Col du Mouchillon : Traversée Sept Laux >> Combe Madame - depuis Fond de FranceSaturday 31 March 2007

TODO box images

TODO box map

Weather

Nuit fraîche et dégagée, matin froid, soleil plus ou moins voilé. Températures se réchauffant, puis arrivée d'un temps plus couvert dans l'après-midi.

Conditions

[b]Montée[/b]
1100-1800 : 10/15cm de neige tombée la veille, encore froide le matin à 1100m.
1800-2000 : le couloir de montée présente des accumulations et des plaques d'apparence poudreuse. Des fissures ont été provoquées lors de la trace à la montée, aucun départ.
Au dessus de 2000m: poudreuse en cours de transformation, sur fond dur.
Le col de mouchillon est légèrement corniché (corniche en versant sud) mais d'accès facile en accédant par la droite.
[b]Descente[/b]
Neige poudreuse. Des accumulations : on brassait facilement dans 40cm de fraîche.

[u]Altitude de la neige :[/u] La neige était présente dès le parking mais le portage était préférable (mais pas forcément préféré..) sur 400m. Environ la même chose inévitable au retour sur l'itinéraire de descente.

Timing

4h30 montée

Commentaires personnels

Col du Mouchillon – Jeux forestiers d'hiver

Samedi 31 mars, Allevard organisait les Jeux Forestiers d'Hiver. Grâce à l’inébranlable dévotion du conseil municipal au culte de Ste Rita, Mère des causes désespérées, une neige temporairement immaculée avait enfin enluminé les montagnes d’un manteau hivernal – une semaine après l'arrivée du printemps.

Lors des vêpres de la veille, alors que la tempête se déchaînait, le prêtre d’Allevard célébrait une messe exceptionnelle louant Ste Rita et sa solidarité native pour les villages de montagne. Cependant, au bistrot les langues de certains administrés se déliaient dans quelque petit blanc limé. On reprochait en effet au Maire d’avoir grevé les finances locales par l’ajout d’une ligne budgétaire exceptionnelle consacrée à l’achat de cierges. A raison de 200 cierges allumés en permanence durant 97 jours, la facture pour le contribuable, et par suite pour l'équipe municipale, promettait de se faire sentir lors des prochaines élections. Accoudé au comptoir, on se lançait dans une diatribe sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Un tarin rouge évoquait, en levant son verre à la santé des paysans-vignerons, les conséquences néfastes de cette incursion divine dans le dérèglement du dérèglement climatique. Nonobstant le risque de pollution par jet d’urine que la présence de nombreux participants aux Jeux Forestiers n’allait pas manquer de provoquer, avait ajouté une riveraine qui soutenait à l’engrais chimique la cause environnementale de ses géraniums. Le jeune instituteur du village avait souligné qu'il fallait tout de même reconnaître que l’adoration de Ste Rita avait relancé l’économie locale.  : une association de défense des prostituées, dont Ste Rita est également la patronne, était venue une semaine en pèlerinage au grand bénéfice de l’hôtellerie locale ; l’abbaye productrice de cierges avait, pour assurer la demande, crée deux emplois supplémentaires; le livreur avait vu son activité se développer, ce qui avait profité à la station essence ; les accidents de personne à la sortie de l’église, compte tenu de l'intensification de sa fréquentation, avaient eux aussi augmenté, de sorte que le cabinet médical avait vu croître sa clientèle ; et au final, tout ce monde venait au seul bistrot du village dépenser ce surcroît de revenu. Devant la pertinence de la démonstration, la main indolente et cupide de la patronne, affalée sur le tiroir caisse, avait chu.

Dans la catégorie Terrain d’Aventure, les Jeux Forestiers d’Hiver n’affichaient que cinq participants. Dès la première épreuve, quatre concurrents avaient déclaré forfait. Toutefois, l’alinéa 2 du paragraphe 27 du règlement stipulant que la victoire de l’un ne peut-être acquise par le simple abandon des autres, Mr P., unique participant encore en lice, avait dû chausser skis et peaux de phoques dès le parking. Le suspens avait été intense. En effet, il ne lui fallait pas seulement surmonter avec virtuosité un environnement sauvage, mais également résister aux railleries et quolibets que ses ex-adversaires lui assénaient par autorisation règlementaire. Le public avait retenu son souffle pendant la durée de l'épreuve, soit plus d’une heure, ce qui n’avait pas manqué de provoquer un ultime sursaut d’activité du cabinet médical précité et validé au passage les thèses économiques de l’instituteur. Déjouant les pièges tendus par la gadoue dissimulée sournoisement sous une mince pellicule de neige, par les ruisseaux et autres zones humides, déchaussant avec célérité ses skis sans même défaire les sangles les reliant à ses chaussures, avançant courbé et handicapé par cette protubérance entre ses jambes, escaladant les rochers, franchissant sens dessus dessous les troncs d’arbres qui jonchaient par endroits l’itinéraire, Mr P. était parvenu à réaliser les 400 mètres de dénivelé de portage sans portage. Fair play, ses concurrents l’avaient applaudi, concédant même avoir eu la conviction qu’il ne parviendrait jamais à achever l’épreuve.

Afin de réaliser une performance sportive d'envergure, une variante d’itinéraire avait été votée à l’unanimité des participants qui avaient emprunté la trace ascendante d’une équipe qui les précédait. Cette dernière comportant un collant-pipette n’était pas en lice, car relevant d’une catégorie interdite par l'éthique amateur de la compétition. L’itinéraire s’était révélé perfide. On l’avait abandonné puis, au prix de quelques manœuvres arbustives, retrouvé. Car le principe d’une variante, c’est tout de même qu’elle rejoigne à terme l’itinéraire classique. Les personnes rétives à la mise en œuvre d'une telle règle, au mieux savourent la gloire réservée aux ouvreurs, au pire expient leurs fautes dans la liste des portés disparus.

Le juriste de la compétition avait neutralisé l’épreuve de l’ascension du couloir afin d’éviter toute poursuite de la commune en cas d’avalanche. Les deniers publics avaient déjà été suffisamment mis à mal ces derniers temps par cette sacro-sainte histoire de cierges. Les concurrents avaient docilement respecté les distances de sécurité et le raidillon avait été franchi sans encombre.

On avait ensuite testé le sens de l’itinéraire des participants. En dépit du caractère a priori concurrentiel de la situation, un esprit d’équipe (ou une communauté de flemmardise, c’est selon) les avait miraculeusement unit: les uns n’avaient pas hésité à suivre les autres dans une errance toute poétique. L’esthétique des méandres dessinés à cette occasion dans la neige fraîche avait ravi concurrents et spectateurs des Jeux Forestiers, ainsi que les bigotes alpines qui avaient alors allumé l’ensemble du stock restant de cierges, désormais inutiles, en offrande à St Mivel. A la suite de cette pieuse et chaleureuse opération on avait d’ailleurs constaté qu’un des lacs avait commencé à fondre. Mais les concurrents étaient trop loin pour envisager le déroulement de l’épreuve amphibie.
Quatre heures trente après leur départ, le peloton des concurrents était parvenu au col du Mouchillon. Ils avaient eu l'élégance de s'élever un peu en amont, afin de montrer qu’ils en avaient encore sous la semelle – et pas seulement de la neige, qui commençait à botter. Mr P., qui s’était fait plus discret après la première épreuve, avait émis le désir de se sustenter. Ses rivaux en avaient profité pour sonner le départ de la descente. La solidarité n’a qu’un temps.

Les concurrents étaient aisément identifiables même pour le public éloigné qui suivait attentivement la course aux jumelles – afin de préserver l'isolement des skieurs et de se prémunir d'un réchauffement de la poudreuse, le public avait été interdit en bord de combe. On avait immédiatement reconnu la concurrente qui avait débuté la descente par une conversion à gauche. Une hésitation avait saisi un bref instant le public dans l'identification des deux autres participants. Le style caractéristique de Mr P. (volontaire et inefficace) avait toutefois exclu rapidement toute méprise. Les deux derniers concurrents avaient donné dans un style tout Mitterrandien ; la force tranquille. Mais la coiffe béarnaise de l'un avait ôté le public de tout doute quant à son identité. Au concours de nique-la-trace, le prix du jury avait été accordé à l’unanimité à Mr P., confortant par là son avance initiale, pour sa traversée à mi-pente venant taillader trois traces et égratigner une quatrième.

Chaque concurrent, dans son style singulier, avait profité pleinement de la poudre, s’en mettant jusque dans les narines. On avait alors vu des skieurs égarés, qui achevaient tardivement leur montée par ce versant, tomber à genoux et pleurer de désespoir : le labourage des quatre concurrents des Jeux Forestiers d’hiver avait fait disparaître toute neige froide et vierge.
Avant même la fin du challenge, Mr P. était déjà assuré d’une large victoire. Les quatre autres participants avaient été départagés par le vernaverage – procédure proche du goalaverage en foot, mais avec des vernes (variété arbustive sans qualité autre qu’envahissante), en ski. La concurrente féminine avait abandonné à mi-pente. Les trois avaient été déclarés ex-æquo, la traversée du torrent n’ayant pas permis de les départager. D’ailleurs, fort de son avance, Mr P., grand seigneur, avait sommé le jury de lui octroyer des points de pénalités en traversant nonchalamment les pieds dans l’eau. Le public avait exulté. Les supporters de ses adversaires n’avaient pas manqué de souligner cependant qu’il s’était bien abstenu de retenter à la descente le non-portage des 400 mètres de portage, cette fois dans la gadoue. Le dernier cierge avait en effet brûlé et, fin du miracle, la neige offerte par Ste Rita avait totalement fondu.

Commentaires

Avatar
ThomasR 16 years ago

merci Loïc pour le lien, encore un texte hilarant! T’es donc un spécialiste du ski-forêt…