Début de montée par le "couloir sans issue" de gauche, puis traversée ardue pour rejoindre le petit couloir de droite, remontée ensuite du reste de la face et descente de l'ensemble, en finissant du coup par le petit couloir à vue !

Nuages et brume présents le matin, puis cela s'est dégagé.
Iso 0° vers 1800/2000m, BERA risque 2.

Bonnes sur la majeure partie de la longue section raide, médiocres au-dessous (manque de neige + croûte).
Poudre (20/25cm) sur fond dur sur les 500m sommitaux (avec petites plaques de surface friables sous le sommet, sur 50m).
Poudre lourde dans le haut du couloir étroit, quelques sections avec fond du couloir en glace (mordante !), bas du couloir avec poudre lourde sur glace ou rochers (méfiance et lenteur nécessaires).
Rive G du large couloir sous la face N en neige croûtée...
Piste de retour avec pas mal de sections déneigées ou faible enneigement (pas mal de petits portages).

Petites plaques friables qui se détachent en surface sur les 50 m sommitaux. RAS sinon.

Départ : 8h00
Pied du couloir : 9h00
Sommet : 14h00
Voiture : 16h00

A l'occasion de la rédaction d'un texte cet automne (visible dans cet article) qui revenait sur un précédent "Voyage au cœur des strates" dans cette face N des Clottous, une évidence jamais entrevue jusqu'alors m'a sauté aux yeux en compulsant une énième fois les photos de cette face N des Clottous : il devait exister une troisième et dernière possibilité de skier cette face ! Et ce pile entre les deux itinéraires déjà ouverts : la face N à vue, en 2013, et la face NE en 2020 avec Steph.
Une évidence disais-je... Alors oui pour le haut et le milieu : la large face sommitale, puis le beau couloir évasé sous l'épaule, qui constituent à eux deux les 2/3 de l'itinéraire (déjà 530 mètres de déniv environ). C'est pour le bas que "l'évidence" ne l'est plus vraiment... La partie haute se conclut à son pied au niveau d'une grosse falaise. Au-dessous de celle-ci, deux couloirs parallèles semblent empruntables, surtout celui de G, plus large. Mais la jonction ne paraît pas évidente, de même que la praticabilité effective du petit couloir de D...
C'est donc en ce dimanche matin du 9 février que je me suis pointé comme je l'avais fait en 2013 pour la face N, avec mes jumelles, afin de décider in situ du choix final, avec dans l'idée de remonter l'itinéraire (la boucle me paraissant vraiment trop risquée ; et bien m'en a pris !...).
Aux jumelles, impossible de voir le petit couloir dans son intégralité : trop encaissé, légèrement tournant. j'abandonne l'idée.
Le couloir de G, plus large paraît bien skiable. En revanche le passage imaginé sur photo sous et à G de la falaise sommitale est impraticable : ce n'est qu'une large cascade de glace ! Il faudra donc juste que la jonction imaginée la veille sous la falaise le soit vraiment (invisible du bas...).
J'attaque donc la remontée du couloir.
200m plus haut, je déchante... Une barre rocheuse semble défendre sans faille la rive G du couloir, ce qui empêcherait toute jonction !... (sauf en redescendant d'au moins 100m...)
Je poursuis néanmoins jusqu'au petit cirque sommital, juste sous la falaise, et là, j'entrevois un premier passage : une petite vire de neige déversante et suspendue, traversant vers la D au-dessus d'une barre... La suite n'est pas visible.
Je vais au moins aller voir...
Pas confortable cette traversée, très raide, l'expo est tout de suite très forte... Heureusement, le fond dur est rassurant et sûr.
A la sortie de la vire, je domine le couloir d'au moins 20 à 25m (au-dessus de barres) et une petite goulotte démarre juste au-dessus. 1 mètre de largeur de glace au max, sur une faible épaisseur, avec une petite interruption au milieu, sur 15 à 20 de haut, et venant buter sur des rochers... Une sortie en traversée vers la droite serait nécessaire alors, mais où et comment ? Des rochers brisés et un petit pin, ou après par une bande neige étroite ?...
Je n'ai pas envie de redescendre, je vais aller voir...
Les premiers mètres me rassurent un peu : la glace ne casse pas trop et je peux trouver des ancrages "corrects" (pas question de taper comme une brute vu le peu de glace de l'ensemble !...).
Vers le milieu, le passage un peu mixte où la glace manque se fait mieux que prévu (ouf...). Content de retrouver de la matière pour ancrer au-dessus. Mais comment sortir ensuite ?
Les rochers et le petit pin ?... Non, pas assez de prises dans cette strate délitée, et puis même pas sûr que ce soit bon derrière !
Au-dessus ? On va voir...
Vers le sommet de la goulotte, une courte vire de neige déversante se profile ! Je m'en rapproche. Débonnaire sur le papier, mais effrayante vue de mon perchoir : 50cm de neige à 45/50° tout au plus entre les rochers, et pas de prise au-dessus !... Il va me falloir passer juste en appui sur les pieds...
Bon, il n'y a pas d'autre chemin, il faut que je bétonne celui-ci. Pas après pas.
Je vire la couche supérieure de neige jusqu'au fond ferme, sur lequel je taille une espèce de marche horizontale, aussi loin que je peux. Voilà, il va falloir quitter mon dernier ancrage valable, et prendre pied sur ce petit bout de neige en équilibre sur les rochers.
J'avance en ne pensant qu'à ce que je fais, pas à l'endroit où je me trouve (avec 50m de barres avant le couloir).
Je taille maintenant la suite de la petite vire de neige, pour assurer mes derniers pas, et j'en sors, arrivant sur une pente de neige moins forte avec des arbres au-dessous ! L'exposition a chuté d'un coup, et ça fait du bien. Mais je ne suis pas encore sorti de l'auberge... Une petite bande de rochers me domine, barrant la sortie de ce secteur. Je fais une première tentative, mais trop peu de prises dans le rocher où poser les pointes des crampons, et pas de quoi tirer à l'aide des bras pour compenser. Bon... je vais voir légèrement plus à droite. Un gros pin en sortie pourrait m'aider. Je m'élève sur les rochers, quelques coups de piolet dans la terre et j'arrive à crocheter une racine ! Voilà, j'ai la prise qu'il me faut ! Pas facile en revanche de faire passer les skis sous ou entre les branches. Un dernier petit combat et c'est fait : voilà, la "jonction" a été faite ! Mais à quel prix... Je ne repasserai bien évidemment pas par là ! Ce sera donc par le petit couloir, celui que j'ai choisi d'éviter parce que trop étroit, peu visible... Ce sera donc à vue !...
Bon, l'aléatoire et l'aventure se poursuivront donc jusqu'au retour au pied de la face !
Je prends rapidement pied dans le petit couloir évasé suspendu qui domine et borde la grande falaise (heureusement sans exposition). Je traverse une ou deux fois entre les arbres qui bordent la rive G pour aller jeter un coup d’œil sur le futur petit couloir de descente, mais je n'en vois qu'un tout petit bout bordé d'une cascade de glace.
Bon, on verra plus tard ! Je poursuis dans le couloir évasé, en bonne neige poudreuse sur fond dur, parsemé de traces de chamois. Rapidement, je commence à penser à chausser à nouveaux les skis. C'est raide - environ 40° - mais ça me paraît indispensable si je veux gravir les 550 m qu'il me reste... Lorsque la végétation se montre un peu moins dense et que le couloir s'élargit un peu, je rechausse, et c'est parti pour un nombre incalculable de conversions...
J'ai perdu du temps et de l'énergie dans le passage de "jonction". La longue montée restante me demandera encore de longs efforts. Je mettrai les couteaux sur les 250m de la face sommitale : cela m'aidera, me rassurant sur cette portion raide et expo, m'évitant les zippettes et me permettant de franchir les quelques zones au fond plus dur.
je terminerai à pied (sans crampons) sur les 50m sommitaux, gêné par les plaques friables à ski et la raideur encore un peu plus présente (on finit entre 45 et 50° sur les derniers mètres).
Content d'arriver enfin au sommet (après 6 heures d'ascension...), de profiter 1/4 d'heure du soleil tout en mangeant un bout, puis arrive vite le moment de descendre : que me réserve le petit couloir inférieur ? (si je dois déchausser, remettre les pointes, contourner un obstacle, j'aurai besoin de temps...)
Allez, c'est parti, une nouvelle fois, depuis le sommet de cette antécime des Clottous, content d'y tracer une nouvelle (et vraisemblablement dernière) voie skiable !
1er crux inclinaison dès l'entrée vite franchi, puis les 50 mètres suivants peu agréables , avec les plaques friables qui se détachent et coulent ensuite, mais très vite la couche de poudre non ventée revient, et c'est alors un grand plaisir à skier, même si le fond dur qui caractérise cette première partie d'hiver est bien bien présent.
Les courbes peuvent s'enchaîner sur cette superbe face suspendue à 40° environ (parfois un poil plus).
C'est rapidement l'arrivée vers le haut du couloir de l'épaule Nord (ça me faisait rire ce nom, c'est pour ça que je l'ai choisi : "l'épaule Nord, les pôles Nord :)).
La neige est encore meilleure (un peu moins de petites boules dures cachées).
Comme ces 500 mètres sont vite avalés (comparé au temps d'ascension !...) !
Suit le couloir évasé entre les arbres, toujours bien sympa bien que plus étroit, et j'arrive alors à la traversée vers le petit couloir final !
Une petite remontée en escalier me permet de rejoindre la croupe raide (environ 50°) qui descend en traversée vers le couloir. Voilà, la nouveauté va débuter ! Pour l'instant, je sais que ça va aller sur quelques dizaines de mètres, je l'ai vu ce matin à la montée. Mais ensuite ?...
C'est très beau ! N'oublions pas de nous remplir les yeux et l'esprit de ce cadre incroyable dans lequel je pénètre. La rive gauche est formée d'une strate rocheuse devenant falaise verticale plus bas, mais ici recouverte d'une belle cascade de glace bleue que je longe... Le couloir est juste assez large pour faire de beaux petits virages de pente raide (l'inclinaison dépasse les 40, avoisinant parfois les 45°). Puis le couloir devient petit à petit plus étroit, plongeant encore, ce qui m'empêche d'en voir la suite... Est-il continu ou présente-t-il un ressaut ?...
Je m'avance prudemment, assurant mes virages, d'autant que la fatigue est bien présente.
Ah, l'étroiture est marquée, c'est le moins qu'on puisse dire, la raide dalle formant la rive droite et recouverte de glace ne laissant au plus étroit qu'une bande d'à peine un mètre de large ! Mais il n'y a pas de ressaut.
Mon piolet était prêt à être dégainé, porté à la ceinture. Je m'approche encore, choisissant d'être orienté vers la droite, spatules sur la dalle de glace. Voilà, j'y suis. Je prends mon piolet en main droite, mes deux bâtons à gauche, et c'est parti. La neige est bonne dans le couloir réduit à l'état de goulet. Et les carres mordent bien sur la glace qui me paraît assez tendre (c'est qu'il ne fait pas très froid, sans doute 1 ou 2°).
J'arrive petit à petit au crux : un seul petit mètre de neige pour l'arrière des skis, et donc 70 cm sur la glace vive, de la vraie glace de cascade. Je pose mes skis avec attention, sur le sommets des bosses lorsqu'il y en a, faisant de plus grands pas lorsqu'une marche se présente.
Mais cela se poursuit sans problème : les carres mordent parfaitement (expérience concluante !). Si bien que la vingtaine de mètres d'étroiture bordée de glace est franchie, que je peux abandonner le piolet et revenir aux bâtons. Le couloir reste très étroit, ne permettant que de rares virages (je suis bien content lorsque je peux enfin changer de côté !).
Mais que me réserve la suite, le final que je ne vois pas, car le bas est tournant ?...
Encore des passages en glace, cette fois-ci sur le fond du couloir où la neige a coulé. C'est une glace blanche cette fois, avec une tenue encore meilleure : même pas la peine de reprendre le piolet.
La fin approche : un virage à droite et puis ça plonge... ressaut ou pas ? Non, pas de ressaut ! ça va être bon, je vais pouvoir terminer sans déchausser, sans trop de problème. C'est raide mais ça va. Au-dessous, l'épaisseur de neige est moindre et le fond dur manque plus fréquemment, faisant place aux rochers. Les virages se font plus rares, afin d'épargner les skis.
C'est peu plaisant mais c'est le bon chemin vers la maison !
Je franchirai ensuite le torrent issu de la grande face N, celle parcourue deux fois jadis, pour rejoindre la croupe skiable mais bien encombrée de vernes et de résineux. Puis enfin la piste horizontale qui traverse à gauche, et, de petits bouts de glisse en petits portages, je retrouverai ma voiture, au-dessus du village de Chantelouve, la fatigue dominant alors tout autre sentiment.