J'ai rencontré le père Gaspard!
J'ai rencontré le père Gaspard!
Vingt sept ans séparent ces deux ascensions, toute une vie ! Toute une vie de montagne, de passion, de partages, d’amitiés. Toute une vie !
Fin Juillet 1980, je viens de passer mon Bac ! Ma sœur "Nano" son Brevet !
Deux jeunes qui feront une rencontre d’un autre temps au sommet, oui d’un autre temps. Le temps d’une vie !
Il fait chaud, et nous venons de passer la brèche qui mène à la facette sud sommitale. Je ne sais pas trop par où monter.
Je n’ai pas de topo, à l’époque ce n’était pas si bien détaillé qu’aujourd’hui !
Ah,si un topo ? Celui de mon grand père, un superbe bouquin du TCF de 1932 ! Toute une vie…
Je décide de suivre l’arête qui surmonte directement la brèche et qui mènera forcement au sommet. C’est ce qu’il y a d’écrit sur le topo de 1932.
Le départ est lisse, mes « super guide » toute neuves adhèrent bien. Un béquet, une sangle, le gaz…
Et là, la grande, la belle, Ma Meije droit devant.
Je ne me souviens plus de cette arête que nous avions trouvé « gazeuze » avec Nano.
Sommet, nous sommes seuls.
Et puis non, une cordée déboule à grand pas dans l’escalade de la facette sud.
Deux messieurs.
De loin, ils ne font pas « comme d’habitude » ! Et puis ils arrivent au sommet.
Nous entrons dans un autre temps, nous laissons la place à ces deux vieux messieurs, habillés au temps d’autre fois, habits en drap de Bonneval gris, grands chapeaux…
On a rencontré le père Gaspard !
Bonjour timide et respectueux de notre part, accueil respectueux et chaleureux de la leur.
Mais ou sommes-nous ? Quand sommes-nous ?
Je suis dans le livre d’Henri Ysselin, « La Meije » paru pour le centenaire de l’ascension de Gaspard, que je viens de finir de lire !...
Ce sont deux frangins du Chazellet, respectivement 78 et 83 ans ! Ils ont bourlingué durant leurs carrières et sont revenus au village. Alors ils ont décidé de « refaire » un Râteau.
Je suis ailleurs, admiratif, intimidé. Je ne saurais décrire mes émotions.
De leur part, les éloges pleuvent sur notre jeune cordée et eux aussi sont admiratifs de notre jeune passion de la montagne, nostalgique de notre jeunesse.
Nous écoutons admirativement leurs recommandations de prudence et ils s’en retournent.
Un grand vide, un énorme vide s’ensuit. Mais ou suis-je ?
Un grand vide jusqu’au retour dans la vallée ou je me souviens de la grosse glace pleine chantilly sur la Terrasse de l’hôtel de la Meijette avec « Nano »…d’où les anciens observait la Reine Meije.
Que d’émotions, que de souvenirs, rencontre d’ailleurs inoubliable.
Début Aout 2007, j’ai envie de revivre cette rencontre, ce retour à la grande époque, cette émotion qui me troublent encore aujourd’hui.
C’est avec mes compères Fred, Jérôme et Rémi que je partagerai ces instants magiques auprès de Ma belle, Mon rêve, La Meije.
Le Râteau c’est une façon humble de l’approcher, de la voir et de l’aimer encore plus.
Aujourd’hui, on tente le record d’altitude de Fred. On l’a motivé tout le printemps et motivé il l’est !
Montée au col et progressive sur le glacier, et puis le rocher fauve, doux et adhérent.
Sur le caillou Fred retrouve son aisance, et « ça monte » vite, pur plaisir au chaud soleil de l’Oisans dans un panorama exceptionnel.
Cette fois ci ce ne sera pas l’arête mais une petite face Sud de 100m environs un peu a droite du sommet ouest. On y aperçoit quelques clous.
Nous n’avons qu’une corde de 25 m à double. Tant pis nous ferons de petites longueurs.
On grimpe pur plaisir, dans un 3/3c ludique. Les gestes s’enchaînent naturellement, tout est évident.
On avale les 100m à vitesse grand V. On est ailleurs, seuls, reliés par cette corde qui nous fait partager nos émotions. Nous ne faisons qu’un. La cordée est unique, nous oublions l’alentour.
Et puis l’arête, fine, « gazeuze », que je crois la reconnaître. Quelques pas et nous voici au sommet.
Fred, paris gagné, tu as fais ton « presque » 3800, et en courant ! Instants magiques, de plénitude, de partage, d’amitié.
Une photo avec un grand sourire immortalisera cet instant fort, cette journée d’émotion.
En bas tout petit, le Chazelet. Où sont mes deux vieux messieurs d’il ya 27 ans ?
A cet instant mes pensées les rejoignent, leurs paroles chaleureuse de sagesse et de prudence me reviennent.
Merci, merci pour votre gentillesse, a tous, vous que j’ai rencontré,vous qui m’avez accompagné.
Le Râteau, montagne d’un autre temps, temps des rencontres, des émotions, aujourd’hui encore…
Et Fred a gagné sa grosse glace à la Chantilly sur la Terrasse de l’hôtel de la Meijette… d’où les anciens observaient la reine Meije.