Traversée des arêtes de la Meije

Activités :
Catégories : récits
Type d'article : collaboratif (CC by-sa)

Cela faisait un bon moment que Pol m'avait touché mots de son extraordinaire projet d'effectuer la traversée des arêtes de la Meije. Mon enthousiasme s'ajoutant à sa frustration d'avoir dû faire demi-tour le week end précédent pour cause de mauvais temps, nous partons à l'aventure en ce vendredi soir, il est déjà 17h, la frontale ne sera pas de trop pour achever la route qui nous mène au refuge du promontoire vers 21h. Pol,d'humeur mystic (il faut dire que notre environnement parait irréel) m'exhorte de ne pas céder à la tentation d'allumer la frontale.
-On y voit mieux sans ! Ça sert à rien.
Je suis essoufflé, si je courais allégrement sur le plats, la dernière partie qui mène au refuge du Promontoire où nous allons passer la nuit est très raide et voilà plus d'un an que je n'ai pas fleurté avec la haute altitude. J'ai la tête qui tourne légèrement et cette sensation qu'on éprouve quand on a trop soufflé sur un feu de bois humide pour l'allumer. Pol ici marche sans peine. Vers 20h30, à la recherche d'un cheminement complexe au milieu du chaos labyrintique des blocs, j'allume ma frontale sans scrupule. Un marcheur québécois vaillant et sans sac cherche ses compagons, je lui emprunte ses bâtons pour les derniers mètres, il me propose de porter mon sac, je décline l'offre.
-La fiertée !!!
Qu'il me dit ! A 21h nous sommes au refuge l'ambiance y est aussi internationale qu'euphorique, j'ai la nausée mais je ne suis pas le seul. Après quelques litres de soupe avalés très doucement et un anti vomitif, ça va mieux.
Ma blessure au pli de l'aine dû à un abus trop prononcé de ski roue et de spéléo semble ne pas trop vouloir se rappeler à moi. En revanche mon manque de pratique récent de la haute altitude et le chrono sérré qu'il va falloir tenir demain pour avaler les 2000 mètres de dénivelé cumulés me fait dire à Pol:
-Ben mon Polo je sais pas ce que ça va donner, on va tenter mais je prêfère te dire tout de suite que c'est pas gagné. Au pire, tu connais bien le chemin du rappel a mi-course !
Mon ironie ne le rend pas hilard mais pas non plus grognon. Demain est un autre jours comme dit l'adage.
Alors qu'on rejoint le grenier, le couple qui l'occupe nous prend en photo pyjama, contrataque immédiate de vidéo !!!
L'ambiance est joyeuse.
Café, 4C, cassé c'est partit ! A la frontale ! Pol connait bien le début de la course pour l'avoir fait récemment. Le soleil arrive ensuite et avec lui la conscience des autres cordées. Nous sommes huit aujourd'hui dans la course, soit plus de 16 personnes un peu éparpillées sur le granite des arêtes. On laisse passer nos anciens camarades de chambre qui partis plus tard nous on déjà ratrappés. Il se proméne sereinement sans poser de protection. Les arêtes de la Meije sont une course d'alpinisme mixte très longue. Les guides les plus rapides qui connaissent cette course par cœur la boucle en 9h pour les autres 15h c'est une bonne moyenne. Il s'agit donc de trouver le bon compromis entre sécurité et vitesse, Pol et moi protégeons plus que les autres, mais notre rythme est tout de même honorable.
L'ascenssion se passe sans heurt malgré un passage peu serein au milieu des blocs instables et des cordées superposées. L'ordre des cordées ne cesse de s'inverser entre ceux qui prennent à gauche, à droite, au milieu. L'itinéraire est relativement libre dans la mesure où nous posons nous même nos friends, sangles ou coinceurs.
Le sommet, la vierge, l'opinel rouillé, les figues si délicieuses.
On redescent, on traverse, on remonte, à chaque point haut on constate l'immensité du chemin restant à parcourir de préférence avant la nuit. Face au défi, le mot course prend tout son sens. Mais loin d'être inquiétant il n'est qu'une motivation supplémentaire dans la danse devenue quasi automatique qui me mêne à travers ce royaume si grand, si haut que je me sens comme porté par les dieux.
Une certaine traversée d'arête avant de rejoindre un petit bout de chemin câblé, bien que très esthétique n'ai pas des plus rassurante, les crampons crissent sur la roche dans un bruit stridant et entame le morale de Pol qui tient la tête de notre binome depuis le matin.
Alors qu'il amorce la remontée de la via, un de ses crampons se désenclanche. Mon Polo commence à donner des signes de fatigue morale. Je prend la tête, je suis échauffé, nous sommes sur la glace, mon matériau de prédilection, il est temps que moi aussi je m'exprime. L'alternance de montée et descente dans l'alentour des 4000 mètres m'a laissé le temps de m'acclimater, je n'ai plus aucun signe de vertige. J'escalade la via à toute vitesse, arrivé en haut c'est du rocher. Grimper en tête sur de la roche avec un vide colossal de chaque côté c'est nouveau pour moi. J'ai besoin d'être sûr de l'itinéraire, la cordée de nos camarade de chambrée qui nous avaient doublé pour ensuite se perdre dans un enfer instable, nous redouble et son meneur me montre la voie. En le voyant grimper mon obstacle en crampons avec autant de facilité je retrouve un peu plus d'objectivité sur ce qui est faisable et ce qu'il n'est pas ! C'est parti, je m'élance à mon tour avec quelques suplémentaires entre Pol et moi que je régule à la demande. J'ai un exercice de choix pour mon entrainement à la pose de coinceurs et autres doudous magiques. Nous évoluons assez vite même si Pol a raison de maudire ma pose très foireuse à deux reprise de coinceurs qu'il doit s'échiner à enlger tant bien que mal au prix de l'onglet, ceux-ci le forçant à enlever ses gants au milieu du vent thermique de la fin de journée.
Le soleil s'éloigne de plus en plus, nous sommes à l'ombre,le froid nous mord à chaqu'un de nos arrêts voir plus.
Les cordes s'emmellent, la bonne humeur de mon compagnon, lui que je n'ai encore jamais au grand jamais entendu raller, s'enfuit. Un dernier rappel nous prenons enfin pied sur le glacier qui nous sépare du refuge de l'Aigle. Peu de chance que nous regagions Grenoble ce soir. Première crevasse franchie en rappel, c'est un beau spécimen d'une profondeur insondable. Nos camarades associés à la cordée d'espagnol me demandent s'ils peuvent utiliser notre corde, car la leur les entrainerait dans la crevasse sauf si.... si je tire le premier hors de celle-ci. C'est donc les un après les autres qu'ils traverseront cette immense et belle creuvasse.
Le froid nous mord de part en part, Pol a allumé sa frontale, je le charie lui qui vantait les merites de la lumière naturelle.
Quand à la mienne, le modèle puissant, ramené de Croatie que j'utlise pour la spéléo s'avère très utile, je suis un sémaphore sur pates qui mène d'étrange brebis dans un étrange décors. Il s'agit de retrouver les traces soufflées du glacier en espérant que leur cheminement sois aussi récent que pertinent au milieu des pont de neiges et autres nombreuses creuvassent à franchir encore pour atteindre le refuge de l'aigle.
Puis dans la nuit, l'impression que quelque chose se démarque sur un pic rocheux, je cris:
-ça y ai je le vois ! en parlant du refuge,
puis ne voyant plus rien:
-Ah ben non, j'ai du halluciner mon Polo désolé pour la fausse joie !
puis Pol:
-La haut !!
Effectivement, des frontales s'agitent. Nous y voilà !
L'intérieur du refuge est magnifique tout de bois vêtu, il y fait aussi chaud que l'ambiance y est extra !!!
Une très belle soirée, on nous offre généreusement charcuterie, soupe fromage, je converse en espagnol avec délectation ! Jamais je ne me lasserai de cette langue que je préfère même à ma langue natale. Il y a ces deux demoiselles d'une humeur joyeuse. Elle appartienne à l'équipe espoir excellence d'alpinisme d'espagne.
On plaisante beaucoup sur l'Andalousie et la catalogne ou j'ai habité puis en voyant l'une d'elle découvrir un jambe bien abîmée, j'apprend qu'elle on bien failli mourrir durant la journée, une chute de 4 mètres sans protection, la seconde s'est agrippé à un becquet et a retenue sa camarade d'une chute vertigineuse. Je m'étonne de leur humeur si joyeuse en telle circonstance, mais celles-ci me disent que c'est bien normal d'être très heureux après avoir failli tout perdre mais avoir survécu.
Une nuit à mal dormir, froid…, à essayer de dérober un peu de chaleur à ma camarade.
Nous repartons au matin, je n'ai vraiment pas envi de redescendre, le spectacle qui s'offre à la porte est d'une beauté rare. Je fais de très nombreuses photos et traine un peu des pieds, mais il faut y aller.
1) ma mère doit s'inquiéter puisqu'on pensait redescendre hier soir,
2) Pol devrait déjà être à son travail à l'heure qu'il est.
Encore de nombreuses et belles crevasses à traverser.
Une via ferrata… un rappel quelque peu douteux de mon invention que Pol refuse de cautionner, je peux comprendre, de la prairie, un petit village de toute beauté, un villageois qui à vue nos lumière de tout en bas dans la nuit, sa gênérosité qui démarre l'auto pour mener toute la joyeuse équipe à bon port.
De très bonnes discussions en covoiturage avec nos voisins de chambrée au sujet de l'énergie (le conducteur ingénieur en génie électrique).
Il est temps de rentrer, mon portable refuse toujours de s'allumer, je m'inquiète pour ma mère qui sûrement s'inquiète beaucoup pour moi.
Aussi loin que l'on essaye de la repousser, la gravité nous rattrape toujours.

Meilleurs pensées à tous et une toute particulière pour Bronto fidèle compagnon souterrain dont l'humour unique et la sensibilité toute particulière me manquera à jamais. Bronto tu nous à quitté hier, comment est-ce possible !!!!!