Arête Méridionale de la Crête d'Arrouye 1931m, AD-/300m / Barousse, val de Salabe
Vallée de la Barousse, val de Salabe, Coume d’Iglatère
Arête Méridionale de la Crête d’Arrouye 1931m 
Aux confins orientaux des Hautes Pyrénées, la vallée de la Barousse, la « Vath Roussa » en Occitan, la vallée rousse, étale ses six mille huit cent quarante-cinq hectares d’océan forestier, confirmant son toponyme, son statut de sanctuaire écologique et de territoire sauvage par excellence. Ici, point d’équipements touristiques intrusifs, ou de sites congestionnés et sur fréquentés. Ici, prévaut encore, un triomphe salutaire du pastoralisme, et un large répertoire de vallons d’altitude oubliés, offrant un caractère montagnard inaltéré.
Assise sur la faille Nord Pyrénéenne, la géologie locale offre des diversités entre calcaires urgoniens, marmoréens, quartzite, gneiss, grès rouges et conglomérats polygéniques. Bref, un assortiment minéral pour collectionneurs avertis.
Elle défend sa réputation de terre de verticalité, entre, la grande falaise de Troubat, un des premiers laboratoires de la difficulté Pyrénéenne à l’aube des années quatre-vingt ; et le versant Nord de la Montagne d’Areng, épicentre d’un pyrénéisme hivernal, connu et reconnu par les ténors de la pioche de toute la cordillère. 
Quelques icônes locales, aussi discrets que leurs montagnes d’appartenance, tel Serge Casteran ou Henri Fiocco, œuvrent chacun de leur côté, pour maintenir l’incandescence de cette flamme pyrénéiste.
Le val de Salabe reste le théâtre historique de cette mouvance. Après la prospection aboutie de la Montagne d’Areng, la vague déborde désormais aux abords du col de l’Aouet, et plus précisément sur les flancs de la Crête d’Arrouye.  Deux dalles monolithiques de gneiss de 150m environ assurent la mise en scène de la face septentrionale du secteur, entre les points 1909m et 1931m. De faits, le nouvel objet de convoitise a attiré l’œil affuté des cousins Ravier (Christian et Pascal) d’une part, et celui d’Henri Fiocco inaugurant depuis peu, Itinéraires rocheux et mixtes, offrant ainsi, un répertoire de voies improbables sur cette zone quelque peu délaissée.
On remarque sur la carte IGN « Saint Bertrand de Comminges » 1847 OT, deux lignes de pointillé, matérialisant deux échines rocheuses, naissant au cœur de la Coume d’Iglatère. La plus méridionale étire son échine entre 1620m et 1900m, et se détache singulièrement du versant. Elle affiche un entrelacs de ressauts et de blocs cyclopéens, ornés d’un couvert végétal conséquent. Ce système orographique ne passe pas inaperçu et impose sa morphologie comme terminaison Sud de la Crête d’Arrouye.
Sa présence évidente et son statut potentiel « d’arête oubliée » à haute teneur esthétique, ont suscité une curiosité bien fondée et non dissimulée. Avec Roland, mon fidèle compagnon, jeune homme et guerrier inoxydable de quatre-vingt printemps, nous avons recomposé le binôme de notre cordée transgénérationnelle, et sommes passés à l’acte ce 25 mai 2025.
Pyrénéisme « total » selon Roland, ou de « combat » me concernant, seront une part de notre ressenti commun. On se doit de composer avec une roche joueuse et versatile sur le bas, assortie de prises de myrtilliers et de busserole, qui vont conférer à cette course, une certaine tonalité aventureuse. On jardine et maçonne allègrement de concert, revisitant l’art de la progression en terrain varié et aléatoire. Sur le haut de l’arête, le gneiss cède la place au conglomérat, et le rocher ira en s’améliorant. D’ailleurs, l’ultime ressaut nous réserva la meilleure séance de « quadrumamie » de toute la ligne.
L’attaque s’effectuera dans une cheminée-dièdre, aux alentours de 1620m, au-dessus des soubassements de l’arête proprement dite, perdus dans la sapinière. La suite se fera au jugé de la cordée, en choisissant nous concernant, les passages les moins douteux, inspirant le plus de sûreté.
Bilan de l’opération, sept longueurs dont une section à corde tendue sur soixante et dix mètres, offriront un itinéraire au sein duquel la difficulté oscillera entre le 3a et le 4b. Fissures, alisiers, bouleaux et sorbiers assureront les supports de protections pour, nos sangles et nos jeux d’ancrages extractibles.
L’approche s’effectuera depuis l’Artigue de Salabe 1280m, par le sentier du col de l’Aouet, que l’on quitte vers 1400m, pour suivre à gauche une trace passant au pied d’un rocher école caché dans la frondaison et aboutir dans le bas de la Coume d’Iglatère, matérialisée par une clairière remarquable. A partir de ce point, il faudra s’élever dans la partie raide de la sapinière, en faisant bonne lecture des cheminements, jusqu’à la base de l’arête, que l’on dépassera, pour trouver le cairn de l’attaque.
Une fois la course terminée et le sommet atteint à 1931m, deux options de descente sont possibles. A gauche la Coume d’Iglatère invite à son parcours intégral depuis un col évident situé entre Crête d’Arrouye et Crête de Montaut à la cote 1850m, pour retrouver l’itinéraire de l’approche. A droite, il s’agit de rejoindre sur la croupe plein Ouest, le col de l’Aouet 1730m, et suivre le sentier conventionnel, jusqu’à l’Artigue de Salabe.
Cette « arête oubliée », et pour cause, ne peut rivaliser avec ses consœurs Pyrénéennes institutionnelles de haute volée, mais possède indéniablement un caractère original, voire authentique, méritant assurément, son premier parcours. 
Etonnante Barousse, arborant son statut de « Terra Incognita », conservant de faits, son intégrité, et se défendant encore à ce jour, de verser dans le phénomène de mode attirant la dérive consumériste de la Montagne. Une véritable aubaine pour nous autres, amateurs de cette rugosité Pyrénéenne, de sincérité montagnarde, et de pyrénéisme confidentiel.