Proposition de nouvelle cotation en escalade artificielle

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Type d'article : collaboratif (CC by-sa)

Après le parcours de nombreuses voies classiques d'escalade artificielle dans les Alpes (telle la Directissime de la Cima Grande), et avec l'idée d'une nouvelle cotation en escalade artificielle, pour laquelle pour la première fois la difficulté et le danger seraient séparés, nous sommes arrivés à l'évidence qu'aujourd'hui la cotation classique est dépassée pour ce genre d'ascensions.

Quelques aberrations dans les cotations

Du seul point de vue de la difficulté, le grimpeur a en effet beaucoup de mal a différencier du A1 et de l'A3, l'A3 se révélant parfois plus facile techniquement que certain passage en A1. En effet, la cotation actuelle mesure plutôt le danger des passages au travers de la hauteur de chute potentielle que ferait le grimpeur si le point sur lequel il est pendu venait à lâcher.

Elle est aussi souvent erronée, dans la mesure où le grimpeur d'aujourd'hui possède un matériel beaucoup plus évolué (Friends, plomb,...) que celui des années 60 ou 70. Ainsi, une longueur, autrefois cotée en A3, peut être aujourd'hui très bien protégée, entre autres à l'aide de Friends, et par là même, devenir sûre. D'un autre côté, il peut arriver qu'une dalle spitée il y a 20 ans soit techniquement facile à grimper, mais l'état des points étant aujourd'hui si mauvais et la dalle ne permettant pas d'autres moyens d'assurance, la rupture de l'un des spits lors d'une chute entraînerait aussi celle des autres. Ou encore, une chute préalable d'un grimpeur, ayant arraché l'un des points, oblige le suivant à utiliser ses crochets à goutte d'eau ou de cravater, comme cela se fait au Yosemite, les tiges restantes.

Une telle longueur serait actuellement cotée A1, voire A2, même si elle peut être vraiment dangereuse. Bien sûr, on ne peut la coter A4 du fait de la facilité de la progression. Avec la nouvelle échelle, une telle voie serait cotée C4 par exemple, à savoir C, s'il y a un ou deux passages sur crochet ou des cravates à placer, mais 4 pour dangereuse et un risque de chute très important : 40 à 50 mètres.

À quoi bon une nouvelle échelle de cotation ?

Naturellement, il existe sûrement autant d'argument contre cette nouvelle cotation.

Ainsi, la cotation classique est-elle tout à fait suffisante pour les voies où le danger est souvent lié à la difficulté technique. C'est le cas des parois granitiques par exemple. Pour de telles voies, la nouvelle cotation technique serait généralement proportionnelle à la cotation d'exposition, et ne serait donc pas forcément intéressante. En outre, la nouvelle cotation a l'avantage d'affiner les cotations existantes.

Ainsi peut-on, avec la nouvelle échelle, coter des voies très difficiles, mais protégées par quelques spits ne servant qu'à l’assurance intermédiaire (cas des écoles d'artif entre autres). Comment pourrions-nous coter ces voies avec l'échelle actuelle?

Techniquement à la limite du possible, mais à 4 m d'un bon spit, ce n'est ni de l'A1 ni de l'A4. Peut-être est-ce une erreur, mais cette forme d'escalade artificielle constitue d'après nous une évolution possible - voir probable - de l'escalade artificielle dans les Alpes, ou du moins en escalade calcaire. Sur ce rocher, il est souvent difficile de se protéger sans spit, dans la mesure où de bonnes protections sont souvent très difficiles à poser soi-même. Ainsi, existe-t-il déjà des voies d'artificielle modernes qui sont très dures, mais pas forcément dangereuses.

Il est bien entendu possible d'ouvrir la nouvelle échelle en haut pour la difficulté technique, pour les voies extrêmes à venir. C'est chose impossible avec la cotation actuelle, puisque la cotation A5+ (ou A6 si l'on considère aussi le risque pour l'assureur) indique qu'une chute peut entraîner la mort. On se demande alors ce qui pourrait entraîner plus que la mort des deux grimpeurs...

Pour montrer une fois encore que la difficulté technique et le danger sont deux choses totalement différentes, voici un dernier exemple : imaginez-vous que vous grimpiez une fissure en 6a bien protégée, et que vous deviez juste après grimper un passage avec des mouvements sur Skyhooks. Maintenant, imaginez-vous le même passage, mais après une dalle de 20 m en 6a impossible à protéger. Le deuxième scénario est beaucoup plus difficile a coter avec l'échelle actuelle, car il est beaucoup plus dangereux, même si la difficulté technique du mur sur Skyhooks reste inchangée. Avec la nouvelle échelle, nous pouvons regarder cette voie d'une façon totalement différente: la difficulté reste la même, mais le danger est plus grand !

Cette nouvelle cotation possède probablement ses inconvénients, et qu'elle n'est peut-être pas la plus optimale. Toutefois, si elle parvient seulement à établir une discussion sur ce thème, elle aura déjà atteint son but...

Propositions pour une nouvelle échelle de cotation

À la vue de ces réflexions, une idée de cotation s'est peu a peu imposée. Le lecteur en trouvera les grandes lignes ci-dessous :

Les principes

Les principes sous-jacents sont les suivants :

  • Il faut séparer le danger de la difficulté technique. La difficulté sera indiquée par la lettre (A...E dans notre cas), et le danger par le chiffre (de 1 à 6, suivant à peu près l'échelle actuelle pour les hauteurs de chute).
  • L'échelle technique doit être ouverte en haut pour ne pas tomber dans le piège d'une cotation figée dans le temps (ouvertures de voies de plus en plus dures).
  • L'échelle ne s'applique qu'à l'escalade artificielle, et ne prend pas en compte d'autres paramètres telles que l'exposition du grimpeur à une chute de pierres, un sérac...!

Échelle pour la difficulté technique Échelle ouverte

A: Tous les points de progression et de sécurité sont déjà en place. Aucune difficulté technique particulière.
Par exemple, le Pilier du Souvenir à Presles (38 - France).

B: Si les points sont déjà en place, bonne technique nécessaire due à une plus grande distance entre ces derniers. Quelques points faciles et évidents sont à poser soi-même (la plupart du temps des coinceurs ou des friends, rarement des pitons).
Par exemple, la deuxième longueur du toit du Bornillon à Choranche (38 - France) ; ou la fissure des Autrichiens au Pilier Bonatti.

C: L'emploi de points à poser soi-même (coinceurs, friends ou pitons) devient systématiquement nécessaire et est plus complexe : Le grimpeur doit chercher là où les poser. L'emploi de points d'aide qui ne sont pas des points d'assurance (ne servant donc qu'à la progression; par exemple skyhooks) peut s'avérer nécessaire, mais pour des passages simples et courts.
Par exemple, la troisième longueur de Zodiac (Yosemite - El Capitan - Californie).

D: Emploi très difficile de coinceurs et pitons. L'emploi de points servant exclusivement à la progression devient plus courant et plus compliqué. Gros assortiment de matériel nécessaire (par exemples Copperheads, Rurps, Bathooks).
Par exemple, la sixième longueur de Pacific Ocean Wall (Yosemite - El Capitan - Californie).

E: Progression réalisée à l'aide de points de progression (Skyhooks, mauvais pitons..), dont l'emploi est compliqué et peut être sophistiqué : par exemple, mouvement a l'aide de deux Skyhooks en même temps car la prise utilisée est trop fragile; ou couplage de plomb.

F: ...

Danger/Exposition Échelle fermée

Subdivisions: emploi de + et -

  • 0: Chute impossible (sauf erreur du grimpeur); aucun danger de blessure grave.
    Par exemple, dernière longueur d'Atlantide dans la paroi rouge des Gorges du Verdon.
  • 1: Chute jusqu'à 10 mètres possible (un à 2 points ne tiennent pas), mais pas de danger de blessure, ou de simples égratignures.
  • 2: Chute allant de 10 à 20 mètres possible, sans danger de vire ou autre relief très dangereux pour le grimpeur.
    Par exemple, l'avant-dernière longueur du dièdre oublié, à Presles (38 - France)
  • 3: Chute allant de 20 à 30 mètres avec risques de blessure non négligeable.
    Par exemple, la sixième longueur de Pacific Ocean Wall (Yosemite - El Capitan - Californie).
  • 4: Chute de 30 à 50 mètres avec risque de blessures sérieuses. Une vire ou un pendule pouvant rendre la chute très délicate !
  • 5: Une chute de 50 à 100 mètres est envisageable. Cela signifie toujours un risque de mort pour le grimpeur en tête.
  • 6: Comme 5, le relais étant si mauvais que la chute du grimpeur en tête peut entraîner la chute de la cordée.

Commentaires

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ThomasR 14 years ago

Article intéressant et ambitieux.

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FMJ 14 years ago

Je souscris totalement !

Par contre au lieu de chute impossible pour du 0, je mettrais plutôt quelque chose style « hauteur de chute très limité ». Car même en faisant du point à point on peut s’en coller une. De 1-3m. Mais c’est quand même une chute qui peut avoir ses conséquences, même minimes.

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Renaudm3 13 years ago

J’adhère également totalement à la cotation proposée.

« Artificiant » souvent en calcaire, je suis souvent confronté au problème. Les voies en clean peuvent en effet rapidement atteindre des difficultés très importantes! Les voies spitées quant à elles ne cotent souvent que A2 et peuvent être (très) longues à parcourir avec des placements complexes…

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Archibald 13 years ago

100% d’accord avec cette initiative!! C’est vrai qu’il y a un gros manque dans ces cotations encore plus objectives que pour le libre. Ainsi certains C1 deviennent grade C, et certaines échelles à pitons cotées A2/3 auront un sens sur le papier.

[quote=« FMJ, id: 1166915, post:3, topic:109617 »]Je souscris totalement !

Par contre au lieu de chute impossible pour du 0, je mettrais plutôt quelque chose style « hauteur de chute très limité ». Car même en faisant du point à point on peut s’en coller une. De 1-3m. Mais c’est quand même une chute qui peut avoir ses conséquences, même minimes.[/quote]

Très sincèrement, j’utilise le ropeman et dans ce cas je ne vois pas comment tomber… il faudrait tout lâcher et sauter?

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titus_haenni 4 years ago

Je m’excuse de déterrer une si vieille conversation, d’autant plus en tant que non artificeur, mais je ne comprends pas la notion d’exposition.
Choisir la longueur de chute comme critère primaire me paraît arbitraire. Dans une longueur p. ex. bien déversante, il me semble qu’un gros vol avec 2-3 points arrachés, stoppé par un point béton, peut se finir très bien.
Tandis qu’un plomb de quelques mètres sur une mauvaise vire suffit à se blesser méchamment. Voire arracher un relais pourri, dans le pire des cas.
Peut-être que c’est des réflexions d’escalade sportive qui ne s’appliquent pas en artif? Mais voilà, je suggèrerais d’évacuer le critère « longueur » de la notion d’exposition.