1. Les grandes sources de texte encadrant la protection
- à échelle européenne : la convention alpine
La convention alpine est une somme des protocoles signée par les États Alpins, largement encadrée par l'Union Européenne bien que la Suisse n'en fasse pas partie. Elle est consultable ici .Elle encadre les politiques d'aménagement du territoire à échelle alpine. Elle est fondée sur deux principes:
-protection des milieux sensibles (les écosystèmes)
-développement durable des territoires de montagne
Cette dernière thématique est la plus directement effective dans la convention. Elle compte 10 protocole d'application dont chaque État ayant ratifié le protocole se doit de le mettre en œuvre. Parmi les principaux protocoles, on notera l'agriculture, la protection de la nature et l'entretien des paysages, le transport, la forêt, les énergies etc...Une approche globale est privilégiée.
En termes de ratification, l'Autriche a été très rapide et la France plus lente, du fait des nombreuses contraintes. Mais elle a actuellement ratifié la plupart des protocoles importants. La CIPRA est chargée de surveiller l'application des protocoles.
La difficulté de la Convention Alpine n'est pas dans sa formulation qui reste réaliste et souple, mais dans sa reconnaissance à échelle locale du côté des élus notamment. Bon nombre des élus de montagne en font la dernière de leur préoccupation ou bien ne savent même pas qu'elle existe! Un long travail est encore à faire, notamment auprès des élus, pour sa reconnaissance et sa mise en œuvre. C'est notamment le cas en France et en Italie, surtout comparé à l'Autriche très avance sur nous sur la mise en œuvre!
-à échelle de la France : le code de l'environnement
Le code de l'environnement, relativement récent de facture, encadre l'essentiel des lois visant la protection en France celles qui seront décrites en seconde partie de cet article. Il y a des lois comme celle sur les Parcs Nationaux qui ont été faîtes avant la création du code de l'environnement et qui ont été intégré dans le code ensuite.
Le code de l'environnement français propose 2 grands principes fondamentaux pour la protection en montagne
-le principe de protection (concerne les Parcs Nationaux, Réserves)
-le principe de développement durable (concerne les PNR etc..)
Il y a aussi le principe de pollueur-payeur (déchets, eau), le principe d'information et principe de participation (débat public, enquête publique) et le principe de précaution. Au total ça fait 6 principes fondateurs du code.
A ces deux principes sont déclinés les dispositifs de protection de la montagne. Le code contient également la notion de mesures compensatoire, liées aux études d'impact, pour tout aménagement lourd ayant un impact sur l'environnement ou sur le paysage. Dans ces mesures compensatoires, des dispositifs de protection peuvent être envisagés.
- à échelle des massifs : la loi montagne
La loi « montagne » (relative au développement et à la protection de la montagne) se trouve dans le code de l'Urbanisme. Elle date de 1985, et s'instaure comme la première grande reconnaissance de la spécificité de la montagne en termes d'aménagement du territoire dont elle encadre les grandes lignes. Il y a alors création de commissions spécifiques pour la gestion des territoires de montagne, comme le conseil National de la Montagne, les comités de massif... Vous pouvez la consulter ici. Comme vous pourrez le constater, c'est un texte embrassant l'essentiel des problématiques mais n'est pas un texte de protection à proprement dit, il propose des dispositifs de gestion et d'arbitrage en cas de mise en œuvre de politique d'aménagement et des conflits associés. À noter que la loi intègre la fameuse procédure UTN;, objet de tant de débats, qui vise à encadrer les projets d'aménagements touristiques en général liés aux domaines skiables.
2. La question de la gestion des espaces protégés ou destinés à l'être.
Pas de protection sans gestion ?
Au regard des enjeux de la société actuelle, il apparaît dans nos territoires alpins qu'il est difficile concrètement de protéger une chose efficacement sans passer par une gestion durable de celle-ci, permettant sa bonne transmission. Voilà pourquoi par exemple au massif du Mont Blanc, pourtant site classé et « protégé » depuis 1951, on songe actuellement à un Plan de Gestion, parce que les acteurs de la protection du Mont Blanc ont pris conscience qu'un simple classement ne suffisait plus au regard des usages actuels du massif et des enjeux qui s'y rapportent. Ou la gestion comme étant une forme de mettre en œuvre la protection et la pérenniser pour la transmission.
Le processus de gestion peut être identifié en plusieurs étapes:
-une production de connaissances sur l'objet fait patrimoine ou la ressource patrimoniale
-une phase de valorisation et/ou d'exploitation raisonnée de cet objet
-une phase de protection et de préservation dans un souci de transmission et de qualité
-une phase d'information, de sensibilisation et d'éducation des populations, crée un implication et une conscience
Les scientifiques ont récemment formulé le concept de gestion intégrée : il s'agit d'une gestion globale territorialisée. On peut parler d'une gestion intégrée si elle comprend:
-la prise en compte de toutes les étapes du processus de gestion en faisant en sorte qu'elles soient coordonnées entre elle
-la prise en compte de tous les usages, les rendre compatibles ou bien rassembler les usages que l'on veut privilégier en fonction de la demande sociale et des enjeux
-la nécessaire coordination des différents niveaux scalaires (local, départemental, régional, national)
La gestion intégrée est une sorte de modèle de gestion « parfaite » qui n'existe pas dans l'absolu mais qui peut faire office de guide pour toute démarche de gestion.
3.Les procédures de protection mobilisables.
Nous allons essayer de vous proposer une typologie des mesures de protection mobilisables en France. Actuellement, il y en a huit clairement définies s'imposant sur les documents d'urbanisme.
*A échelle européenne
-**La zone Natura 2000** : il s'agit d'un dispositif européen selon un zonage d'espaces où sont mis des contraintes de conservation.Les zones Natura20000 sont décidées par la Commission Européenne à partir des listes fournies par les États-membres. Ces derniers devaient en créer un nombre donné sur le territoire et en France, la chose ne fut pas facile du fait d'un parcellaire compliqué et d'un nombre de commune très important. En montagne, les zones Natura 2000 ont été généralement très mal acceptées lors de leur implantation, du moins en un premier temps, du fait des peurs, des craintes des populations locales, et par le fait qu'elles était pratiquement imposées par l'État qui était en train de se faire « remonter les bretelles » par l'Union Européenne qui voulait des résultats. Ces zones natura2000 ont une gestion spécifique qui dépend de leurs documents d'objectifs signés par l'Europe.
Ex Zone Natura2000 du Chardon Bleu sous le Petit Mont Blanc de Pralognan-la-Vanoise.
*A échelle nationale
Dans l'ordre d'intensité de la protection:
-**le Parc National** : il s'agit d'un Etablissement Public à caractère Administratif (EPA pour les intimes) avec un conseil d'administration. Le Parc National est décidé par décret en conseil d'État, c'est-à-dire les plus hautes instances. La loi date de 1960, appliquée pour la première fois en montagne, c'est-à-dire en Vanoise, en 1963. Le dispositif anciennement fondé sur le bînome Zone Centrale/Zone Périphérique a été réformé en 2006, suite au rapport Giran constatant un bilan très mitigé de la Zone Périphérique, dans les rapports avec les populations locales. On parle maintenant de *Cœur du Parc*, avec une règlement très forte (protection presque totale avec pouvoir de police) et d'*Aire d'adhésion*, où est proposée aux communes signataires une *Charte de Développement Durable*. Le bilan des Parcs, en termes de protection en Zone Centrale (le Cœur), est le plus souvent très positif vis-à-vis des objectifs initiaux (ex préservation et introduction du bouquetin pour le Parc de la Vanoise).
La loi de 1963 comprend également la possibilité d'instaurer une Réserve Intégrale, dont le but est avant tout de la recherche scientifique en l'absence d'intervention humaine. Ce dispositif est très rarement utilisé car il ne peut s'agir que d'angle mort du territoire (ex le Lauvitel).
La réforme de 2006 a permis la création de nouveaux Parcs comme celui de la Mer d'Iroise, de la Réunion et celui de la Guyane, ce dernier de loin le plus grand Parc National français. Les Parcs Nationaux se sont souvent développés sur des territoires de montagne en marge, ce pourquoi ils ont une implication très forte dans la protection de la montagne : 7/10 des parcs nationaux sont montagnards, dans l'ordre la Vanoise (1963), les Pyrénées occidentales (1967), les Cévennes (1970), les Écrins (1973), le Mercantour (1979), la Guadeloupe (1989), et les hauts de la Réunion(2007). Ce dernier est devenu le plus grand Parc National montagnard avec 1054km2 de cœur, soit 42% de l'île!Le plus grand Parc alpin français étant les Écrins (918km2)
Chaque Parc National a ses politiques propres mais l'ensemble de la réglementation et des objectifs est relativement similaire d'un Parc à l'autre.
-**La Réserve Naturelle**: le gestionnaire d'un Réserve Naturelle est soit un EPA, soit une association reconnue par l'État (ex ASTERS). Une Réserve est classée par décret de l'État après consultations. En 2002, on en comptait 153 en France et nettement moins spécifiquement montagnarde que les Parcs Nationaux. Les mesures de protection des Réserves sont variables mais le plus souvent assez fortes et semblables à celles des Parcs Nationaux, notamment pour les visiteurs. Leur taille est par contre plus modeste.
Les Réserves Naturelles peuvent venir d'initiative locale, d'association notamment (RN de Contamines-Montjoie qui est une des plus grandes de France). Bien souvent, elles sont rattachées à un Parc National en tant que mesure compensatoire d'équipement en bordure du Parc (comme ce fut le cas en Vanoise) ou encore rattaché à un Parc Naturel Régional (Hauts Plateaux de Chartreuse, du Vercors, du Val d'Escreins)
-**le site classé loi 1930**: un classement sur la loi de protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque est décidé par l'État selon arrêté du ministère chargé des affaires culturelles et/ou du ministère de l'environnement.. Il y a deux intensité de protection : la protection en *site classé* (contraignant, demande d'autorisation pour toutes modifications) et la protection en *site inscrit* (plus souple, il s'agit d'une inscription sur inventaire essentiellement). Il y a plus de 2700 sites classés en France et 5000 inscrits. La montagne est bien concernée. Le plus grand site classé montagnard est celui du Mont Blanc, en 1951. Parmi les plus connus il y a celui du cirque des Évettes, de Champagny-le-Haut etc...
Un site classé ne fait pas l'objet d'une gestion clairement définie mais demande autorisation ministérielle après avis de la commission départementale des sites pour tous travaux modifiant l'état ou l'aspect des lieux, ainsi qu'une autorisation préfectorale pour tout travaux mineurs.
La procédure de mise en œuvre d'un classement est assez fastidieuse: elle nécessité études préalables, concertation locale et consultations des conseils municipaux concernés. Puis est fait une enquête administrative auprès du public, suivi d'une consultation de la commission départementale des sites, puis ça passe en comité de massif (ex Pyrénées, Alpes, Jura etc..). Ensuite le préfet transmet le dossier au ministre chargé des sites, qui va consulter la commission supérieure des sites. Enfin ça arrive dans les bureaux du Conseil d'État qui classe le site par décret!
-**l'opération « Grand Site de France »** : c'est une démarche de protection annexe sur site généralement déjà « protégé » mais ayant besoin d'une gestion solide notamment en termes de politique locale de restauration et de réhabilitation. Il s'agit bien souvent de remettre sur pied, ou bien d'améliorer la gestion d'un site éprouvant des difficultés dans sa protection et sa mise en valeur, soit par abandon relatif, soit par trop forte fréquentation, soit par manque de politique claire etc...Le gestionnaire est à statut divers, ça peut être une association, un syndicat mixte, une commune, une intercommunalité. Un site peut devenir « Grand Site de France » en faisant adhésion à l' association répondant aux critères, avec une décision du ministère de l'environnement. Le dispositif est jeune et date de 2000. 30 sites sont concernés pour l'instant
-**les ZNIEFF** : il ne s'agit de mesures de protection stricto-sensu mais de zones « naturelles » délimitées pour inventaire scientifique. Elles couvrent ¼ du territoire, ne font l'objet d'aucune gestion en tant que ZNIEFF sauf si se surimpose une Réserve, une forêt domaniale et autres espaces gérés dessus. Une ZNIEFF est décidée en comité nationale (avec des scienfiques) et avec le museum d'histoire naturelle. Les ZNIEFF ne sont certes pas des mesures de protection mais peuvent servir de base à celles-ci.
*A échelle régionale
-**le Parc Naturel Régional** : c'est un dispositif crée en 1967 qui ne répond pas strictement au principe de protection mais plutôt à celui de développement durable. Un PNR est une structure d'aménagement et de gestion fondée avec les syndicats mixtes des collectivités locales et les élus. Il permet la concertation à l'aide d'une Charte d'engagement qu'il doit faire réviser tous les 10ans afin que le Parc existe toujours. Des mesures de protection peuvent être prises à titre de mesures contractuelles (des engagements) entre collectivités. Il s'agit donc d'une structure souple qui dépend du volontarisme local et qui est généralement mieux accepté par les populations autochtones que les Parcs Nationaux ou les Réserves Naturelles.
Le premier PNR français fut celui du Vercors, c'est aussi le plus grand. Vinrent ensuite la Chartreuse et les Bauges dans le même modèle pour ce qui est des Préalpes. On note aussi le PNR du Queyras. Le PNR de montagne concerne surtout la moyenne montagne et comprend donc un accompagnement au développement local fondé sur la mise en valeur du patrimoine culturel et naturel, avec une forte insistance sur l'identité et les thématiques agro-pastorales.
*A échelle départementale
-**l'arrêté de biotope**: le dispositif date de 1976 et se fait par initiative de scientifiques. La décision est prise par la préfecture du département (un arrêt préfectoral)après avis de commission départementale des sites. Il s'agit en fait d'une micro-réserve naturelle où sont interdites toute portant atteinte à l'équilibre écologique. Bien souvent en montagne, vous l'avez deviné, il s'agit de zones humides!