Août s'était terminé en queue de poisson. La plupart des collectives annulées, plus d'envie de retourner vers cette montagne meurtrière. Le VTT servait d'ersatz pour l'effort physique, mais dans les têtes c'était le vide, comme une crevasse sans fond.
Septembre prenait le même chemin. Les arbres se teintaient, la nature préparait son endormissement. Mais pas notre mémoire. Le choc avait été trop dur. Un vieux bulletin qui traîne, une photo, les skis dans le garage, les topos dans la bibliothèque, étaient autant de piqûres de rappel. Impossible d'oublier. La seule joie collective du mois fût d'emmener les handicapés à Roche Colombe. Violente, jaillissante. Ce jour-là, c'était un vent de folie. Ce jour-là, nous avons peut-être eu de la chance que tout se passe bien. Mais la joie est sur les photos, et c'est l'essentiel.
Octobre arrivait et toujours pas de projet. C'est alors que le vent a soufflé de l'Ouest et que la perturbation est arrivée. Longue, intense, froide. La neige au Lautaret ! C'est le signal : c'est le ski qui va me ramener vers la montagne.
Quelle course choisir ? Il faut un glacier non crevassé pour retenir cette mince couche de neige (30cm), et une route haute en altitude. Le choix est vite arrêté : ce sera le Goléon et son glacier orienté Nord. Et comme la course est longue et la forme absente, nous la ferons en deux jours, avec bivouac.
Une forme d'hommage, en quelque sorte.
Les sacs sont déjà bien lourds sans les skis, mais Patrick et moi les prenons quand même: l'envie est irrépressible.
Qu'elle était belle cette nuit de pleine lune face à la Meije, n'est-ce pas, Fabien ? Comme ça fait du bien de remettre ses crampons pour déboucher sur l’arête au soleil, n'est-ce pas Philipe ? N'avaient-ils pas une saveur particulière, ces premiers virages de la saison dans une poudreuse de rêve, Patrick ? Oubliés, les 800 mètres de portage pour 700 de ski. Les chiffres sont absurdes : 8 heures de portage au total pour 20 minutes de ski. Mais ces virages-là restent inoubliables.
C'était le 20 Octobre 1997.