Escalade trad sur le grès jaune du Wadi Rum

Activités :
Catégories : suppléments du topoguide
Type d'article : individuel (CC by-nc-nd)
Contributeur : christophegillme

Séjour de 2 grimpeurs dans le Wadi Rum

La grimpe dans le Wadi Rum

Le village de Rum est à environ 4 heures de route de l’aéroport d’Amman.
Une petite halte à Petra agrémentera votre transit au demeurant assez monotone évoluant dans le désert sur des routes truffées de dos d’âne.
Le village se situe dans le parc national du Wadi Rum au sud de la Jordanie, à proximité de la frontière saoudienne et du golfe d'Aqaba. Pas dans le nord du pays fortement déconseillé par le ministère des Affaires Étrangères.
Le village est bordé par deux grands plateaux gréseux (on y trouve aussi marginalement du granit et du basalte), à l’ouest le massif du Djebel Rum, culminant à 1734m, à l’est, le massif du Djebel Ishrim.
Ces deux massifs offrent de nombreuses possibilités d’escalade. Plus loin, le Barrah Canyon ouvre encore bien d’autres perspectives.
Le village est à une altitude de 967m.
Dans la mesure où le climat est désertique, les mois de novembre-décembre apparaissent constituer la meilleure période pour la grimpe.
Le village est habité par des bédouins, d'anciens nomades, sédentarisés par le pouvoir en place pour mieux contrôler cette population aux mœurs libertaires.
Nous avons eu de bons contacts avec les personnes rencontrées. Les français sont appréciés. Je n’aime pas faire des généralités, mais j’ai trouvé que les bédouins étaient plutôt blagueurs,
enjoués et chaleureux.
Il y a des douches chaudes dans le gîte où nous avons logé chez Souleiman Sabbah Alzlabih. Son bed & breakfast récemment ouvert propose tout le confort de base.
Super resto « Falafels » à Rum.
Bruit constant de tuyères d’avions de chasse au-dessus de nos têtes.
10 Tirs de missiles Yéménites sur Israël, dont 8 interceptés en vol la semaine avant notre arrivée.
Période anormalement calme dans le Wadi Rum à cause de la guerre en Israël.
Voie mélodieuse du muezzin résonnant 5 fois par jours sur les falaises. Il y a juste la nuit où ça réveille.
Température au poil pour la grimpe de 25 degrés le jour et de 10 la nuit.
Les journées sont courtes en cette saison. Il fait jour à 7 heures et nuit noire à 18 heures.

Le programme de notre séjour

Grimpe le 1er jour pour s’échauffer dans une voie courte, Flight and Flancy, au-dessus du village en face est du Djebel Rum. 4 longueurs, 150 m en 6b max. Relais équipés. Équipement à poser dans les longueurs. 3ème longueur 6b bien athlétique en dulfer dans un dièdre parfait. Pose des protections sûres. Une bonne mise en condition.

2ème jour: grande voie en 6b max de 350m en face est du Djebel Rum. Le Pilier de la Sagesse. Tout un programme. Premier relais pas évident à trouver. Escalade exposée par moment. Ensemble de l’itinéraire se déroulant dans une suite logique de fissures dans le 4-5. Dernière longueur en traversée en dalle dans le 6b avec beaucoup de tirage. Dommage, les mouvements 6b étaient beaux. Magnifique descente par le plateau lunaire du Djebel Rum, par la rando bédouine Hammad’s route qui se finit par des rappels dans le Great Siq, une gorge profonde aux parois en forme de méduses.

3ème jour: voie The Beauty dans le massif du Djebel Ishrim. L’accès à la voie est moyennement évident. Après avoir fait fausse route, nous arrivons à son pied au bout d’1h30. Il s’agit d’une voie de 150m en 6b max dans un dièdre caractéristique. 1ère Longueur 5c en dulfer de toute beauté. 2ème longueur 6a en 3 dimensions dans un dièdre psycho. 3ème longueur 6b dalle au départ protégé. 4ème longueur 5c avec un départ offwidth: il nous manquait le camalot n. 6 pour nous y engager. La première pose évidente du camalot n. 5 devait être à environ 5m de hauteur avec un retour possible sur une terrasse en cas de chute. On n’a pas pris le risque de s’engager afin de maximiser nos chances d’arriver au bout de nos vacances en un seul morceau.

4ème jour: Ce jour-là, on s’est dit qu’on allait se détendre en faisant une randonnée bédouine (précision : une randonnée bédouine comprend toujours une composante grimpe dans la mesure où l’accès aux sommets est principalement vertical dans le Wadi Rum. La rando bédouine utilise habilement les lignes de faiblesse du terrain). En fait, on s’est engagé dans la plus extrême: Al Thalamiyyah’s route. Niveau 5b en grimpe, dénivelé de 750m, parcours de 15 km de porte à porte. On peut dire en toute objectivité que la voie est engagée : nombreux passages improtégeables, orientation ardue, peu de cairns sur l’ensemble de l’itinéraire. La morphologie du terrain impose de trouver les bons passages afin d’éviter de se retrouver bloqué par un canyon infranchissable. Au final, cela a été notre course la plus dure. Cette expérience fut riche en sensations : beaucoup de doutes sur l’itinéraire et du niveau technique d’une bonne course alpine en AD+ d’une dizaine d’heures.

5ème jour : Là on s’est dit qu’on allait vraiment se reposer. On a mis le cap sur Inferno, une voie de 3 longueurs de 150 m en 6b max. Le crux du 6b demande de la souplesse. Grimpe en opposition sur les pieds dans le style grand écart facial avec des mouvements morphos.

6ème jour : Étant vraiment fatigués par nos prouesses sportives des jours passés, notre choix s’est porté cette fois-ci sur une grande voie facile, Rum Doodle, en face est du Djebel Rum. 300 m en 5b max. Escalade plaisante et au final assez rapide sur du relativement bon rocher en forme de taffonis-corn flakes. Gare aux coincements de cordes à la descente!

7ème et dernier jour : visite de la Mer Morte sur le trajet retour pour se rendre à l’aéroport d’Amman.

Conclusion

Les itinéraires d’accès aux voies et autres randonnées bédouines demandent d’avancer avec calme, concentration et nécessite de savoir s’orienter dans ce labyrinthe que constituent les montagnes du Wadi Rum. Il nous est arrivé fréquemment de revenir sur nos pas pour retrouver le fil de l’itinéraire.

Les voies que nous avons grimpées se protégent globalement bien. Nous avons toutefois grimpé de nombreux passages exposés dans les niveaux 4-5. L’escalade requiert un certain engagement.

Il y a peu de matériel en place dans les longueurs, hormis parfois des relais sur broches, pitons et / ou lunules. Nous avons privilégié des voies en comportant. L’escalade demande un bon sens de l’itinéraire une fois qu’on est lancé.

L’escalade peut avoir un côté psycho du fait de la pose de protections sur un rocher parfois fragile et sablonneux.

Le lieu est vraiment apaisant. Il vous pose comme lorsque l’on se trouve dans le parc des Calanques de Cassis. Ça doit être probablement l’atmosphère du désert. On s’y sent encore en été en ce début du mois de décembre 2023, alors qu’en Europe les températures commencent à être négatives et la neige à tomber.

Détails techniques

Passeport obligatoire et visa de 40 JOD à payer à l’aéroport.
Le voyage est facile à organiser.
Les villageois sont accueillants. Les prix annoncés au départ ne changent pas en cours de route.
Budget : avion 500€, taxi Amman-Rum: 100 JOD, thé : 1 JOD, repas : 5 JOD, logement : 15 JOD / jour pour 2.
Beaucoup de jordaniens parlent anglais. C’est un pays sûr, tourné vers le tourisme.
Contrôle retour à l’aéroport problématique à cause du téléphone satellite : suspicion d’espionnage.
Adresse du bed & breakfast de Souleiman Sabbah Alzlabih : طريق وادي رم, 77110, Wadi Rum, tel : +962 7 7903 6450
Topos : ici

et Thierry SOUCHARD, Rock around the world, 2017, édition Thierry SOUCHARD