Songes sahariens.

Activités :
Catégories : récits
Type d'article : individuel (CC by-nc-nd)
Contributeur : Patrick Prele

Paresseusement allongé sur le dos, au sommet du dôme de l’Ouille Noire, mon esprit vagabonde dans mes souvenirs, s’envole vers mes rêves.

Il fait chaud, beaucoup trop chaud. Le dôme sommital est à moité déneigé.

L’avantage c’est que j’ai de la place pour me régaler de ces trop rares siestes que procurent ces moments de plénitude en haute altitude.

L’air est chargé de particule fines qui ternissent la clarté si cristalline des ciels mauriennais.

L’air est sec, on sent presque la touffeur saharienne.

Je sombre petit à petit, et avec délectation dans une douce somnolence, où le réel se mélange à l’imaginaire.

L’odeur caractéristique de cet air chaud empreint du sable du désert m’emmène dans les récits du grand Frison, bercé par le pas ondulé de la méharée conduite par les Bernezat et leurs guides touareg.

Une douce odeur de thé au bord d’une guelta, un petit vent frais...

J’ouvre un œil, non je suis toujours en face des Ciam’ dans ma Maurienne.

Mais rien n’y fait, je replonge dans mes songes.

Mes pas laissent de profondes et fugaces traces dans le sable chaud couleur d’or, qui tapisse le fond de l’oued au pied des Tezouleg.

La touffeur est écrasante, le silence d’une profondeur absolue.

Ma main caresse les premiers rochers de ce granite rugueux mais pourtant si doux au toucher.

A nouveau la réalité me rattrape, je ne remontais qu’un raide névé sous le col de l’Ouille noire quand j’ai coupé par de raides schistes noirs déjà gorgés de chaleur !

Comme un puits sans fond, dans la spirale de mes rêves, je rejoins la voie normale de la montagne des Génies, la Garet el Djenoun.

Les pas s’enchaînent, serein au milieu de l’immensité du désert.

L’écrasant infini me happe, réveil en sursaut, je suis toujours sur ce havre de bien-être face aux glaciers scintillants de la chaîne frontière.

Ma vision s’embrouille. Les images se superposent, les montagnes du Hoggar en superposition à celles de haute Maurienne.

Singulier panorama que je m’évertuerai à immortaliser en vain. Preuve s’il en est que songes et réalité ne fond pas qu’un !

Je suis un gourmand, épicurien peut être, alors je retourne dans mon imaginaire.

Je marche solitairement, face au soleil déclinant, bercé par le vent chaud du désert, sur le dôme de Tesnou.

Je disparais alors dans les songes de mes rêves...

A chaque instant je m’attends à me voir survolé par l’avion de Saint Ex’, et quelques pas plus loin, l’étrange boite avec les trous sur le coté dans laquelle se trouve un mouton.

L’éclaireur de réverbère allume les étoiles, la rose se referme, le renard rentre dans son terrier, mon chech flotte dans le vent.

Suis je donc parti si loin ? Le regard hagard, les yeux dans le vide, je me raccroche au grand cairn contre lequel je me suis assoupi.

Le cours inexorable du temps m’a rattrapé, la fuite n’est plus permise.

A regret je quitte le monde troublant de mes songes alors que mes pas laissent de profondes et fugaces traces dans cette neige étincelante, mélange de cristaux de glace et de poussière du désert.

Fred, un jour c’est promis, nous iront là bas dans le pays de nos songes...