A faire son smatte sur le slack…. (par Jean-Pierre Banville)
Pour ceux qui espéraient mon décès ou me souhaitaient une maladie débilitante… tout au moins mon retrait permanent du monde de l’escalade; pour ceux qui pensaient ne plus avoir à me lire, pour ceux qui croyaient pouvoir escalader sans avoir à penser…
Hélas je suis toujours présent et, considérant le tas de kilomètres effectués durant les derniers mois, je me considère comme possiblement omniprésent! Preuve en est qu’il y a quelques semaines, frais débarqué de l’avion à Strasbourg, je me rends au Vieux Campeur espérant y acheter une paire de chaussons.
Passons sur le prix des chaussons.
La vérité, c’est qu’on vous mange la laine sur le dos et ce, partout sur votre continent mais ce n’est pas de mes affaires : déjà que le passage à l’euro a fait monter les prix d’une façon dramatique! Mais vous êtes de grands garçons et de grandes filles : à vous de gérer ce qui reste de votre pécule après impôts et taxes.
Donc je suis au Vieux Campeur et quelqu’un discute du slackline avec le responsable du département escalade. Je crois saisir, au fil de la discussion, que l’homme est le fournisseur du matériel de slack sinon le fabricant.
Toujours curieux et ne possédant pas la moindre retenue face aux étrangers, je m’insinue dans la conversation et je demande plus d’information sur la pratique sans pourtant dévoiler mon curriculum.
La conversation en venant à la diffusion de l’état des choses chez nos amis de la sangle tendue, je suggère de contacter les sites internet qui diffusent des nouvelles de montagne et d’escalade. Immédiatement je reçois la réponse suivante : "Nous avons eu de bons résultats… mais il y a qu’un nommé Bonville a descendu le slackline il y a quelques semaines… on voulait demander un droit de réplique mais il était trop tard…"
- Banville… c’est Banville le nom du gars qui a écrit…
- Banville… oui, c’est ça … on aurait bien aimé pouvoir répondre…
- Tiens, ça tombe bien parce que Banville, c`est moi !
Naturellement il n’y a pas eu de bagarre au second plancher du Vieux Campeur. J’avoue avoir trouvé la situation pour le moins ironique. Qui pouvais s’attendre à me voir accoté au comptoir d’un magasin d’escalade en France ? Or dernièrement je me suis accoté au comptoir de plusieurs magasins de l’Allemagne jusqu’au centre de l’Italie… et ce n’est pas terminé si j’en crois mon programme de travail !
Preuve en est que le monde est petit!
Et si le pauvre homme savait que dimanche dernier j’essayais le slackline au refuge du Muzzerone, en Italie !!! J’avoue ici être d’une nullité abyssale et content que la sangle n’ait été qu’à trente centimètres du sol. Encore qu’on peut se fouler une cheville avec grâce, à trente centimètres!
Je ne reviens pas sur mes anciennes chroniques et j’ai un cœur de pierre : ce qui est dit , est dit.
Par contre , je dois préciser ma pensée car à la sortie du Vieux , je crois que j’avais presque convaincu mon interlocuteur de ma bonne foi.
Je n’ai rien contre le ‘’slack’’ ! Ni contre ses pratiquants !
C’est une pratique ludique qui meuble très bien les après midi à 35 degrés alors qu’il est impossible de grimper . Un verre de vin blanc ne fait pas de mal non plus .
Je crois que le ‘’slack’’ a un avenir certain et s’inscrit dans la foulée des défis que la jeunesse a de tous temps inventés pour satisfaire son besoin de dépassement et assumer son individualité, sa différence.
L’escalade n’a-t-elle pas commencé un peu comme ça ?
Ce qui me chatouille , c’est le sensationnalisme … à "la Dean Potter" … et le lien fait entre l’escalade et le slackline.
Car il n’y en a aucun ! Sinon le fait que la sangle de nylon est utilisée tant en escalade que pour le slack. Et que le slack peut aussi s’intégrer parfaitement à l’offre d’une salle d’escalade qui se respecte.
Remarquez, dans une salle d’escalade locale , il existe de la montée sur échelle . Or l’échelle est utilisée par les pompiers . Est-ce que la même logique devrait s’appliquer ?
Ce qui me chatouille aussi , c’est la triste expérience d’une pratique sportive potentiellement ludique qui apparut en grande pompe dans les médias spécialisés pour disparaître aussitôt .
Je ne souhaite à personne la triste désillusion de voir une petite activité sympathique se voir mousser à grand renfort de publicité, de voir le coût du matériel exploser, de voir apparaître des vedettes instantanées pour ensuite disparaître dans les limbes de l’histoire du sport.
D’ailleurs , fabricants de piolets de dry à 250 euros pièce , vos poignées sont faites pour des nains de jardin !
Le slackline peut devenir une activité complémentaire et équiper certains parcours d’aventure ou certaines falaises . Mais le slackline n’est pas l’escalade… c’est une discipline à part entière et créer un amalgame ne peut être bon ni pour l’un ni pour l’autre .
Et favoriser le sensationnalisme plutôt que l’aspect ludique n’est pas la façon d’attirer une clientèle ayant les moyens de ses ambitions . Le slackline mérite mieux que des artistes de foire surtout quand on décide d’en faire son pain quotidien et de vendre le concept au grand public. On ne bâtit pas l’escalade sur les performances d’Alain Robert – cela dit , j’admire Alain Robert , croyant ses performances totalement sous-estimées par le public .
Effectivement j’ai eu grand plaisir à slackliner par trente degrés et , le litre de blanc aidant , nous avons bien ri de nos déboires. Pourtant tous les grimpeurs présents étaient des octogradistes confirmés – sauf un …
Ne laissons donc pas une activité jovialiste comme le slackline prendre le chemin du cimetière des sports oubliés .
Pour le reste , notre monde se rétrécit et permet des rencontres qui paraissaient impossibles il y a quelques années.
Le monde rétrécit et nous ouvre des possibilités de découvertes inespérées . Alors pourquoi restez vous dans votre jardin, je me le demande ?
Pour infos , le site web www.slack.fr .