En boucle, montée par le couloir SW de la brèche supérieure d'Aillot et descente à vue du grand couloir gorge W.

Beau temps le matin puis cela se couvre de plus en plus franchement (cumulus vers 2800m)
Iso 0° vers 1600m. Vent faible. BERA : risque 2.

Conditions médiocres, décevantes. La chute de neige de dimanche/lundi a laissé une vingtaine de centimètres dès 1300m (encore présents à l'ombre) plus au-dessus, mais ayant subi un vent de N très fort + le soleil d'avril.
15 min de portage + quelques déchaussages
Montée sur neige dure du verrou + grandes pentes de Coin Charnier. Au-dessus (ventre 2300 et 2700m) on trouve un peu de poudre (20/25cm) dans les contrepentes N, voisinant des zones cartonnées bien plus présentes (et difficilement skiables).
Montée couloir SW : quelques zones avec brassage neige croûtée en surface et poudre profonde au-dessous, mais une majorité de neige dure, beaucoup de reliefs (ne donnant pas envie de le skier ainsi).
Grand couloir gorge W : 200m supérieurs : poudre 20 à 40cm, fond dur fréquent, zones cartonnées ou dures possibles.
Suite du couloir : très goulotté, neige dure voire glacée majoritaire, passage crux en glace + rocher également (inskiable en l'état).
Ressaut au pied en glace (peu épaisse (5 à 10cm)).
Décaillage sous 1950m seulement (vers 16h00)

De belles coulées de poudre récente, notamment sous le verrou du bas (vers 1900m).

Départ : 7h00
Sommet :

Thierry
Il y a cinq ans, j'avais eu la chance de découvrir le couloir SW de la brèche supérieure d'Aillot et de le parcourir en excellente neige. C'est à cette occasion que j'avais découvert l'existence d'un possible couloir encaissé démarrant du même endroit mais plongeant juste derrière... Mais l'encaissement du couloir et son caractère tournant sur le bas font qu'il est impossible d'avoir une vision totale de celui-ci : seuls le bas et le haut du couloir se laissent entrevoir...
Si l'on ajoute à cela que le pied du couloir présente un ressaut de 10m la plupart du temps infranchissable...
On avait tenté ce couloir il y a deux ans mais renoncé à la vision de mauvaises conditions sur le bas. Je pensais que les dernières chutes de neige importantes suivies d'une période de froid pouvaient permettre une tentative ce jour !

Nous voilà donc partis avec Steph, bien chargés (baudrier, cordes, pitons, marteau-piolet...) pour cet essai avec l'idée de le réaliser en boucle, car le ressaut du bas est rarement grimpable (sec il y a 10 jours). Montée assez pénible avec neige dure grip médiocre en bas puis fatigante dans la cartonnée plus haut...
Tiens, surprise, le ressaut au pied du couloir est en glace !... Bon, on reste quand même sur notre option de boucle qui nous plaît davantage et nous évite de rester trop longtemps dans le couloir (risque de chutes de pierres).
On remonte le couloir SW avec plaisir : je retrouve cet environnement magnifique et ce couloir vraiment surprenant car tellement improbable ! Le final au soleil nous réchauffe enfin (on a eu très froid durant la montée ( - 10° ?...)).
On se pose au sommet sur la petite arête marquant la frontière entre les deux couloirs, avec quelques rochers bien pratiques pour le pique-nique ! On repart ensuite sur quelques mètres pour gagner le sommet du couloir sous les rochers (on laisse les derniers mètres en neige dure). La neige est poudreuse au centre, un peu cartonnée sur les bords mais c'est engageant !
Il faut skier prudemment car la neige peut varier vite, que ce soit en surface (poudre, carton ou plus dure) ou sur le fond (poudre ou très dure). On avale néanmoins facilement les 150 premiers mètres. Au-dessous, une goulotte centrale profonde s'est formée ; on skie la contrepente plus raide rive gauche en poudre tassée (largeur dispo 3m) jusqu'à son terminus. Il faut ensuite traverser rive droite en franchissant la goulotte. Passage en neige très dure (limite glace). Puis c'est la déception : la neige à partir de ce point est uniformément dure, qu'elle soit blanche ou sablée... On descend un peu (200m sous le départ) puis on se rend à l'évidence : entre la neige dure, la goulotte, les reliefs et un ressaut étroit qui se profile au-dessous, le ski devient vraiment limite. On s'arrête et on fait le point. On est vite d'accord sur le fait qu'il faut remettre les crampons, mais ensuite, que fait-on ? On remonte et on skie l'écharpe, ou on descend ainsi ?...
Bon, on est déjà pas mal descendus, autant poursuivre, même si ce n'est plus à ski ! On découvre ainsi la partie jusque-là invisible du couloir, avec un ressaut surprise très raide, le crux du couloir qui présentait ce jour un passage en glace à 55° (voire 60° peut-être sur 2/3m). Après ce long raidillon absolument inskiable, la descente continue dans un couloir maintenant devenu vraiment étroit et encaissé. Creusé par les coulées, il est concave et fréquemment goulotté. On passe ensuite le coude et on rejoint la faille du bas bien visible lors de la montée. Le rocher barrant le couloir au milieu et que je pensais possiblement franchissable en grattonnant se révèle bien plus massif et gênant que prévu ! Son contournement se révèle délicat, par une petite goulotte latérale en glace peu fournie (seul un gros remplissage pourrait permettre un franchissement à ski).
Au-dessous, une - nouvelle - chute de pierres nous surprend. On avait vu tomber un beau pavé à nos côtés, sans danger, mais cette fois-ci c'est une salve de trois ou quatre pierres moins grosses mais bien rapides. La plus grosse d'entre elles passe entre mes jambes sans me toucher !...
Bon, on poursuit toujours aux aguets en désescalade. Les dernières pentes au-dessus du ressaut se révèlent bien plus raide que ce que j'imaginais, avec des passages plus raides (au-delà de 50° a priori) et pas mal de reliefs (goulottes, marches). La neige s'améliore (enfin !) puisqu'on retrouve un peu de poudre. Je rejoins alors sur le bas la rive droite aux rochers moins lisses qu'en rive gauche, afin de trouver de quoi pitonner (pas de becquet disponible). Le rocher se révèle très compact et les rares fissures plutôt bouchées... En s'y mettant à deux, on finit par trouver un emplacement pour un piton court et fin, mais qui chante vraiment bien ! Un petit anneau de corde bleu foncé, et on peut se vacher, puis préparer le rappel (ça commence à sentir meilleur !...).
Je descends en premier. La cascade est vite franchie. Elle aurait pu se grimper (même si peu épaisse ; 8 à 10m à 70°). Je me retrouve vite sur le cône, me laisse encore descendre jusqu'à la bonne neige : ça fait du bien de se sentir sorti d'affaire ! On en a passé du temps dans ce truc...
Steph me rejoint, je plie les cordes, et c'est parti pour une descente à ski plus sympa ! Sauf que... le carton est 15 fois plus présent que la poudre (on chutera tous les deux). Descente harassante... Sur le bas, la neige devient dure, plus skiable mais pas décaillée à cause des nuages et de la température basse... Les cuisses en prennent encore un bon coup ! Ce n'est que sous le verrou, vers 1950, qu'un petit décaillage commence à se faire sentir. Le ski reste délicat néanmoins...
On rentre éreintés mais contents à la voiture !
Voilà, on est allés voir ce grand couloir gorge (coupe-gorge ?...), on sait maintenant à quoi il ressemble. Le projet, le rêve, est devenu réalité, une réalité plus ardue et moins plaisante que ce qu'on espérait, mais c'est le jeu !

Vidéo de la course :