Chartreuse : un bref aperçu géologique

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Catégories : suppléments du topoguide
Type d'article : collaboratif (CC by-sa)
dernière lumière en Chartreuse
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lumière en Chartreuse
lumière en Chartreuse

La Chartreuse est un massif subalpin calcaire qui fait partie d'une vaste unité de chaînes subalpines, allant du Vercors jusqu'au Haut-Giffre, en passant par la Chartreuse, les Bauges, les Bornes pour la partie N des Alpes. Le langage courant reprend l’expression pré-Alpes. Ces chaînes culminent généralement autour de 2000 m d'altitude. La Chartreuse est la moins élevée, mais pas la moins prononcée.

Naissance des roches au secondaire
Le paysage actuel s’est formé sous l'eau durant l’ère secondaire. La plaque eurasienne était rattachée à la plaque américaine et était séparée de la plaque africaine par un rift océanique. Un océan, nommé Thétys , allait de la Méditerranée actuelle jusqu'à l'extrême orient actuel. Les futures roches des Alpes et de l'Himalaya sont sous cet océan.

Le relief de la Chartreuse se caractérise, majoritairement, par la roche calcaire. Le calcaire est une roche sédimentaire formée par sédimentation marine au fond des océans. Pendant des millions d’années, des dépôts de squelettes de planctons, d'animaux, de végétaux marins, de coraux tombent au fond de la mer dans un liant de poussières qui par tassement, sous son propre poids, finit par acquérir cohésion et solidité. Les grimpeurs escaladant une paroi calcaire, remontent le fil du temps et grimpent sur l'héritage de la vie passée sur Terre. Une paroi de 400 m peut représenter 10-15 millions d'années.

Les rochers de la Chartreuse encore visibles ont sédimenté durant l’ère secondaire depuis -140 millions d'années de l’âge Argovien du jurassique jusqu’à -110 millions d'années de l’âge Urgonien du crétacé. La partie visible des roches les plus anciennes datant de l’Argovien est observable en bordure du Grésivaudan-S. Les roches ultérieures à l'Urgonien ont presque toutes été très érodées ou ont disparu. La Dent de Crolles est un exemple typique de la partie visible des roches datant de l’Urgonien.

Le processus de sédimentation dépend de la profondeur de la zone marine. Le niveau de l'océan évoluant durant la période de formation de ces sédiments, les roches formées dépendent de cette période. Une zone marine peu profonde, moins de 200 m, accueille de nombreux coraux et beaucoup de vie de surface qui sédimentent facilement. Les roches formées sont des calcaires durs. Ils constituent des couches résistantes comme celui du Tithonique (Bastille St Eynard), du Valanginien (premier balcon du Grésivaudan) et de l'Urgonien (formant les crêtes). Avec l’augmentation de la profondeur, l'océan devient plus opaque et s’assombrit. Il accueille moins de vie. La sédimentation est diffuse, sous forme de poussière très fine, où le calcaire a moins de prise. Au-delà de 400 m, les roches sédimentaires sont moins dures et forment des marnes, des roches mi-argileuses, mi-calcaires, souvent en alternance : le Berriasien (Déserts d'Entremont), l'Hauterivien (vire intermédiaire du Granier). Le paysage est constitué de zones forestières creusées alternant avec des zones de barres calcaires en aplomb.

L’émergence des montagnes au tertiaire
Durant le Crétacé, à la fin de l’ère secondaire, l’océan Téthys, ouvert au jurassique, se referme progressivement. L'Afrique se rapproche de l'Europe. L’Amérique s’éloigne de l’Europe et l’océan Atlantique s'ouvre. Dans l'ère tertiaire, à partir de 65 millions d'années, la plaque Afrique entre en collision avec la plaque eurasienne. Le climat est tropical et la Téthys s'assèche avec des cycles avancée/recul.
La collision avec l’Afrique fait émerger en Europe les massifs cristallins alpins venant des profondeurs de la croûte terrestre. Ces massifs cristallins, Belledonne, le Mont Blanc, etc., vont percer la couche de surface sédimentaire et rejeter celle-ci vers l’avant dans le sens de la poussée alpine, du SE au NW dans le milieu de l'arc alpin. Ces roches sédimentaires rejetées vont subir également l'effet de la poussée pour former les massifs actuels, structurés par des grandes failles transversales.

Les grandes glaciations du quaternaire
A -1,8 million d'années, le climat change : une période nettement plus froide, c'est les grandes glaciations du quaternaire. La cluse de Chambéry se creuse à chaque glaciation. La vallée du Grésivaudan, séparant Belledonne de la Chartreuse, se creuse plus lentement. Le Grésivaudan devient le thalweg de la future Isère, devenant plus bas que la cluse chambérienne,
Dans un climat presque boréal, la limite des neiges permanentes descend à 1300 m, soit 2000 m de moins qu'actuellement. Le haut des sommets de la Chartreuse est alors complètement englacé.

Après les glaciations
Le retrait de ces glaciers laissera des cirques (l'Aulp du Seuil) et des formations de banquettes (le plateau sommital du Granier). La phase interglaciaire actuelle permet à la végétation de coloniser les hauteurs.

Particularités de la Chartreuse
Par rapport aux autres massifs subalpins, la Chartreuse se caractérise par :

  • Son relief inversé. Les roches calcaires ont été plissées lors de la poussée alpine. L'agencement et l'érosion ont fait que les formes en dépressions (ou synclinaux) se trouvent être au sommet des montagnes de la Chartreuse. Les synclinaux perchés des plateaux sommitaux de la Chartreuse sont caractéristiques du massif. Ces synclinaux perchés sont plus rares dans le Vercors.

  • Son caractère fracturé. C'est un massif subalpin marqué par les failles transversales et les nombreuses fractures. Il est très arrosé. Avec le concours de la végétation très forestière, l'eau a une action érosive sur les calcaires : la Chartreuse est un véritable gruyère qui a des vides souterrains d'une grande importance. Elle a parmi les plus grands réseaux karstiques de France (ex 60 km à la Dent de Crolles).

Le massif de la Chartreuse est à la fois un massif subalpin archétypal mais aussi celui qui a les contrastes les plus frappants dans les reliefs et les milieux rencontrés.