Beau comme le bonheur
En fait tout allait bien. Tout s’enchaînait bien depuis ce matin, pas un faux pas, pas une anicroche !
La montée sympa dans les rhododendrons, le superbe plateau de la Sassière et les pics enneigés, le grondement sourd et puissant des torrents gonflés de l’eau des glaciers, et même l’approche sur ce sentier caillouteux jusqu’au pied de la voie.
Les spits comme un marquage discret, points salvateurs, brillants parfois, cachés des fois, l’escalade s’enchaîne.
Rocher sain, franc et solide, noir ébène, chaud comme la braise sous le soleil de plomb.
Clic-clac, la dégaine dans l’œilleton du spit, la corde qui se déroule, tire parfois quand le second rêvasse calé confortablement contre son caillou.
Relais, Vaché ! Avaler la corde, suivre son compagnon, anticiper ses mouvements...
Pics enneigés, glaciers ventrus, l’arrivée des premiers moutons blancs sur les sommets, ouf un peu d’ombre, un peu d’air.
Et puis enfin, déjà, le dernier pas, un peu plus engagé, et la terrasse où paresseusement on s’affale dans un grand bien-être réparateur.
Les autres cordées sympathiques s’engagent dans le rappel.
Nos pas nous conduisent plus haut, plus loin, là bas dans ce vaste désert de roches moutonnées, de névés où l’écho du vent résonne contre les parois.
La notion du temps nous a échappé, dans notre bulle de bonheur nous arpentons la montagne sans but précis, sauf celui, de redescendre... un des ces moments... peut être !