre Nère », la « Maillède Espesa », le Mail Grand », « l’Areclot » (Clot de Rouge) et le Col de Coumes Aygues. Le versant Sud de la Mallède, toujours d’Ouest en l’Est, révèle le « Goutet de l’Aouech Majou », « l’Aouech Lounc » et « l’Aouech » (couloir de Rouge), jusqu’à la « Hount de la Chourette » (sources). La face Sud-Est de l’Escalette se nomme les « Barallous ». Le « Mail » ou la « Pique » (Piton de l’Escalette) qui supporte la cabane pastorale, cache à ses pieds : la « Pale de la Pique », la « Pale de Salanère » et plus à l’Est la « Pale de Cravalora ». Au Nord de l’Escalette se développe la crète des Parets qui sépare Coumes Aygues et Coumes Crotzes du Prat de Leyte et du bois de Soum (...merci à Fred Artigues et Cédric Sagué, montagnards, acteurs pastoraux et personnes ressources incontournables de cette Montagne...). Les traductions Occitanes nous révèlent le sens de ces toponymes : Maillède (structure de barres rocheuses) ; Espesa (épaisse) ; Peyre Nère (pierre noire) ; Goutet (ravin ou couloir d’écoulement des eaux) ; Majou (majeur, le plus grand) ; Lounc (long) ; Aouech (sapin) ; Hount (source) ; Chourette (petite résurgence) ; Pale (pente herbeuse) ; Salanère (lieu de pierres à sel) ; Parets (mur, falaise verticale) ; Leyte (lait et sa production), Cravalora (narcisse des poètes). La plupart des toponymes recensés de nos jours (cartes IGN, témoignages écrits ou oraux) représentent un témoignage de l’aventure humaine en montagne, le fait de nommer un lieu de la même façon, permet d’établir la reconnaissance commune d’un territoire. La transmission de ces codes assure la sauvegarde de ce patrimoine.
Cette montagne semble vivante, le mouvement des troupeaux et des hommes sur ses versants contribue à cette « homéostasie géo humaine ». L’Escalette génère donc un souffle de vie perpétuel, alimenté par la synergie de ses composantes. Forets et estives prédominantes, transpirent, roches sédimentaires alcalinisent le terrain pour l’adoucir. Cervidés, isards, sangliers, blaireaux, renards, martres, grands pics noirs, becs croisés et coqs de bruyère, patrimoine faunistique local, cohabitent consensuellement avec cette discrétion caractéristique de la sauvagine. Les zones de quêtes et de remises se juxtaposent harmonieusement. Le répertoire entomologique (monde des insectes) est ici conséquent, on butine, on chasse, on décompose, bref on finalise discrètement tout ce chaînage organique. L’aérologie locale dépendante de la géomorphologie, propose une variation des flux et une mécanique des fluides favorable à l’évolution de nos grands rapaces Pyrénéens : aigle royal, vautours fauves et gypaètes barbus partageant cet espace aérien.
Les variétés de cueillettes offrent des petits plaisirs gastronomiques saisonniers, Lactère Délicieux sur la litière de la Sapinière au plus chaud de l’été, Oxalys dans le sous-bois humide de la Hétraie, feuilles d’Erytron « Dent de Chien » dans les combes à neige, bourgeons de Sapins Blancs au printemps, Myrtilles et racines de Réglisse dans les pelouses de l’estive ; prolongent gustativement la visite des différents étages de cette attachante Escalette.
La présence de deux refuges non gardés disponibles sur les deux versants est un privilège qui ergonomise tout projets de nuitées au sein de la montagne et surtout d’abris providentiels si besoin. Le refuge de l’Escalette sur la Soulane jouit d’une ouverture panoramique surpuissante, celui de Larreix réserve un cadre intimiste garant d’une certaine quiétude.
Le répertoire d’itinéraires de randonnées pédestres, entre pistes confortables, sentiers discrets et passades dérobées offrent variétés de combinaisons sur chaque versant. Promeneurs en visite contemplative aux cabanes du versant Sud et randonneurs au prise avec les mains-courantes du sentier des Gardes de la Maillède, peuvent donc adapter leur pratique suivant leurs ambitions. En maitrisant la géographie locale l’on peut également traverser chaque versant et de fait découvrir quelques « coumes » discrètes et autres « récantous » (petits coins en Occitan) secrets.
Les parapentistes locaux profitant de cette implantation « géo-aérologique « favorable font usage du versant Sud-Ouest comme site de décollage alimenté par les brises de pentes du grand couloir de Rouge.
En terme d’évènementiel la Transhumance de L’Escalette, début Juin, est le rendez-vous collectif qui inaugure la prochaine saison d’estive en invitant sympathisants et acteurs pastoraux pour une rencontre in-situ génératrice d’un lien social montagnard évident.
En mode hivernal la face Sud-Est est la grande classique locale en ski de randonnée. Du sommet les pentes raides et les vallons de la Soulane sont des lignes évidentes. Si l’on cherche du terrain inédit, skier la bonne neige sèche en sous-bois versant Sud et slalomer entre hêtres et sapins est un privilège. L’on peut goûter aux délices poudreux de Coumes Aygues en versant Nord et pourquoi pas, pousser jusqu’au seigneur du secteur : le Cagire.
Les variations du « toucher de neige » sont plus marquées de par les limites altitudinales, les expositions et le couvert forestier. Sur l’Escalette l’on peut skier toutes les neiges en jouant avec ces paramètres.
La pratique de la raquette à neige prend tout son sens quand on progresse hors sentier en forêt pour visiter les coumes cachées du Roc des Graoues, ou traverser vers le vallon de Larreix et sa cabane.
le Pyrénéisme fait irruption dans le panel d’activités potentielles.« L’Envers de l’Escalette » c’est sa face cachée, son paysage qui se verticalise, défiant les regards, stimulant la curiosité. Ici aussi le « Finestrou » (petite fenêtre en Occitan) Pyrénéiste s’entrouvre pour une pratique confidentielle avec comme seule ambition de mettre à profit l’évidence esthétique que proposent ces futures lignes, qui n’attendaient que d’être déflorée.
Montagne synthétique par excellence, l’Escalette propose une compilation de l’univers montagnard à l’accessibilité on ne peut plus pédagogique. Elle devient d’évidence éligible à une fonction de montagne initiatique.