Ski Drômois

Activités :
Catégories : récits
Type d'article : individuel (CC by-nc-nd)
Contributeur : JohnD_l.aventurier

Descentes exceptionnelles réalisées dans la Drôme en 1999.

Ski Drômois, ou chronique d'un hiver pourri

Du ski de randonnée dans la Drôme, quelle idée saugrenue ! En 1970, Alain avait skié la face Ouest du Roc de Toulau, et Manu le couloir du château à Crussol. Deux descentes extraordinaires qui m'ont fait rêver quelques soirées d'automne.
En cet hiver 1999, avec ses conditions exceptionnelles, le ski dans la Drôme était de nouveau chose possible. Souvenez-vous, le Dimanche 10 janvier, la neige s'abat sur la Drôme, provoquant bien des soucis chez EDF. Le samedi suivant, avec Olivier, nous nous rendons au bout de la route à Omblèze. Objectif: la face Ouest du Roc de Toulau, mais en partant de la vallée, pas du col de la Bataille! La chance est avec nous: il y a assez de neige pour skier jusqu'à la voiture. La surprise aussi: il y a déjà deux traces, visiblement de la veille, un skieur et un monoskieur. Mais ils sont partis faire un grand tour par le fond du vallon pour gagner l'épaule sur le bord gauche de la face. Nous tracerons un itinéraire plus direct, par le ravin et sortie de la face juste à gauche du sommet.
Le Lundi soir, à la lumière de la ville, Christophe ira en Ardèche s’offrir le couloir sous le château de Crussol en guise de promenade digestive.
Puis, les perturbations se succèdent en février, on atteint le risque 4 sur le Vercors pendant 3 semaines, vous imaginez sur Belledonne et les Alpes du Nord ! Et l'envie de skier qui est là… Il y a longtemps, en automne, j'avais suivi les bouquetins dans le couloir au bout de la vire d'Archiane. Le descendre à skis un jour? Encore faut-il de la neige… En janvier, j'avais acquis la certitude en examinant le carte, que la bonne descente du Glandasse était sur Archiane par la combe Veyranche. Enfin, le 27 février, le beau temps est de mise. C'est parti pour Archiane avec Christophe et Olivier. Nous n'avons aucune idée des conditions de neige ni de la limite d'enneigement skiable, donc encore moins de la course que nous allons réaliser. La chance est décidément avec nous, puisque nous réaliserons les deux descentes (2000m de dénivellée) dans des conditions exceptionnelles: 10 mn de portage pour le couloir des bouquetins qui navigue entre poudreuse et transformée, et déchaussage au torrent d'Archiane pour le Glandasse, en poudreuse tassée et transformée regelante vu l'heure tardive pour un versant Est. Au fait, pour la combe Veyranche, il faudra revenir: un couloir beaucoup plus direct (donc plus raide) et nettement plus esthétique (il surplombe Archiane) a irrésistiblement attiré nos spatules…

Le 6 mars, la météo est encore pourrie et le risque fort. Mais à 10 jours de la Pierra Menta, avec Olivier, il faut bien s'entraîner. Aujourd'hui, ce sera les Trois Becs, en traversée allée-retour avec descente et remontée du pas de Picourère, çà fait 9 manips, parfait pour l'entraînement. Et encore du ski dans la Drôme.

Le 7 mars, nous partons vers le Sud avec Thierry, le nez au vent et les skis sur le toit. Au nord il fait mauvais et nous avons envie de skier au soleil. Crest, Saou, Bourdeaux, Crupies, Bouvières, il fait mauvais sur la montagne d'Angèle et il est déjà 10 heures. En face, la montagne de Miélandre est au soleil et semble nous offrir un couloir nord-ouest enneigé. En fait d'enneigement, il est surtout dans la face nord-est: 30 cm de poudreuse sur de l'herbe, et vue sur la forêt de Saou par le sud et la vallée du Rhône. Du ski à la frontière de la Provence! Nous la skierons par trois fois, pour amortir le portage: Thierry soucieux de ses semelles préfera finir la descente à pied. Quant à mes vieux skis-fromage, ils me permettront de repousser les limites de l'enneigement skiable… jusqu'à la voiture!

Enfin, le 24 mars, grâce à un enneigement encore abondant, un vieux rêve se réalise: atteindre le Grand Veymont par le pas de Chabrinel et la plaine de la Queyrie. Et comme la face sud-est convoitée n'est qu'une énorme plaque posée sur un plan de glissement, nous nous rabattrons vers un couloir juste au sud, plus stable nivologiquement et un tantinet plus intéressant techniquement. Et enfin des photos de ski avec le Mont Aiguille en second plan.

Voilà comment transformer un hiver pourri en saison exceptionnelle: un brin de nivologie, un peu d'audace et un zeste de chance pour les conditions. Attention, un niveau minimal de descente est recommandé: j'ai passé sous silence les parties en forêt, plutôt touffues dans la Drôme, car je les ai déjà oubliées. Mais à chaque fois, c'est une aventure: pas de topo, et cet ineffable parfum d'inconnu.
Promis l'hiver prochain: la montagne d'Angèle c'est superbe, et j'ai encore repéré 2 ou 3 autres spots d'enfer…