Amasonha

Activités :
Catégories : récits
Type d'article : individuel (CC by-nc-nd)
Contributeur : escalibre

CHAPITRE 9 : ESCALADE À RIO

Marc est impatient de mettre le pied sur la falaise Corcovado. Le Christ Rédempteur ne l'attire pas vraiment mais, ce lieu l'impressionne par l'ampleur de la paroi perchée à cinq cents mètres, au-dessus de la ville.

Marc.
Voilà deux jours que Cristina me châle avec sa petite Clio de location. Ce matin, elle est décidée à escalader le rocher du Christ qui garde cette ville dépourvue de sagesse. Hier, nous avons acheté le nécessaire pour grimper. Elle a choisi de jolis chaussons roses un peu trop bling bling à mon goût mais les désirs de Cristina s’apparentent au dicton : « Ce que femme veut, Dieu le veut. » Les yeux du vendeur, quand elle a essayé un seyant baudrier en accord avec son pantalon Jean bien moulant, clouent définitivement son choix. Lorsqu'au pied de la voie je déballe mon matériel, j'ai l'impression qu'il date de Mathusalem. Les couleurs sont passées et la corde ne sent pas bon, comme du nylon tout neuf. Peu importe, car Cristina a une confiance absolue en ma technique, elle voit en moi un grand routard des parois, je compte bien honorer mon statut. Je choisis l'itinéraire le plus classique du secteur, la voie K2. Alors qu'une cordée de deux jeunes anglais est sur le point de démarrer l'ascension, ils nous proposent spontanément de passer devant eux. Je les vois venir, ils veulent lui espincher les fesses. Moi, aujourd'hui, je suis fair-play. Je leur rends leur délicatesse avec mon meilleur accent à la one again. Ce qui est plaisant avec Cristina c'est qu'elle comprend tout et son petit sourire me donne des ailes. Seulement les deux English, ce sont de vrais stàssi. Voilà pas qu'ils se mettent à essayer le premier passage, et je monte et je redescends et à toi d'essayer ! Au bout d'un quart d'heure d'hésitation, alors que nous attendons harnachés, Cristina me demande comment on grimpe en tête de cordée. Je lui montre les manœuvres d'assurance. Elle me prend une douzaine de longes et part en tête, sous l’œil médusé des deux rosbifs. Cristina, c'est un ressort prêt à exploser. Ce n'est pas très poétique, mais je n'ai pas d'autre explication, comme diraient Éric et Ramzi. Je la vois grimper pour la première fois et là je reste la bouche ouverte comme un loup hors de l'eau. J'ai un peu peur et n'ai d’yeux et Dieu que pour elle. Elle a des ailes, comme un ange. Je pense qu'elle me les a prises lorsque j'ai volé son sourire. Cette fille me rend calu et je vais finir crucifié sur cette montagne à côté du grand rédempteur. Cristina est un danger public, elle vous tourne la tête comme un rien. Je suis sûr qu'elle arriverait à déplacer des montagnes sans que vous vous en rendiez compte. Mais elle est droite et honnête et s’arrête à mon cœur. C'est pour ça que je l'aime !
Voilà trois longueurs qu'elle enchaîne avec la grâce d'une danseuse. La première est une Dülfer très physique, j’admire la technique de Cristina qui place son bassin en ouverture pour éviter de passer en force. Je reprends la tête de notre cordée. C'est juste une affaire de macho. Pour Cristina, ce n'est pas un problème, elle a tout pour elle, l'honneur des mâles ne lui fait pas peur. La seule chose qui la dérange, c'est l'insécurité des siens. Même si elle n'a pas d'enfant, elle défend sa famille comme une louve ses petits. Elle me l'a dit hier, car je commence à comprendre son langage.
Autant j'ai pris plaisir à voir ses deux jolies fesses onduler dans son baudrier et son bassin se coller au rocher, autant je me régale maintenant d'observer son visage à la recherche des prises de la voie. Elle est appliquée et, lorsque nos regards se croisent, je ressens sa joie de vivre, les gestes primitifs de l’escalade, les gestes de la vie, les gestes de tous les hommes, tous les jours, depuis la nuit des temps... ...Amasonha 230 pages

Commentaires

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Carcharoth 9 years ago

Ah ben voilà !
Je suppose que tu en auras toujours dans ton coffre, je t’en prends un dès que l’on re-grimpe ensemble !

Bises :slight_smile: