Ethiopie : janvier-février 2018:
Récit d'un voyage pas ordinaire, dans un pays extraordinaire, réalisé par un couple sexagénaire ordinaire
Récit d'un voyage pas ordinaire, dans un pays extraordinaire, réalisé par un couple sexagénaire ordinaire
Nous revenons d'un voyage en Éthiopie du N où nous avons fait essentiellement du tourisme agrémenté d'un peu d'escalade, sujet qui vous tient peut-être plus à cœur.
Avant de passer aux choses sérieuses un mot au sujet de cet étonnant pays.
Pour le visiteur l'Ethiopie offre des sites architecturaux et naturels uniques : les églises enterrées de Lalibela, de beaux parcs pour la randonnée, Simien Natural Park où l'on peut se trouver en compagnie de hordes de babouins, des volcans actifs, Erta Ale, le massif de la Gheralta qui ressemble à l'Utah mais qui a vu essaimer de petites églises d'accès éloigné et parfois difficile (besoin de cordes), creusées dans un grès doré très tendre
Références grimpe
Alain Bruzy : descriptifs de quelques voies : facile à trouver sur Internet
Pat LittleJohn le pionnier a écrit dans l'American Alpine Journal :
on peut trouver ses récits sur le net
Guide to rock climbing and Bouldering in Ethiopia 2014 : c'est une compilation de récits/topos vraiment très utile
https://kupdf.com/download/a-guide-to-rock-climbing-and-bouldering-in-ethiopia-2014_59a2dd93dc0d60034b568edd_pdf
Equipe de Grenoblois ayant ouvert une voie que l'on a répétée près d'Adwa; dans
"Guide to rock climbing and Bouldering in Ethiopia 2014"
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Gonder (ou Gondar) MOLALIT (rocher basaltique solide)
Ville de 300 000 habitants
Grâce à un grimpeur français, Alain Bruzy qui a ouvert des voies dans le N Ethiopien, nous partons repérer un sommet MOLALIT situé à 25mn de voiture au S de Gondar.
Nous nous faisons royalement avoir : 180 $, une fortune en Ethiopie pour organiser notre transport avec un "guide" (qui ne connait pas plus le coin que nous) et un scout armé, ce qui nous a peut-être valu de ne pas être caillassé par les enfants.
Arrivé au pied du Molalit, mollard de 150 m de haut nous en faisons le tour avec le guide, le scout et la bande de curieux venus se joindre à notre troupe sans trouver de ligne évidente.
Finalement nous choisissons un mur qui mène vers une fissure.
Premier coinceur 3 m au-dessus de sol, tout baigne.
12 m plus haut, ça se redresse, toujours pas de fissures à coinceur, des jambes flageolantes, et une assistance prête à ramasser ma viande et ma cervelle si j'ai le bon goût de chuter.
Je redescends prudemment. C'est raté pour cette fois-ci : je ne terminerai pas dans la marmite ce soir là.
On repère un peu plus loin une fissure qui je sens va devenir très amie de nos coinceurs et autres friends
Relai après une belle longueur en 5c. Claude me rejoint et nous voilà reparti sur un 5b un peu moins beau : relai dans une grotte chiasseuse au possible. Dur d'épargner à la corde le contact avec les divers excréments qui tapissent notre belle grotte.
Sortie de la grotte par un bon petit coup de rein. On retrouve le soleil, mais aussi une montagne d'herbes qui mène au sommet.
Nous rappelons et retrouvons notre équipe un peu ramollie par le soleil et par les longues heures d'inactivité : personne ne veut grimper. Ouf on rentrera à temps à Gonder pour le dîner
Adwa (rocher basaltique solide)
Adwa est au centre d'une nuée de sommets avec un potentiel d'escalade impressionnant
À nouveau grâce à Alain Bruzy, premier repérage vers le mollard OTOWODIKO, haut à vue de nez de 200 m. Personne dans le coin ne semble connaître ce nom. On n'est pas doué avec l'accent local.
On va repérer. On aperçoit le mollard en question et après une h. de marche depuis Adwa, et on se retrouve en dessous d'un chicot avec des colonnes très invitantes.
Problème : elles sont délimitées par des fissures fines et souvent bouchées et on n'a pas de pitons, que des coinceurs. Il faut renoncer.
On aperçoit un pilier fracturé que l'on pense parcourue d'une voie ouverte par Alain Bruzy & Co mais on n'en est pas sûr.
En attendant on poursuit notre chemin en se dirigeant vers une grande retenue d'eau qui alimente plusieurs villes.
Quand on y arrive, guidé par un jeune ado, on tombe sur un vieux garde. Il prend notre guide par la nuque et commence à le secouer fort. Celui-ci réussit à s'échapper, et prenant ses jambes à son cou détale. Le vieux nous fait signe de dégager : "I don't speak Amhari" lui dit-on d'un air goguenard. Il rentre dans sa cahute et ressort avec une kalachnikov, l'air de nous dire :
"... et ça, ça vous parle ???".
OK OK on s'en va : oui mais pas du bon côté, vers le pipeline Chinois qui servira à alimenter les villes du coin. Le vieux commence à être menaçant. On fait demi-tour et on laisse le vieux se morfondre dans son aigre solitude.
Le lendemain on arrive au pied du chicot OTOWODIKO.
On sait pas bien où l'on va grimper. De loin on voit un mur raide et pas trop herbeux. On s'y dirige. Mais il faut traverser des épineux. Et nos rosiers et autres plantes à épine, c'est de la rigolade !
Là bas l'épine ne cède jamais : elle ne restera pas accrochée à vos vêtements ou à votre peau, c'est votre chair qui y reste accrochée.
Finalement on arrive sous une forêt de lianes. On y grimpe pour accéder au rocher: au bout de 3/4 m faut renoncer : lianes trop denses.
5 m. à droite il y a un beau mur.
Ouf, il est 13h00, on galère depuis 3h. dans les épineux, et on démarre sur un beau rocher en 6a, avec quelques griffures pour nous rappeler les joies du retour.
Au bout de la 2e longueur, on est arrêté par un surplomb surmonté d'une énorme mèche herbeuse.
Pour passer il faudrait soit la contourner avec des golos, on en a pas, soit découper ou brûler la vilaine mèche. Zut, j'ai pas d'allumettes, et si j'en avais ma mèche risquerait d'y passer aussi, et j'ai pas de cheveux en trop. On renonce.
Les joie du "free climbing in Ethiopia" !
Le surlendemain direction Sumayata vers la paroir des anges où un groupe de Grenoblois en 2012 ou 2013 a ouvert une voie, documentée par notre infatigable Alain Bruzy, merci à lui.
Ça commence mal car on ne trouve pas le début de la voie. Qu'à cela tienne, nous n'en sommes plus à une ouverture causée par notre prédisposition à louper les voies existantes.
On suit un dièdre barré par une autre méchante mèche blonde d'herbes que l'on contourne par une fissure dévoreuse de friends. Le topo complètement inutile reste sagement dans la poche. Relais.
Puis, belle renfougne suivi d'une dalle : petits bombés vilainement égoïstes : pas la moindre fissure. Bon sang, je commence à transpirer, l'envie me prend de frapper le rocher, mais le dernier point est loin ... je ne le vois plus. Je redescends sagement en serrant fort les prises bien aimées que je tentais un instant plus tôt de bousiller
Et là, à 15 m. sur la gauche je reconnais un beau dièdre vu sur une photo prise quelques années plus tôt par les ouvreurs Grenoblois. Traversée délicate, remontée de fissure, relais dans un petit arbre sympathique.
Départ dans un dièdre yosémitique, bon il ne fait que 15-20 m., mais de loin il fait bien lisse.
Je monte le long d'une fissure dévoreuse de friends jusqu'à la sortie du dièdre. Et là énooorme et très vilaine touffe qui barre la sortie et suinte dans la fissure. Une véritable pieuvre. Pas moyen de la contourner. J'y plante mes ongles, puis les phalanges y disparaissent, et je sens avec horreur la vilaine bête se déplacer vers moi. NoooN.
Un sursaut désespéré, je balance un pied et réussi à crocheter la vire. Un grognement et la bête triomphe de la pieuvre.
Bon la chute était très limitée : j'avais une bonne protection un ou deux mètres plus bas !
On continue par une jolie dalle pas trop protégée, puis par un beau dièdre dülfer facile à protéger.
Dernières longueurs plus faciles.
On arrive en haut à la tombée de la nuit. On essaye bien de descendre : soit la lune brille pas assez fort ou on n'a pas mangé assez de carottes. On n'y voit goutte, ça parait casse-gueule.
On remonte et on rejoint le sommet qui est un beau plateau. Quand on y est notre gentil organisateur qui est en contact avec nous (les relais téléphoniques doivent être sacrément puissants), propose de faire monter la milice, puis se ravise : il n'y a pas de chemin, il fait nuit et il n'est pas sur qu'il y ait quelqu'un qui sache atteindre le sommet.
Après l'avoir rassuré sur notre sort, il me dit d'un air confidentiel en me demandant de ne pas répéter à mon épouse : il y a des hyènes là-haut. En principe il ne s'attaque pas à l'homme, sauf si celui-ci est allongé ... non, là c'est moi qui ait rajouté cela.
Toujours est-il que nous faisons une provision de pierre d'un calibre suffisamment petit pour nos petites mains, mais nous l'espérons suffisamment douloureuse pour dissuader toute hyène de venir goûter notre viande.
Longue et froide nuit : Claude est en T-shirt, pantalon tennis, moi T-shirt, short, tongue. On estime la température à 4 deg. On couvre les pieds de feuilles et terre et le corps avec la corde
Lendemain descente. Mais on apprend que les affaires que nous avions laissées au pied de la voie ont disparu : sacs à dos, téléphone, matos, vêtements. Et en plus quelques jours plus tôt on s'est fait volé notre appareil photo !
On a le moral dans les chaussettes quand on arrive à l’hôtel d'Adwa.
Deux heures plus tard, coup de fil "On a retrouvé vos affaires" nous annonce l'organisateur de nos déplacements. Notre moral remonte en flèche.
Quand on arrive dans le village au pied de notre paroi, je demande au milicien, sorte de police municipale, comment il a fait pour retrouver si vite nos affaires.
"C'est simple, j'ai rassemblé tous les enfants du village" nous dit-il "J'ai hurlé 'qui a volé les affaires des grimpeurs' ". Silence de mort. Le milicien s'avance alors vers trois des garçons qui lui paraissent plus dignes de sa suspicion et leur colle une grande claque : ils fondent en larmes et ramènent quasiment tout saut l'équivalent d'un ou deux euros.
Massif de la Gheralta (grès très variable)
Magnifique massif de grès doré qui abrite parmi les premières chapelles chrétiennes d'Ethiopie.
Le rocher est sableux, parfois très sableux.
On a repéré une petite falaise avec des fissures qui semblent faciles d'accès et faciles à protéger.
Effectivement les 8-10 premiers m. passent bien. Arrive une fissure surplombante: J'y coince la main : pluie de sable. J'y met un friend et je tire : pluie de sable et de friend.
Finalement je réussi à faire tenir deux friends dans le fond de la fissure et je passe, les jambes flageolantes, le cœur qui bat la chamade.
Je pousse plus loin, le rocher empire. Finalement les nerfs craquent : je redescends.
Redescendre : facile à dire ! Je parviens à rejoindre tout tremblotant Claude qui m'assure patiemment.
Je jette un 2e coup d’œil au descriptif de la voie ouverte par une américaine, Majka Burhardt, et là je vois que la voie a été ouverte en moulinette ! Grrrr !
La suite de notre voyage : nous avons randonné dans le massif de la Gheralda, et c'est vraiment magnifique, puis nous avons gravi Le Erta Ale, un volcan actif d'accès pas très facile, mais vraiment magnifique, un autre monde
Conclusion
D'après ce que l'on a lu, on peut faire de la couenne pas loin d'Adis Abeba dans un environnement relativement aseptisé comme on en a l'habitude en France
Mais si l'on veut faire des grandes voies ou même des couennes dans des coins peu explorés en Ethhiopie, ce qui je pense doit être le cas le plus fréquent, il faut s'en donner les moyens, ce que nous n'avons entièrement pas fait.
- D'abord il faut se donner du temps, et la majeure partie du temps sera sans doute consacrée au repérage. À mon avis il vaut mieux se fixer deux ou trois objectifs et rester sur place le temps qu'il faut
- Ensuite l'équipe : je pense qu'il vaut mieux qu'il y ait au moins deux cordées
- Matos : vaux mieux avoir des pitons en plus des coinceurs et des friends.
- Sites : Le rocher basaltique autour d'Adwa est bien meilleur que celui de la Gheralta. Si néanmoins on opte pour la Gheralta, il faut prendre de très gros friends et choisir le grès sombre, plus solide que le grès doré
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